Une semaine après l’OpenStack Summit de Barcelone, revenons sur deux nouvelles qui ont particulièrement animé les discussions de fin de journées. Hewlett Packard Entreprise et Mirantis - deux des sociétés les plus impliquées dans le projet cloud open source OpenStack avec Red Hat et IBM - ont chacune licencié des employés ces dernières semaines.

L'intégralité des licenciements chez HPE n’a pas été détaillée mais notre confrère ComputerWorldUK a cité la semaine dernière le fondateur de Canonical Mark Shuttleworth en indiquant que HPE avait considérablement allégé ses équipes OpenStack. Franz Meyer, vice-président Strategic Business Development pour la zone EMEA chez Red Hat, nous a expliqué à Barcelone qu'une partie des effectifs Helion avait été remerciée. Un tweet de Vicky Brasseur, directeur technique chez HPE à Portland pour le programme Helion, est d'ailleurs particulièrement explicite :

Elle a en effet été obligée de licencier toute son équipe OpenStack et elle invite les entreprises et fournisseurs travaillant sur la plate-forme à les recruter.

Des explications laborieuses

Un responsable de HPE a confirmé qu'il y avait eu une restructuration, mais sans préciser combien de personnes travaillant sur OpenStack - à Seattle - avaient été remerciées. Il indique simplement que la déclaration de Mark Shuttleworth était exagérée. Sur le stand HPE à l’OpenStack de Barcelone, les visages se fermaient quand on abordait ce sujet… Mark Shuttleworth a également déclaré que Mirantis a supprimé environ 300 postes de développeurs OpenStack, mais le co-fondateur et directeur marketing de la société de services, Boris Renski, précise que le nombre de licenciés est inférieur à 100.

Les responsables de la Fondation OpenStack - qui sont chargés de coordonner le développement des différentes briques de la plate-forme – n’ont pas voulu spécifiquement commenter ces coupes, qui sont peut être révélatrices des faiblesses de cette communauté open source. 10 000 personnes s’étaient inscrites au dernier OpenStack Summit et les ateliers techniques se sont succédés durant trois jours. En Europe, les projets – de type cloud privé - restent toujours modestes, nous avait confié Franz Meyer à Barcelone.

Deux années tumultueuses chez HPE 

Un porte-parole de HPE a confirmé qu'il y avait bien eu des licenciements mi octobre dans le cadre d'une « stratégie de remise à l'échelle de l'entreprise pour permettre à HPE d’être plus agile et plus centré sur ses partenaires et clients dans les entreprises. Le licenciement de tous ses employés OpenStack était une affirmation erronée, la société emploie encore des experts techniques OpenStack, précise-t-il.

Des sources familières avec le sujet expliquent que les licenciements ont été motivés par de multiples facteurs. Tout d'abord, une restructuration générale entamée depuis la scission de HP en novembre 2015 avec HPE d’un coté et HP Inc de l’autre. En avril 2016, HPE a ensuite annoncé une sorte de fusion/spin-off de ses actifs logiciels non essentiels (Autonomy, Vertica, ArcSight…) avec Micro Focus dans le cadre d’un accord de 8,8 milliards de dollars qui a provoqué un transfert d’employés. HPE possède aujourd’hui 50,1% des parts de Micro Focus. Une source proche de HPE ajoute que, depuis l'annonce de l’accord avec Micro Focus, une grande partie des employés de l’activité cloud (PaaS et IaaS) ont été remerciés. Cette source, qui tient farouchement à garder son anonymat, précise qu’il y a des rumeurs sur le fait que HPE pourrait vendre sa distribution OpenStack Helion (4.0 à ce jour) et poursuivre sa commercialisation, mais en tant que marque blanche. Suse, une société du groupe Micro Focus, qui développe sa propre distribution OpenStack, est considérée comme la cible plus probable pour la reprise des actifs cloud de HPE. Un peu plus tôt cette année, HPE avait déjà balisé le terrain indiquant que Suse était son partenaire Linux «préféré» et que les entreprises travailleraient ensemble sur OpenStack. Certains puristes open source considèrent aujourd’hui la distribution Helion, qui intégre des composants d’orchestration et d’automatisation issus du rachat d’Eucalyptus, comme un fork d’OpenStack. Ce qui expliquerait le dédain de la communauté pour la plate-forme. Et si on consulte Stackalytics.com, on découvre que HPE a considérablement diminué ses contributions à OpenStack ces derniers mois. 

Les coupes chez Mirantis découlent du rachat de TCP Cloud

Les licenciements chez Mirantis interviennent quelques semaines après l'acquisition de TCP Cloud (le 15 septembre 2016 pour être précis), une start-up tchèque qui offre une version hébergée du cloud open source qu'elle vend aux clients en tant que service. Une solution également proposée par Platform 9. Après cette acquisition, Boris Renski a déclaré qu'il était nécessaire de « trouver un équilibre entre la pureté du génie logiciel et l'expertise opérationnelle ». 

Deux activités de Mirantis sont concernées par les coupes. Il s’agit du projet Fuel, un installateur OpenStack, qui est en cours de réaménagement pour se concentrer sur « l'infrastructure en tant que code », a déclaré Boris Renski. Un deuxième groupe d'employés, concentrés sur un projet PaaS interne, va désormais contribuer au développement du support du gestionnaire de containers open source Kubernetes. « Nous n'abandonnons pas OpenStack et nous ne sortons pas du marché des distributions OpenStack », a précisé Bob Renski. 

Qu'est-ce que cela signifie pour OpenStack 

HPE et Mirantis ont été deux des sociétés les plus influentes dans la communauté OpenStack. En 2015, les développeurs de HPE et Mirantis ont été les deux premiers contributeurs de la plate-forme. Mais pour la prochaine version baptisée Ocata qui sera disponible l'année prochaine, HPE est tombé à la sixième place pour la quantité de code, selon le site Stackalytics.com. Les contributions de Mirantis sont passées de 19% du code pour la release actuelle Newton à 12% pour Ocata attendue l'année prochaine. Il est bien sûr possible de contribuer différemment au projet OpenStack en remontant des bugs ou en fournissant des ressources matérielles comme le fait OVH, mais sans code, il n’y aurait tout simplement pas d’OpenStack. 

Le directeur exécutif de la Fondation OpenStack, Jonathan Bryce, n'a pas tenu à commenter publiquement les licenciements, mais il a déclaré que le projet OpenStack est globalement sain et en croissance. « Nous continuons d'ajouter de nouvelles entreprises et contributeurs », a-t-il déclaré. « Il est nécessaire d’avoir une large base d'entreprises qui participent. La façon dont elles participent peut changer, mais c'est sain pour un projet open source, qui est mesuré par la somme de ses composantes, pas seulement par un individu ou une entreprise ». Mark Collier, COO de la fondation OpenStack, a ajouté que la dernière version d'OpenStack avait un nombre record de contributeurs. « Ce que nous voyons au niveau macro sont des flux et des reflux entre les différentes organisations au fil du temps », a-t-il dit. « Pour nous, il s'agit plus d’une agrégation plus que de têtes d’affiche. »