La toile découvrait massivement le concept Phonebloks en septembre dernier. Aujourd'hui, Motorola Mobility, filiale de Google, s'empare du projet. Il faut dire que l'engouement pour l'idée de Dave Hakkens, un Néerlandais de 25 ans à l'origine de Phonebloks, n'aura pas laissé le géant du Net indifférent. Sa vidéo de présentation postée sur YouTube a été vue plus de 17 millions de fois. Motorola se lance donc en collaboration avec Dave Hakkens dans la conception technique du projet sous le nom de code Ara. 

« Faire pour le hardware ce qu'Android a fait pour le software »

L'un des principaux arguments de vente pour Google depuis son acquisition de Motorola Mobility a été la personnalisation des terminaux. Les utilisateurs sont en effet invités à designer leur propre téléphone via le site web de Motomaker. Une attention louable mais un constat malheureux : les options de personnalisation sur Motomaker n'offrent en fait que très peu de choix. La firme prend donc l'initiative, certes ambitieuse, de mener à bien le projet à l'engouement planétaire.


Le téléphone imaginé par Dave Hakkens

Un exemple de Phonebloks, le concept de base de Dave Hakkens

La société présente Ara comme une plateforme matérielle ouverte et libre qui faciliterait la conception de smartphones hautement modulaires. Le projet devrait permettre à des tiers de créer des composants matériels individuels sans forcement avoir à fabriquer un terminal complet. « Nous voulons faire pour le matériel ce que la plateforme Android a fait pour les logiciels : créer un écosystème de développeurs tiers impliqués, réduire au maximum les barrières du possible et accélérer le rythme de l'innovation afin de comprimer considérablement les délais de développement », déclare la firme dans un billet de blog. 

Un kit développeur de modules Open Source cet hiver

Les téléphones Ara reposeraient sur un cadre structurel que l'entreprise qualifie de «endo» (comme dans endosquelette) et sur des modules interchangeables. Ces modules, dont le développement sera ouvert à n'importe qui, sont à la source des possibilités de personnalisation des terminaux. Ces composants peuvent être aussi bien internes qu'externes, tels que des processeurs, des périphériques, des claviers, des module de décoration...
« L'utilisateur décide de tout », lance Motorola. La firme fait remarquer que ce type de projet n'est envisageable qu'en raison de la polyvalence accrue des smartphones et de la démocratisation de l'impression 3D.

Ara, le concept sur lequel travaille actuellement Motorola

Un aperçu du projet Ara, lancé par Motorola

Dans l'écosystème Ara, la création d'un nouveau composant matériel se veut accessible au même titre que le développement d'une application. Les équipes qui se penchent actuellement sur le projet affirment en outre que son développement sera mené main dans la main avec la communauté Phonebloks, dans un esprit Open Source. La société espère d'ailleurs sortir un Kit de Développement de Modules (MDK) dans le courant de l'hiver. Un certain nombre de succès notoires d'accessoires tiers pour smartphones ont déjà marqué les esprits. Square, par exemple, permet à n'importe quel terminal de traiter les transitions par carte de crédit. Le crowdsourcing pourrait par ailleurs ouvrir les portes de la production de matériel à de nombreux créateurs indépendants.

Des problèmes de compatibilité à surmonter

Selon Paul Eremenko, de Motorola Advanced Technology, qui travaille sur le projet Ara, la question serait sur la table depuis déjà plus d'un an, bien avant la vidéo virale de Dave Hakkens. Une idée qui avait alors été accueillie positivement par Geoff Blaber, un analyste mobile pour CCSInsight. « C'est un concept très intéressant. Cependant, il y a un certain nombre d'obstacles techniques et commerciaux à surmonter avant d'arriver à une production finale », a t-il déclaré. « La complexité d'un téléphone qui vous permet d'échanger les composants est importante », ajoute-t-il. « Certains de ceux-ci, comme les écrans, sont relativement faciles à échanger, mais d'autres, tels que les processeurs, nécessitent beaucoup d'intégration logicielle et de programmation pour que l'ensemble du système fonctionne bien. Je pense que c'est l'un des grands défis du projet », conclut-il.

Un autre problème majeur sera sans aucun doute celui de l'acceptation du terminal par les opérateurs. « Un opérateur prend un produit sur la base de ses composants et de ses logiciels. En changeant les composants, un impact potentiel sur les performance peut perturber l'expérience de service », admet-il . « Motorola est le premier acteur de l'histoire, mais beaucoup d'autres doivent s'engager pour mener le projet à terme ».