À la tombée de la nuit, quand les lampes fluorescentes de la tour de bureaux de 41 étages s'allument, c'est le début des ennuis pour les utilisateurs de téléphones portables qui se trouvent à la périphérie de l'immeuble Ernst & Young Plaza, tout près du centre de Los Angeles. En effet, comme l'indique la FCC dans sa plainte déposée vendredi contre Brookfield Office Properties, le propriétaire du bâtiment, ces ampoules émettent des fréquences qui interfèrent avec le réseau à 700 MHz de Verizon Wireless. La requête de l'U.S Federal Communications Commission est claire et précise : si Brookfield Office Properties continue à utiliser ces ampoules, il est passible d'une amende de 16 000 dollars par jour. L'amende est plafonnée à 112 500 dollars, mais cette violation pourrait également exposer le propriétaire à « des sanctions pénales, pouvant aller jusqu'à l'emprisonnement », précise encore la plainte. Informée du problème par Verizon en avril dernier, la Commission a approché les gestionnaires du building. À l'époque, Brookfield Office Properties avait affirmé qu'ils menaient une enquête à ce sujet, mais la FCC n'a jamais obtenu les rapports demandés. Verizon a continué à se plaindre, si bien que la FCC a débarqué dans l'immeuble pour faire ses propres tests. L'équipement de goniométrie utilisé sur place a confirmé que les interférences venaient bien des ampoules utilisées pour éclairer le building. Mais les plaintes de Verizon dénonçant l'effet de ces éclairages sur son réseau restant sans effet, c'est finalement la FCC qui a ordonné à Brookfield Office Properties de communiquer ses conclusions et de dire comment il comptait régler le problème. L'agence attend un rapport définitif sous 60 jours, mais le gestionnaire a la possibilité de contester les conclusions de la FCC sous 30 jours. Le propriétaire a refusé de commenter la plainte. « Brookfield s'efforce d'être un bon voisin et nous nous employons toujours à résoudre les questions techniques liées à nos propriétés », a déclaré par courriel sa porte-parole, Melissa Coley.

Un composant électrique perturbe les antennes cellulaires

Selon la FCC, l'interférence vient du ballast qui sert de transformateur au système d'éclairage. Dans sa déposition le FCC indique que « selon un document client datant de 2012, General Electric, le fournisseur des ampoules, précise que certains ballasts de type UltraMax produisent involontairement des émissions radio à haute fréquence qui peuvent potentiellement créer des interférences avec certains types de communications sans fil ». Toujours selon la FCC, « à l'époque, GE aurait expliqué à ses clients comment échanger les produits défectueux ». General Electric n'a pas répondu à une demande de commentaire. Même si elles ne sont pas utilisées pour les communications, l'usage des lampes fluorescentes est réglementé par la FCC au même titre que les appareils ISM (industriel, scientifique et médical). L'éclairage mis en place par General Electric devait répondre à cette réglementation et Brookfield Office Properties est poursuivi pour usage d'appareils ISM provocant des interférences.

Les opérateurs mobiles dépensent des milliards d'euros en licences de fréquences radio dans le but de protéger leurs réseaux de toutes les interférences pouvant se produire dans les bandes sans licence, comme sur les bandes de fréquence du WiFi. En effet, le WiFi partage ses fréquences avec le Bluetooth, les téléphones sans fil et de nombreuses autres technologies, y compris les fours à micro-ondes qui génèrent des ondes dans la bande très encombrée des 2,4 GHz. Normalement, les bandes sous licence achetées par les opérateurs ne subissent pas de chevauchement, et en tout cas, il est rare que l'éclairage soit à l'origine d'interférences avec le réseau cellulaire. « C'est très exceptionnel », a déclaré Phil Marshall, analyste chez Tolaga Research. « Si ça arrivait plus souvent, on en entendrait beaucoup plus parler ». Mais, ce n'est quand même pas la première fois. L'an dernier, la FCC a ordonné à un salon de coiffure de San Antonio, Texas, de mettre fin aux émissions lumineuses qui interféraient avec le réseau à 700 MHz d'AT&T.

Les blindages sont plus fréquents pour limiter les interférences

De nombreux équipements électroniques que l'on trouve couramment dans les maisons et les bureaux émettent un rayonnement électromagnétique. Et à une époque pas si lointaine, les conflits avec les signaux radio étaient plus fréquents. « Par exemple, lors de la sortie des premières cartes d'extension qui ajoutaient des fonctions de communication cellulaire sur les ordinateurs portables, les ondes radios étaient parfois perturbées par les fréquences du CPU de l'ordinateur », a rappelé Phil Marshall. « À l'époque aussi, les rayonnements émis par certains ordinateurs portables étaient suffisants pour interférer avec les systèmes de navigation embarqués dans les avions », a déclaré pour sa part Craig Mathias, analyste chez Farpoint Group. « Depuis, les filtres et le blindage ont été améliorés », ont-ils tous deux ajouté. « Ces équipements électroniques pourraient potentiellement interférer avec les téléphones mobiles, mais les améliorations apportées dans la conception de ces matériels permettent d'éviter ce genre de problèmes », a déclaré Phil Marshall.