Evénement annuel majeur de l'écosystème SAP, la Convention de l'USF (association des Utilisateurs SAP Francophones) se déroule en ce moment à Lille, les 4 et 5 octobre. Le fil rouge, thème général de la manifestation, est cette année l'innovation numérique au service des métiers et des utilisateurs. Lors de la plénière d'ouverture ce matin, Claude Molly-Mitton, président de l'association, s'est réjoui des 3 000 adhérents représentant plus de 450 entreprises, toujours en croissance. La Convention réunit une nouvelle fois plus de 1 500 personnes. Claude Molly-Mitton a annoncé que la prochaine convention aurait lieu à Lyon les 10 et 11 octobre 2018. Mais il ne sera plus président pour celle-ci : après huit ans de mandat, il a annoncé son départ qui sera effectif à la prochaine Assemblée générale, lors du Printemps de l'USF 2018.

Pour cette édition 2017 de la Convention, une nouveauté a été organisée, les « ateliers influence », qui permettent aux utilisateurs de discuter des évolutions des produits de SAP. Trois livres blancs viennent également d'être publiés : « Audits de licences SAP » (en collaboration avec le Cigref), « La mobilité et l'UX sur SAP » et « Le Pilotage 2.0 des centres de compétences SAP ».

Ethique et droit de l'innovation à l'heure des robots

En lien avec le fil rouge de la Convention, l'innovation, a insisté Claude Molly-Mitton, doit être éthique. Les débats des patrons visionnaires de l'IT comme Bill Gates et Elon Musk ne peuvent que troubler les consciences, en particulier au sujet de l'intelligence artificielle. Ainsi que des robots. Premier conférencier, Alain Bensoussan, avocat depuis 1978 spécialisé dans l'IT, a écrit de nombreux ouvrages. Il est avocat de SAP France depuis 30 ans. En termes d'éthique et de prospective, il s'est intéressé au droit de la robotique. « Le droit n'est que l'écume des valeurs » a-t-il expliqué avant de promouvoir le concept de « robot-humanité », c'est-à-dire de collaboration entre l'humanité et l'intelligence artificielle. Que le robot soit juste un logiciel, un algorithme d'intelligence artificielle, finalement ancien dans ses principes, ou aussi mécanique - donc avec une capacité à modifier son environnement physique - il provoque des questions juridiques. Et il faut les traiter, comme il a fallu créer un droit de l'Internet dans les années 1990.

En ce moment se joue une rupture : l'intelligence artificielle est aujourd'hui associée non seulement à des actions mécaniques, mais aussi à une captation de l'environnement et donc une capacité de décision instantanée autonome. Et, évidemment, viendront des procès, par exemple, suite aux accidents impliquant des voitures autonomes qui auront fait des choix en fonction de la captation de l'environnement et de l'interprétation algorithmique effectuée. Alain Bensoussan a projeté les auditeurs dans une Cour d'Assises, mais aucune solution juridique n'existe à ce jour. « Il faut repenser notre droit pour tenir compte des robots, ni des sous-humains, ni des objets, mais une nouvelle espèce qui connaît des règles » a plaidé l'avocat. Après-tout, a-t-il rappelé, on a bien créé la personne morale, on peut bien créer une personne robotique, sujet de droits et de devoirs comme un autre, à rapprocher de la personne morale dans ses concepts.

L'innovation et son impact sur l'humain

Les robots ne sont pas les seules innovations à impacter le quotidien humain. Tout le numérique bouleverse ce quotidien. Qualifié d'observateur des ruptures du travail et de l'emploi, le deuxième intervenant de la première matinée plénière, Denis Pennel, s'est ainsi intéressé à « L'impact du numérique sur le travail : Vers une économie sans emploi et à la demande ? ». Régional de l'étape puisqu'il travaille à Bruxelles et est né à Lille, il est président du World Employment Forum (syndicat patronal de l'intérim et du placement), avec un rôle d'influenceur. Il est également auteur et défricheur sur l'évolution du travail. « Le plein emploi est mort, vive le plein travail » s'est-il exclamé. Denis Pennel défend une vision positive autour du numérique (robots inclus), de la liberté du travail, du développement de l'esprit entrepreneurial dans une économie « à la demande ». Celle-ci se base sur les multiples plates-formes permettant le partage de ressources payées à l'usage. La propriété n'est plus le principe : elle laisse la place au droit d'usage, à la « location », voire au service. Denis Pennel a su faire vivre cette évolution avec talent. Mais il nie la « désintermédiation » : c'est juste l'intermédiaire qui a changé. Géolocalisation, multitude des acteurs, temps réel...

Les plates-formes changent le rapport à la consommation et donc, de la même façon, celui au travail, celui à la production. L'entreprise « full CDI » est pour lui morte au profit d'une grande flexibilité de la majorité des travailleurs, sans drame. Le remplacement des humains par les robots n'est pas une certitude pour lui : « il n'y a pas de déterminisme technologique, par exemple les avions peuvent être sans pilote depuis 1945, mais il y a aujourd'hui 150 000 pilotes. » Depuis Aristote s'inquiétant du remplacement des esclaves par les animaux, la fin du travail a été annoncée d'innombrables fois. Depuis l'an 2000, le taux de chômage a baissé au niveau mondial dans une population active croissante, même si on travaille de moins en moins, sans atteindre les quinze heures de travail hebdomadaires annoncées par Keynes. Pour Denis Pennel, « oui, des emplois sont détruits par l'innovation, mais le numérique en crée bien plus qu'il n'en détruit. »

Entrepreneuse du numérique

Catherine Barba, serial entrepreneuse du numérique, est un bon exemple illustrant le discours de Denis Pennel. Installée depuis deux ans à New York avec son mari et sa fille adolescente, elle s'est spécialisée dans le retail. Créatrice de deux sites d'e-commerce qu'elle a revendus, elle investit aujourd'hui dans des start-ups qu'elle accompagne. « Business as usual, cela n'existe pas » a-t-elle insisté. Le digital oblige à être obsédé par le client, par le changement et l'innovation. La concurrence numérique bouscule tous les acteurs traditionnels. L'entreprise ne peut donc plus continuer d'embaucher des experts qui vont rassurer. Elle doit miser sur des talents capables de bousculer, d'innover, d'inventer et d'opérer. De ce fait, si une idée ne vous fait pas peur, c'est qu'elle n'est pas innovante.