Le grand projet de Steve Ballmer de « réinventer » Microsoft a été très inégalement accueilli par les analystes de l'industrie. Les réactions varient de l'enthousiasme assuré au scepticisme le plus perplexe. Certains prédisent que la réorganisation permettra à Microsoft d'atteindre son objectif en terme d'efficacité et d'innovation, et d'être mieux armée pour rivaliser avec Apple, Oracle, IBM et Google. D'autres craignent que l'implication interne ne diminue et rende l'entreprise moins attentive aux besoins des clients et à l'évolution du marché.

Cette restructuration annoncée hier repose sur la dissolution des cinq divisions d'affaires de l'entreprise - la division Business, qui avait en charge Office ; la division Server & Tools, qui supervisait SQL Server et System Center, la division Windows, celle Online Services qui supportait Bing. Enfin, la division Entertainment and Devices, dont le principal produit était la console Xbox. Celles-ci sont remplacées par quatre groupes d'ingénierie organisés par fonction : systèmes d'exploitation, applications, cloud computing et devices, plus des entités centralisés pour le marketing, le développement des activités, la stratégie et la recherche, les finances, les ressources humaines, le juridique et l'opérationnel.

Mieux répondre aux besoins des utilisateurs


Steve Ballmer veut que l'entreprise fonctionne de manière plus cohérente, de façon à ce qu'elle puisse proposer des produits blockbuster qui répondent de différentes manières aux besoins des utilisateurs, aussi bien dans l'usage domestique que professionnel. « La valeur de nos produits sera vraiment pensée en fonction des terminaux et des services. C'est un changement d'approche radical par rapport à l'offre de progiciels », a déclaré Steve Ballmer lors d'une conférence de presse jeudi. « Microsoft doit avancer comme un seul homme, avec une stratégie et un ensemble d'objectifs uniques », a-t-il ajouté. « Les équipes des différents secteurs devront travailler en synergie sur tous les grands projets pour s'assurer que leurs efforts vont dans le sens des objectifs globaux de l'entreprise », a ajouté le CEO.

Tom Austin, analyste chez Gartner, se dit sceptique face à cette transformation des unités d'affaires en groupes fonctionnels. « Les entreprises ont pour vocation de faire des affaires. Elles doivent être structurées en fonction des principales unités d'affaires, et non par unités fonctionnelles», a-t-il estimé. Ce nouveau mode de fonctionnement pourrait être plus difficile à comprendre pour les gens de l'extérieur, les clients, les partenaires, les investisseurs. « Les analystes pourraient aussi avoir plus de difficulté à déchiffrer la stratégie de l'entreprise et évaluer sa performance », a-t-il ajouté. En bref, il craint moins de transparence et de visibilité dans l'entreprise. « J'aurais préféré un message clair, à savoir que l'entreprise continuerait à gérer et à rendre compte de son activité par secteur. La restructuration en elle-même n'est pas aussi importante », a encore déclaré Tom Austin. « La qualité des communiqués des dirigeants de Microsoft, leur niveau de précision, contribue à la transparence. Elle permet aux clients et aux investisseurs de prendre des décisions plus éclairées », a-t-il ajouté.

Sans surprise, les analystes partagés


L'analyste d'IDC, Al Gillen, considère pour sa part le projet de Steve Ballmer avec plus d'optimisme. Celui-ci estime que Microsoft va engager des changements nécessaires et courageux. «Le coeur de métier de Microsoft est miné par des transformations au niveau du marché et l'entreprise a besoin d'être plus réactive et de penser les choses différemment par rapport à ce qu'elle a fait dans le passé », a-t-il déclaré. Parmi les principaux défis auxquels doit faire face Microsoft, il y a la faible présence de Windows sur le marché des smartphones et des tablettes, où le système de Microsoft se situe loin derrière Android et iOS, plus la concurrence accrue que subit Office de la part de rivaux comme Google qui offre des solutions alternatives, hébergées dans le cloud, moins coûteuses.

Microsoft a répondu à ces menaces d'une part avec Windows 8 et Windows Phone 8, et d'autre part avec Office 365, une suite qui propose des versions cloud de ses applications de productivité Word, Excel et PowerPoint, plus des versions hébergées sur le Web de ses produits serveur SharePoint, Lync et Exchange. Mais Windows 8 et Windows RT pour terminaux ARM, lancés en octobre, n'ont pas été bien accueillis, incitant Microsoft à préparer une mise à jour Windows 8.1 pour cette fin d'année. Pendant ce temps, Office 365 continue à batailler avec les Google Apps et d'autres suites de communication et de collaboration concurrentes. Ainsi, la firme de Redmond a dépensé 1,2 milliard de dollars il y a un an pour acheter Yammer afin de renforcer les capacités de SharePoint dans les réseaux sociaux d'entreprise.