Selon les dernières informations, Apple prévoit de produire ses propres CPU et GPU pour équiper ses Mac. Les processeurs T2 actuels ne sont que la toute première étape de ce processus. Le niveau suivant le plus logique pour Apple, si l’on considère les ratios puissance/performance et coût/performance, serait de construire un MacBook autour de sa puce maison A12X. Mais plus important encore, en franchissant ce cas, Apple aurait le contrôle total de sa plate-forme et pourrait innover bien plus qu’en déléguant à d'autres la fabrication du composant qui se trouve au cœur même de ses ordinateurs. Pour ces raisons et pour bien d'autres encore, il serait logique qu’Apple commence à porter macOS sur ARM et produise des ordinateurs qui fonctionnent avec ses propres CPU et GPU. Certes, cette transition prendra des années. Mais d’ici là, Apple pourrait très bien prendre ses distances avec Intel et poursuivre sa route avec AMD.

Meilleure performance, moindre consommation

Les processeurs qu'AMD livrera cette année - les  puces Ryzen de 3e génération basées sur le cœur Zen 2 pour PC et les Ryzen Threadripper haut de gamme pour les PC de gamers et mes stations de travail basées sur cette même technologie - ne vont pas seulement compliquer la vie d’Intel. Les puces actuelles de cette génération sont aussi plus performantes que les puces d’Intel dans presque toutes les tâches, à l'exception de l'execution des jeux haut de gamme. Et même si les jeux Mac sont très bons, ils sont toujours rares et ce n'est tout simplement pas le premier marché pour la plate-forme d'Apple.

AMD a furtivement montré ses produits gravés en 7 nm qu’il livrera cette année. Au cours de sa keynote d'ouverture du CES 2019, AMD a notamment montré un prototype de sa future puce Ryzen de 3e Gen. Même si elle fonctionne à une vitesse réduite, elle bat la puce Core i9-9900K dans un test Cinebench. C'est un exploit, si l'on considère que les deux puces ont toutes deux 8 cœurs et 16 threads. Mais quand Lisa Su, la CEO d'AMD a brandi la puce Ryzen utilisée pour la démonstration, tout le monde a remarqué qu'il restait de la place, peut-être pour un second circuit de 8 cœurs et 16 thread. (Certains ont trouvé qu’AMD s’était montrée très prudente en ne dévoilant que sa version 8 cœurs). Si AMD peut faire aussi bien ou mieux qu’Intel, à nombre de cœurs équivalent, et s’il peut livrer un processeur desktop 16 cœurs, 32 threads, il y a peu de doute que le fondeur gagnera aussi la course de la performance globale, malgré les améliorations qu'Intel apportera cette année à ses processeurs.

 

Hmm… On dirait qu'AMD a laissé de la place pour un autre noyau 8-cœurs, 16 thread, dans le futur chip Ryzen de 3e Gen. (Crédit : AMD)

La démo faite par AMD au CES signifiait aussi autre chose. Le prototype de puce Ryzen de 3e Gen a utilisé environ 25 % de puissance globale de moins que le système Intel. Si la cadence de la puce définitive est un peu plus élevée, l’écart peut se réduire, mais c'est un énorme progrès de voir qu'AMD égalise ou dépasse les performances des puces de silicium d'Intel pour une consommation énergétique nettement plus faible. Si l’on rapporte cela à l'échelle d’une puce Threadripper de 3e génération, on a l’équation parfaite pour un Mac Pro à venir. Comme pour les deux premières générations de puces Threadripper, on peut supposer que la puce Threadripper de 3e génération sera semblable à la série de puces serveur Epyc d'AMD, laquelle peut supporter un maximum de 64 cœurs et 128 threads.

 

Déjà, un iMac Pro équipé d’une puce Threadripper de 2e génération d’AMD serait plus performant. On peut imaginer ce que ça donnerait avec une version 3e génération. (Crédit : AMD)

Et si, à la fin de cette année, Apple livrait un Mac Pro avec une puce 64 cœurs et 128 threads, dont les performances par cœur seraient équivalentes à celles d'une puce Intel ? Il faut rappeler aussi qu’AMD est en avance sur le support du PCI Express 4.0. Or, Apple adore doter ses machines desktop Pro d’I/O rapides. C'est donc un avantage de plus en faveur d'AMD.

Un prix incitatif

Apple n'a jamais été leader en matière de prix, mais le constructeur ne veut certainement pas payer plus que nécessaire pour ses processeurs. Depuis le lancement de la puce Ryzen en 2017, AMD offre un ratio performance/prix exceptionnel. Même ses puces desktop les plus performantes (souvent plus rapides que celles d'Intel dans de nombreuses tâches) coûtent des centaines de dollars de moins.

 

Apple adore les I/O rapides. Et AMD sera le premier à livrer du PCIe 4.0 ! (Crédit : AMD)

Évidemment, un grand et prestigieux constructeur comme Apple ne paie pas le tarif public. Mais il est difficile d'imaginer qu'AMD ne puisse pas proposer à la firme californienne des tarifs plus compétitifs qu'Intel, ce qui permettrait à Apple de répercuter une partie de ces économies sur ses clients. AMD est déjà le seul fournisseur de GPU pour Mac (ceux avec des graphiques discrets), et ce serait une énorme victoire pour le fondeur s’il parvenait à devenir le fournisseur de processeurs d’Apple à la place d'Intel, même si cela ne concerne que les machines desktop. AMD pourrait presque réduire sa marge au minimum, car la simple hausse du cours des actions qui s’ensuivrait, suffirait.

Pas de complication pour les développeurs

Ce changement de fournisseur de CPU pourrait susciter des inquiétudes… Car à quoi bon changer, si Apple prévoit de produire ses propres CPU pour tous les Mac dans quelques années ? Il faut comprendre que ce changement présente plus de similitudes avec le passage de Nvidia à AMD. Pour la plupart des développeurs, ce serait tout sauf invisible. La forte compatibilité entre les processeurs x86 Intel et AMD signifie que les codeurs n'auront pas beaucoup plus de travail de développement à accomplir. En fait, la plupart des applications « fonctionneraient » sans aucune modification. Les développeurs qui voudront vraiment optimiser leur code pour l'architecture AMD disposent déjà d’un grand d'outils qu’ils connaissent bien. Le meilleur code optimisé d'AMD existe dans la communauté Linux, plus proche de macOS que de Windows. Comparé à l'exécution d'une application sur ARM, faire tourner l'ensemble des apps macOS actuelles sur les puces Ryzen d'AMD serait un jeu d'enfant.

Une forte base de fans

Apple cherche plus à devenir une société de services qu'à vendre beaucoup de machines desktop, mais ce n’est pas pour rien que le constructeur produit des Macs – faire évoluer le matériel est toujours un axe important de l’activité d’Apple. Ces derniers temps, les ventes d’ordinateurs Mac ont marqué le pas, et un petit coup de pouce serait bienvenu. À long terme, l'innovation que peut apporter Apple en produisant ses propres processeurs pour Mac serait le meilleur moyen d’inverser la tendance.

 

On peut dire qu’on a une base d’utilisateurs passionnés quand on a une fraction de part de marché, mais plus de quatre fois plus d'abonnés à ses subreddits. (Crédit : IDG)

À court terme, c’est toujours une bonne chose d’avoir des fans enragés, impatients d'acheter tel ordinateur parce qu'il utilise les processeurs et GPU de leur marque préférée. Il y a des fans d'Intel et des fans d'AMD, mais la base de fans d'AMD a un esprit « outsider » qui collerait parfaitement avec la culture d’Apple. Ceux qui disent qu'un fan d'AMD refusera d’acheter son premier Mac juste parce qu'il intègre une puce Ryzen Threadripper n’ont jamais rencontré de fan d'AMD.

Du temps avant l’arrivée de Macs basés sur ARM

Les performances de l'A12X qui équipe l'iPad Pro seraient déjà suffisantes pour un MacBook mince et léger, mais ce processeur est beaucoup plus lent que le processeur Intel 18 coeurs qui équipe l’iMac Pro sorti il y a un an. Entrent aussi en ligne de compte les performances du GPU, la bande passante mémoire, les multiples voies PCI Express... Bref, Apple pourrait sans trop de difficultés construire tous les composants dont il a besoin pour produire un MacBook léger et fin, mais il lui faudrait des années pour arriver à produire des puces ARM plus puissantes pour faire tourner les futurs iMac Pro et Mac Pro desktop. Le marché des serveurs attend toujours des puces ARM capables de faire de l'ombre aux Xeon.

Ce n’est pas grave. La transition vers des Mac ARM, si elle doit se produire, devrait commencer par des ordinateurs portables légers et fins et remonter la pile de produits à partir de là. Non seulement les puces actuelles de la série A d'Apple sont beaucoup plus près de répondre aux attentes de performance et de fonctionnalité de ces ordinateurs portables, mais les inévitables problèmes de compatibilité seront moins problématiques. Les ordinateurs portables Mac fins et légers - le MacBook et le MacBook Air - sont des appareils grand public. Ils servent surtout à naviguer sur le Web, consulter les courriels, écouter de la musique, regarder des vidéos et peut-être parfois à créer un peu de contenu léger (édition de photos de base, etc.). Si macOS passe sous ARM, les développeurs devront réécrire de nombreuses applications, mais les besoins des utilisateurs de MacBook Air pourront être entièrement satisfaits ou presque par les applications intégrées d'Apple. À quelques exceptions près, les consommateurs peuvent changer d'application assez facilement, et si leur application de prise de notes préférée n'a pas de version compatible ARM, ils peuvent en essayer une autre.

Mais les ordinateurs de bureau Mac haut de gamme - iMac Pro et Mac Pro - sont destinés aux utilisateurs qui réalisent de gros travaux de montage vidéo, de modélisation et d'animation 3D, ou de montage d'images haut de gamme (comme les affiches de films). Les applications professionnelles sur lesquelles s'appuient ces machines sont fréquemment mises à jour pour les enrichir de nouvelles fonctionnalités. Dans ce contexte, le passage à une nouvelle architecture peut prendre des années. Et les clients ne pourront pas facilement passer à un produit concurrent - ils devront peut-être convaincre leur entreprise de l'acheter d'abord, et ils devront ensuite gérer des années de données et de bibliothèques héritées.

Les Macbook premiers choix pour les puces ARM 

Selon notre confrère de Macworld, Apple devrait passer ses Mac sous ARM, en commençant par le MacBook et le MacBook Air. Au fur et à mesure que la firme de Cupertino développera des puces de plus en plus grosses et puissantes, le constructeur pourrait remplacer les processeurs x86 par ses propres CPU ARM, d’abord dans le MacBook Pro, puis l'iMac, puis l'iMac Pro et le Mac Pro. Pendant que l’entreprise consacrera ces années à développer ces puces et à livrer ces produits, les fournisseurs d'applications professionnelles disposeront de tous les outils et de tout le temps nécessaire pour rendre leurs logiciels compatibles avec l’architecture ARM. Ainsi, même si la transition vers les processeurs Apple sur Mac commence cette année et progresse rapidement, il faudra probablement quelques années avant que toute la gamme d’ordinateurs Mac puisse tourner avec un processeur Apple maison. En attendant, l'entreprise devrait se tourner vers AMD pour répondre à ses besoins en processeurs x86. Et si Apple renonçait finalement à sa transition vers ARM, ce serait une raison de plus pour soutenir l'entreprise qui fabrique aujourd'hui les processeurs de bureau x86 les plus prometteurs du marché.