Alphabet, la maison-mère de Google, a publié mardi des chiffres inférieurs aux attentes des analystes, tant en termes de revenus que de bénéfices, pour son troisième trimestre fiscal 2022. Mais alors que la croissance du chiffre d'affaires du groupe est tombée à +6 % entre juillet et septembre, celle de Google Cloud a atteint + 38 % d'une année sur l'autre et débouché sur 6,9 Md$ de facturations. Sa filiale s'avère donc un soutient indispensable pour Alphabet. « Je dis depuis longtemps que le cloud est une priorité pour l'entreprise », a déclaré Sundar Pichai, le PDG d'Alphabet, lors de la présentation des résultats du groupe aux analystes financiers. « Les tendances à long terme qui stimulent l'adoption du cloud jouent un rôle encore plus important en période d'incertitude macroéconomique », a-t-il estimé.

Google Cloud propose des services IaaS, PaaS et SaaS ainsi que des outils collaboratifs pour ne citer qu'eux. L'opérateur est le troisième fournisseur de services d'infrastructure de cloud public dans le monde, avec 8% de parts de marché au deuxième trimestre 2022, selon Canalys. Néanmoins, il se situe loin derrière ses grands concurrents Microsoft Azure et AWS, qui ont respectivement capté 24% et 31% des revenus du secteur à la même période. Pour ne rien arranger, ces derniers continuent de renforcer leurs positions dominantes.

« Google Cloud devrait enregistrer des hausses de revenus de plus de 50% par an pour rattraper son retard. Le marché du cloud conserve encore beaucoup de marge de croissance, et c'est ce qui assure la progression des chiffres d'affaires globaux de Microsoft et d'Amazon », observe Ray Wang, analyste chez Constellation Research.

Microsoft a également publié ses résultats financiers trimestriels mardi. Ils font état d'une progression de 35 % des revenus tirés d'Azure et d'autres services cloud, alors que ceux -ci s'étaient appréciés de 50% à la même période l'an dernier. Cette hausse atténuée tient en partie à l'envolée du dollar qui a coûté à l'activité cloud de l'éditeur 7 points de croissance trimestrielle.

Google Cloud est l'unique éclaircie sur les résultats d'Alphabet

Google, de son côté, fait face à une forte pression sur ses revenus publicitaires, qui a ramené sa croissance globale à seulement 6% au troisième trimestre. On est loin des 41% de hausse enregistrés un an plus tôt. Avec des facturations en progression de 38 %, à l'origine de 10% du chiffre d'affaires de Google, Google Cloud est la seule zone d'éclaircie dans le dernier bilan d'Alphabet. Cependant, Google a tout intérêt à se retrousser les manches avant que la croissance de l'opérateur de cloud public ne commence à ralentir.

« La croissance trimestrielle des activités cloud de Google a été plus forte que celle de Microsoft dans ce domaine [Ndlr : +20%]. Mais on attend de Google Cloud une progression encore plus forte, étant donnée sa petite taille par rapport à Microsoft et AWS », déclare Pareekh Jain, le PDG d'EIIRTrend & Pareekh Consulting. « Il devrait capitaliser sur les opportunités qui se présentent dans des zones géographiques sous-pénétrées. Il devrait également devenir rentable au cours des prochains trimestres, en prenant des décisions difficiles comme l'arrêt de Google Cloud IoT », poursuit-il.

Selon Synergy Research Group, le marché mondial des services d'infrastructure cloud (PaaS, IaaS et services de cloud privé hébergés) a enregistré un chiffre d'affaires de 54,7 Md$ au deuxième trimestre 2022, et de 205 Md$ sur 12 mois glissants.

Google continue d'investir massivement dans le cloud

Bien que la valeur de ses facturations ait augmenté, Google Cloud a aussi vu ses pertes se creuser durant son troisième trimestre fiscal. Elles ont atteint 699 M$, contre 644 M$ l'an dernier. Elles reflètent le fait que l'opérateur continue d'investir dans de nouveaux centres de données et leurs équipements pour étendre son empreinte mondiale. Plus tôt ce mois-ci, Google a annoncé son intention de lancer de nouvelles régions cloud dans six nouveaux pays : l'Autriche, la République tchèque, la Grèce, la Norvège, l'Afrique du Sud et la Suède. Cela portera la présence de ses propres infrastructures à 41 régions dans le monde. L'objectif est de contrer les plans d'expansion similaires d'AWS, de Microsoft et d'Oracle, qui investissent aussi beaucoup pour se développer.

« Notre coût total des produits vendus s'est élevé à 31,2 Md$ au troisième trimestre, en hausse de 13 %, principalement en raison des autres coûts de revenus, qui s'élevaient à 19,3 Md$, en hausse de 20 %. Les dépenses les plus importantes sont celles associées aux centres de calcul et à d'autres opérations, suivies de celles associées au matériel », a déclaré Ruth Porat, la DAF d'Alphabet, lors de la présentation des résultats. « Nous sommes toujours très concentrés sur la voie de la rentabilité et l'importance des flux de trésorerie disponibles, mais nous continuons à investir dans l'entreprise. La majorité des dépenses d'investissement continuent d'être destinées à notre infrastructure technique, au sein de laquelle les serveurs ont vraiment été le principaux bénéficiaire », a-t-elle encore précisé.

Google a essayé de réduire les pertes dans toutes ses unités commerciales, y compris dans Google Cloud. Alors que les pertes trimestrielles de l'opérateur ont augmenté d'une année sur l'autre, elles ont séquentiellement diminué dans le secteur du cloud, en passant de 931 M$ au premier trimestre à 858 M$ au deuxième trimestre de cette année. « Google Cloud prend la rentabilité au sérieux et supprime certains services qui n'ont pas une taille significative et ne sont pas rentables. Dans cette logique, ils ont, par exemple, annoncé l'arrêt de Google Cloud IoT au dernier trimestre », a déclaré Pareekh Jain.

« Cependant, le marché du cloud voit désormais sa croissance ralentir après l'hypercroissance qu'il a connu ces dernières années. Les entreprises sont confrontées aux problèmes causés par l'inflation et les préoccupations liées à l'environnement macroéconomique ont également une incidence sur leurs décisions en matière de dépenses. De plus, certains des investissements dans le cloud qu'ils ont réalisés par le passé n'ont pas permis aux clients de réaliser les économies escomptées », ajoute Pareekh Jain.

Ces vents macroéconomiques contraires ont déjà commencé à affecter Google Cloud, a reconnu Ruth Porat, constatant que certains clients mettent plus de temps à décider de nouveaux investissements tandis que d'autres préfèrent les projets à court terme aux plus grands.