Lancé officiellement ce mardi suite à un décret pris le 28 octobre, la base de données rassemblant les données des TES (titres électroniques sécurisés) visant à centraliser les données personnelles des 66,6 millions de français (identité, couleur des yeux, domicile, photographie ou encore empreintes digitales) fait bondir de nombreuses personnalités et organisations. Mis en oeuvre selon le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve a des fins de « simplification administrative », ce méga fichier est en tout cas vu d'un mauvais oeil par la secrétaire d'Etat en charge du Numérique, Axelle Lemaire. « Ce décret a été pris en douce par le ministère de l'Intérieur, un dimanche de Toussaint, en pensant que ça passerait ni vu ni connu », a t-elle indiqué à nos confrères de L'Opinion. « Je vais en parler au président, mais croyez-vous que je pèse, face au ministre de l'Intérieur, au garde des Sceaux et au Premier ministre ? »

Outre la secrétaire d'Etat, la base de données TES a également fait sortit de ses gonds le CNNum (conseil national du numérique) qui s'est fendu d'un communiqué pour le moins explosif. « Le Conseil déplore l'absence de toute concertation préalable à la publication de ce décret », attaque d'entrée l'organisation. « Le choix, pris par décret, d’une architecture technique centralisée pour la conservation de données biométriques soulève un grand nombre d’inquiétudes. Dans un monde numérique où le code fait la loi, l'existence d'une telle base de données laisse la porte ouverte à des dérives aussi probables qu'inacceptables. Aussi légitimes que soient les finalités initiales du Gouvernement, rien ne pourra techniquement prévenir leur extension future au gré d’une grave actualité. »

Le CNNum et la Cnil vent debout contre le méga fichier informatisé du gouvernement

Les inquiétudes mises en avant par le CNNum sont également liées à une problématique de sécurité : en mettant en place une telle base de données contenant autant de données sensibles, ce dernier pourrait bien attirer les convoitises de hordes de hackers, agissant aussi bien seuls à des fins de revente d'informations en masse (un grand classique du dark web), voire pour le compte d'Etats et servir à des fins d'intelligence économique. Le CNNum n'est pas le seul organisme à être vent debout contre cette base de données. C'est également le cas de la Cnil (commission nationale de l'informatique et des libertés) qui s'est également montré particulièrement vigilante. « Il ne nous paraît pas convenable qu'un changement d'une telle ampleur puisse être introduit, presque en catimini », avait-elle affirmé en appelant la représentation nationale à se saisir du dossier pour en peser « les avantages et les inconvénients » et exprimer « un choix politique », avait ainsi fait savoir mardi dernier sa présidente, Isabelle Falque-Pierrotin.

(mise à jour du 9 novembre à 19 h) : Auditionné par la Commission des lois de l'Assemblée nationale, le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, a écarté cet après-midi la possibilité de suspendre le décret (cf la vidéo de l'intervention de M.Cazeneuve)