Alors que Ray Ozzie se prépare à quitter Microsoft, il offre un plan sur cinq ans à l'entreprise pour l'inciter à s'ouvrir sur un monde moins centré sur le PC. Il y a cinq ans, celui-ci avait déjà invité Microsoft à prendre de nouvelles orientations, pour aller vers un monde logiciel plus axé sur le cloud computing que sur l'ordinateur personnel. Dans une note à paraître, Ray Ozzie donne à Microsoft la mission d'aller vers un avenir qui l'éloigne du PC pour le rapprocher des multiples « appareils périphériques » connectés à des services continus « hébergés dans un cloud. »

Principal architecte de l'évolution logicielle de l'entreprise depuis le départ du fondateur Bill Gates qui est parti pour consacrer son temps aux activités caritatives de sa fondation, il s'était déjà fait remarquer en 2005 par une note de service, écrite peu après son arrivée et restée dans les annales. Dans celle-ci, il conseillait à Microsoft de déplacer ses activités vers un nouveau modèle de services et de logiciels financés par la publicité, à un moment où le reste de l'industrie avait déjà entamé son virage vers le cloud. A l'époque, la note était audacieuse, car elle encourageait Microsoft à adopter un nouveau modèle économique qui pouvait menacer la principale activité de l'entreprise, à savoir la vente de logiciels. De la même façon, son mémo de départ arrive à un moment où l'industrie a déjà mis sur le marché de nombreux appareils de type smartphones, tablettes tactiles et lecteurs électroniques. Cette note est une nouvelle fois plutôt audacieuse puisqu'elle reconnaît que l'industrie du PC - dominée par Microsoft - ne sera plus au coeur de l'informatique.

La complexité restreint la capacité de progresser

Ray Ozzie estime qu'au cours des 25 dernières années, le monde du PC, centré sur l'informatique, est devenu trop complexe. « Même quand on déploie des talents fabuleux en matière de design et d'ingénierie, il reste une complexité inhérente dont on ne peut s'affranchir. Cette complexité est mortelle, parce qu'elle use la vie des utilisateurs, des développeurs et des informaticiens. Elle rend la planification, la construction, les essais et l'utilisation des produits difficile. Elle pose des défis de sécurité. Enfin, elle met les administrateurs en difficulté », écrit-il. Sa note laisse aussi entendre que l'informatique a atteint une complexité qui restreint la capacité de progresser. « Cela signifie qu'il est temps d'imaginer un monde de l'après PC », a t-il encore écrit. « Les pionniers ont déjà abandonné le modèle du PC, des ordinateurs de bureau, des dossiers et des fichiers pour se tourner vers des appareils connectés qui interagissent avec des services cloud », écrit-il.

« Au-delà de ce monde du PC, nous serons étonnés de voir surgir de plus en plus d'appareils de forme et de taille différentes, prêts à fonctionner avec des systèmes de communication différents, aussi bien pour effectuer des tâches créatives que pour consommer », écrit-il. « Et même si ces dispositifs seront d'abord des « appareils utiles », il sera toujours possible de stocker leurs données - dans le cloud. « S'il semble qu'un certain nombre de choses font déjà partie de la réalité, il y aura bien davantage que ce que nous pouvons en voir aujourd'hui », poursuit-il.

« Ceux qui construisent, déploient et gèrent des sites Web savent parfaitement à quel point il est difficile de mettre en place un véritable service continu sur le terrain et que cette exigence n'est atteinte que par les sites Internet les plus sophistiqués. Et ceux qui travaillent à la création et au déploiement d'applications pour les périphériques connectés savent à quel point la synchronisation ou le streaming peuvent-être simples à mettre en oeuvre et fiable. Mais pour atteindre ces objectifs, simples en apparence, il faudra faire évoluer l'interface homme-machine, les matériels, les logiciels et les services de manière spectaculaire », souligne encore Ray Ozzie.

Imaginer des « killer apps » et des « killer devices »

À court terme, pour aller vers de tels objectifs, il faudra imaginer des « killer apps », des « killer services » et des « killer devices » [en anglais, dans le texte], insiste-t-il. « Afin d'offrir ce qui semble nécessaire - un niveau de cohérence exceptionnel entre les applications, les services et les appareils -, il faudra innover dans l'expérience utilisateur, le mode d'interaction, les systèmes d'authentification, la gestion des données privées et des données utilisateurs, la politique et la gestion, la programmation et les applications, et ainsi de suite », prédit Ray Ozzie. « Les PC, les smartphones et les tablettes actuelles n'en sont que les prémices. Dans les dix ans à venir, nous verrons surgir toutes sortes de « compagnons connectés », fruits d'une incroyable innovation technologique, que nous transporterons partout, que nous utiliserons au bureau et sur nos murs. Ils seront présents partout autour de nous ».

Cinq ans après sa première note à Microsoft, Ray Ozzie reconnaît que la société qui l'employait a réalisé « une partie de son programme », mais pas tout. « Windows Live, Office 365, Xbox Live et Azure sont en bonne voie », commente t-il. « Cependant, malgré ces progrès notables, certaines des opportunités dont j'ai fait mention il y a cinq ans restent impalpables et n'ont pas encore été saisies », peut-on lire dans son mémo. « Certains produits concurrents, leur progression rapide et les nouveaux scénarios apparus pour leur utilisation ont été assez remarquables. Malgré l'acuité et la clarté de nos objectifs, ces produits nous ont dépassés dans l'expérience mobile, dans l'adéquation parfaite qui a été trouvée entre le matériel, les logiciels et les services, dans les réseaux sociaux, sans parler de la quantité impressionnante de nouvelles formes d'interaction sociale centrées sur l'Internet », écrit-il.

Ray Ozzie quittant Microsoft, il n'est pas certain que ceux qui restent pourront voir ses objectifs se réaliser. En annonçant son départ, Steve Ballmer a seulement dit qu'il avait été dans les parages « depuis un certain temps, » et qu'il avait pu transmettre ses dossiers à d'autres. Il a aussi annoncé qu'il n'avait pas l'intention de nommer quelqu'un à son poste une fois qu'il serait parti.

Illustration : Ray Ozzie, architecte de la stratégie cloud de Microsoft, sur le départ, donne sur son blog sa vision pour les cinq années à venir (crédit photo : D.R.)