Si vous vous demandez encore si la transformation numérique est une priorité pour les responsables IT, il suffit de voir ce que ces derniers achètent pour le vérifier. Cette année, les dépenses en logiciels d'entreprise, en particulier les services et les applications clouds, devraient croître plus rapidement que tout autre secteur de l’IT et entraîner une augmentation globale des dépenses en technologie. Dans un rapport publié hier basé sur de récentes prédictions, Gartner prévoit en effet une hausse de 3,2 % des dépenses mondiales en IT, lesquelles devraient atteindre 3,77 billions de dollars.

Plus précisément, les dépenses en logiciels d'entreprise devraient croître de 8,5 % cette année par rapport à 2018, pour atteindre 431 milliards de dollars. Cette catégorie comprend les progiciels de gestion intégrés (ERP), la gestion de la chaîne logistique (SCM), la gestion de la relation client (CRM), les logiciels open source, les logiciels sur site et dans le cloud. Plus globalement, dans la catégorie des logiciels d'entreprise, ce sont, selon Gartner, l'infrastructure et les applications clouds qui absorberont la majeure partie des dépenses, pour atteindre 214 milliards de dollars cette année, soit 17,5 % de plus qu'en 2018. « Nous assistons à une évolution très importante : le passage d’une économie physique traditionnelle à une économie numérique », a déclaré John Lovelock, analyste chez Gartner. « C'est le principal moteur de la hausse des dépenses ».

Des dépenses aussi dans les services IT et les datacenters

« Mais, même si l'optimisation des coûts est importante, elle n’explique pas à elle seule le recours à des services et des applications clouds », a-t-il ajouté. « Le choix du cloud est davantage motivé par des gains d'agilité, par l’accès à des fonctionnalités et à des processus offrant la rapidité nécessaire. Le commerce numérique est beaucoup plus rapide que le commerce physique. Seuls des datacenters hyperscales peuvent offrir au commerce numérique de telles vitesses d’exécution et les niveaux de coopération requis par le commerce électronique, très difficiles à atteindre dans une infrastructure sur site ». Cependant, cette augmentation des dépenses dans le cloud n'est pas uniforme à l'échelle mondiale. « Le basculement massif vers le cloud a commencé aux États-Unis avant de se propager ailleurs. Actuellement, 60 % des dépenses mondiales dans le cloud ont lieu aux États-Unis », a précisé M. Lovelock, qui explique en partie cet écart par le manque de datacenters hyperscales dans les marchés en développement. « La latence des applications ralentit la croissance des clouds dans ces régions », a-t-il déclaré.

Les dépenses dans les services informatiques et les infrastructures de datacenters vont également contribuer de manière significative à la croissance globale. Selon Gartner, les dépenses consacrées aux systèmes de datacenters, comme les serveurs, le stockage et la technologie réseau, vont augmenter de 4,2 % pour atteindre 210 milliards de dollars, tandis que les dépenses consacrées aux services informatiques vont augmenter de 4,7 % pour atteindre 1030 milliards de dollars. Toujours selon Gartner, les dépenses en périphériques et en services de communication vont également augmenter, mais beaucoup moins par rapport aux autres catégories. Les dépenses en communications, comme les services de télécommunications fixes et mobiles et la technologie de communications unifiées, augmenteront de 1,3 % pour atteindre 1,4 milliard de dollars cette année. Dans cette même période, les dépenses en périphériques, c’est-à-dire en PC, tablettes, téléphones mobiles et imprimantes, devraient augmenter de 1,6 % pour atteindre 679 milliards de dollars.

0,7 point de croissance en moins attendu par rapport à 2018

« Les nouvelles fonctionnalités offertes par les mobiles arrivant sur le marché ne semblent pas assez attractives pour inciter les utilisateurs à changer de matériel, dans une période marquée par ailleurs par une certaine incertitude économique », a encore expliqué M. Lovelock. « Il y a actuellement des signes potentiels de perturbation économique », a-t-il ajouté. La sortie imminente du Royaume-Uni de l'UE, les tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine et la possible hausse des tarifs douaniers à l'échelle mondiale, sont des sources d'incertitude pour les entreprises et assombrissent l’horizon économique. « Il est difficile pour une banque londonienne de faire des projets d’investissement important dans la technologie alors qu'elle ne sait pas quel business model elle pourra adopter après le Brexit », a déclaré M. Lovelock.

Les questions macro-économiques préoccupent beaucoup les dirigeants d'entreprises. John Lovelock fait remarquer qu’un tout récent sondage réalisé par l'Université Duke auprès de directeurs financiers a montré que 46 % des répondants s’attendaient à une récession économique en 2019. Cependant, les prévisions de croissance de 3,2 % en 2019 dans les dépenses informatiques de Gartner, bien que légèrement inférieures à la croissance de 3,9 % enregistrée en 2018, restent assez solides. « Les raisons pour lesquelles les gens achètent des technologies IT et ce qu'ils prévoient d’en faire est en train de changer radicalement. La façon dont les entreprises gagnent de l'argent est en train de changer », a déclaré M. Lovelock. En d'autres termes, malgré les enjeux géopolitiques qui pèsent sur les décisions des chefs d'entreprise, le motif principal des dépenses technologiques - la transformation numérique - reste un moteur solide de l’IT.