Et de deux ! Après Louvois, le système de paye des militaires dont l'abandon a été annoncé en décembre dernier par le ministre de la Défense, c'est au tour de l'ONP (Opérateur national de paye) d'être enterré. Lancé en mai 2007 sous la présidence de Nicolas Sarkozy, ce super calculateur de paie avait pour vocation de développer un système d'information unique de la paye pour plus de 2,4 millions d'agents de l'Etat. L'objectif était simple : réaliser 190 millions d'euros d'économies par an en supprimant 3800 postes affectés à la gestion de la paye dans les différents ministères.
Aujourd'hui, le ministère du Budget a confirmé à nos confrères de l'AFP que « le gouvernement a décidé d'interrompre le développement d'un logiciel de paye des fonctionnaires qui a déjà coûté plus de 230 millions d'euros (290 avec les dépenses de personnels), mais table sur des économies de « 600 millions d'euros sur les dix années à venir ». Sur ce dernier point, le ministère estime qu'il était nécessaire d'injecter 60 millions d'euros par an sur 10 années pour arriver au bout du projet. La décision du gouvernement se base selon nos confrères de l'Express sur un rapport sur l'ONP remis par Jacques Marzin, directeur de la DISIC en janvier dernier qui pointait les différents problèmes du projet.
Les syndicats inquiets
Plus de précisions ont été données par le syndicat FO après une lettre envoyée à la direction générale des Finances Publiques (DGFIP), le 5 mars dernier. L'arrêt de l'ONP a été décidé en raison « des risques techniques importants, ainsi que les reports successifs des calendriers qui rendent impossible la tenue de l'objectif de déploiement généralisé initialement prévu et réaffirmé en 2017 ». En conséquence, « les anciennes applications de la paye seraient maintenues et transposées à fonctionnalités identiques, sans recul donc mais sans avancée fonctionnelle non plus ».
Le syndicat s'interroge aussi sur l'impact social de cette interruption. « Plusieurs centaines d'agents titulaires ou contractuels » travaillant sur le projet ONP vont être reclassés. Les pouvoirs publics ont confirmé que 215 personnes seront réorientées vers d'autres missions de modernisation.
Après Louvois, le gouvernement enterre le projet de logiciel de paye ONP
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Réaction
Le ministre du budget a confirmé l'abandon du développement d'un logiciel de paye unique pour les fonctionnaires. La facture s'élève entre 235 et 290 millions d'euros pour le projet ONP qui rejoint son homologue militaire Louvois au cimetière des grands projets SI de modernisation de l'Etat.
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Cette décision est bonne et mauvaise à la fois. Mauvaise car elle est le reflet d'une gestion calamiteuse par les fonctionnaires et politiques des deniers publics. Comment peut-on demander aux Français de payer encore plus d'impôts quand ils voient leur argent littéralement jeté par la fenêtre par centaines de millions?
Signaler un abusBonne, parce que la stratégie SIRH de l'Etat autour de l'ONP (basé sur HR Access de Sopra) est un véritable désastre. Pourquoi chaque ministère, chaque corps d'armes développerait-il son propre socle RH (en utilisant divers outils) et ensuite il faudrait intégrer tout cela dans un produit paie basé sur un progiciel développé au siècle dernier? Il eût été plus intelligent de remettre à plat tous les processus d'abord, les moderniser et ensuite les automatiser au sein d'un seul et même logiciel. Mais l'approche "on ne met pas tous nos oeufs dans le même panier" non seulement s'est révélée désastreuse pour le contribuable, mais guère mieux pour l'administration qui se retrouve aujourd'hui avec deux échecs majeurs de son informatique et de sa gestion RH (sans parler de Chorus, du dossier médical informatisé etc.)
A propos de Louvois, il est bon de savoir que nos militaires ne sont pas les seuls incompétents au monde. Peut-être que, ayant récemment réintégré l’OTAN, ils se sont inspirés de leurs homologues américains. Dans ce cas, comme dans tant d’autres, les Américains ont vu grand. Le projet intégré de paie et RH pour l’ensemble des corps d’armes, appelé DIMHRS (au moins en France on choisit mieux nos noms de projet avec Rhapsodie, Concerto etc.) lancé en 2001 sur PeopleSoft d'Oracle, a coûté la somme astronomique de 1 milliard de dollars, et a fini par être abandonné en 2010 après moult dysfonctionnements dont certains sont curieusement similaires à ceux de Louvois. Le Pentagone a décidé de retourner à son ancien logiciel, un système fait maison développé en cobol et vieux d’une quarantaine d’année pour traiter la paie des soldats, avec tous les coûts et problèmes que cela engendre (interfaces complexes, absence de documentation, ergonomie obsolète.)
Faut-il en tirer la conclusion que les militaires s’y connaissent mieux en guerres mais guère (sans jeu de mots) en informatique? Dieu nous protège le jour où les généraux se lanceront dans la guerre informatique !
A lire sur mon blog Ahmed's Universe le billet que, hasard du calendrier,je viens de publier comparant les deux projets: "America and France: Two countries united by failed military payroll".
Ahmed Limam
Consultant/expert indépendant en SIRH international
Directeur Oracle/PeopleSoft (2001-6)et vice-président Hr Access (2007-9)