Dans un rapport publié lundi, Kaspersky Labs a indiqué qu'un groupe de cybercriminels, dénommé Equation, a créé des outils similaires à ceux employés par les agences de renseignement américains pour infiltrer des institutions clefs dans plusieurs pays dont l'Iran et la Russie. Les outils, exploits et malwares, utilisés par ce groupe ont des similarités fortes avec les techniques de la NSA décrites dans des documents top-secret qui ont fuité en 2013.

Les pays les plus touchés par Equation incluent l'Iran, la Russie, le Pakistan, l'Afghanistan, l'Inde et la Chine, avec des cibles comme l'armée, les télécommunications, les ambassades, le gouvernement, les institutions de recherche et les écoles islamiques, a indiqué l'éditeur de sécurité. L'un des éléments les plus édifiants trouvés concerne la capacité d'Equation à modifier le firmware d'un disque dur.

Le formatage des disques durs totalement inefficace

Le malware d'Equation reprogramme le microcode du disque dur, créé des secteurs cachés sur le disque pouvant seulement être accédés par une API secrète. Une fois installé, le malware est très difficile à enlever : le formatage de disque ou la réinstallation d'un OS n'a aucune conséquence et les secteurs cachés subsistent. « Théoriquement, nous étions au courant de cette possibilité, mais pour autant que je sache il s'agit du seul cas que nous ayons vu d'un attaquant doté d'une capacité aussi incroyablement avancée », a fait savoir Costin Raiu, directeur de la recherche globale de Kaspersky Lab.

Les disques durs fabriqués par Seagate Technology, Western Digital Technologiqes, Hitachi, Samsung Electronics et Toshiba peuvent être modifiés par deux des plates-formes malware pour disques durs d'Equation, à savoir « Equationdrug » et « Grayfish ». Le rapport publié par Kaspersky précise qu'Equation a une connaissance des disques durs qui va au-delà de la documentation publique publiée par les vendeurs.

300 domaines connectés avec Equation dont trois toujours actifs

Equation connaît des sets uniques de commandes ATA utilisées par les vendeurs de disques durs pour formater leurs produits. La plupart d'entre elles sont publiques, car elles comprennent une norme assurant au disque dur d'être compatible avec n'importe quel type d'ordinateur. Mais il existe des commandes ATA sans documentation, utilisées par les fournisseurs pour des fonctions permettant de gérer le stockage interne et la correction d'erreurs. En substance, il s'agit « d'un système d'exploitation fermé », a indiqué Costin Raiu. « La capacité de reprogrammer le firmware ou juste une partie du disque serait incroyablement complexe et être capable de le faire pour plusieurs parties des disques de plusieurs marques est presque impossible. Pour être honnête, je ne pense pas qu'il existe un autre groupe dans le monde qui en soit capable ».

Kaspersky a découvert la piste du groupe Equation après avoir enquêté sur un ordinateur appartenant à un institut de recherche dans le Moyen-Orient touché par un dangereux malware et contenant des exemples de menaces persistantes avancées en français, russe et espagnol. Il intègre également un pilote malveillant qui pourrait être relié à la vaste infrastructure de commande et de contrôle utilisée par Equation. Les analystes de l'éditeur de sécurité ont trouvé plus de 300 domaines connectés avec Equation, le plus ancien enregistré datant de 1996. La plupart d'entre eux ne sont plus utilisés par Equation, mais trois sont toujours actifs. Leur activité, cependant, ne donne pas beaucoup d'indice sur Equation qui a changé sa tactique fin 2013. « Ces trois domaines sont intéressants mais nous ne savons pas quel malware ils ont utilisé », a précisé l'éditeur.

La patte Stuxnet présente partout

Dans son rapport, Kaspersky précise par ailleurs avoir identifié le ver Fanny, créé en 2008, qui a été utilisé contre des cibles au Moyen-Orient et en Asie. Pour infecter des ordinateurs, Fanny a utilisé deux exploits zero-day qui ont aussi codés dans Stuxnet, utilisé pour saboter les opérations d'enrichissement d'uranium en Iran. Tout laisse à penser qu'il s'agissait d'un projet commun entre les États-Unis et Israël. L'utilisation des mêmes zero-day n'est probablement pas une coïncidence et montre que si le groupe Equation et les développeurs Stuxnet ne sont pas les mêmes, ils ont dû travailler très étroitement ensemble.