Fujitsu a livré tous les composants nécessaires au montage de son supercalculateur Fugaku qui devrait franchir la barrière de l’exaflop lors de sa mise en service l'année prochaine au Japon. Un exaflop correspond à un trillion (10 puissance 18) d’opérations en virgule flottante par seconde, soit 1 000 pétaflops. Le supercomputer est actuellement assemblé au RIKEN Center for Computational ScienceLe plan de développement du supercalculateur Fugaku a été lancé en 2014 par le ministère japonais de l'Éducation, de la Culture, des Sports, des Sciences et de la Technologie pour servir un large éventail d'applications qui aborderont des questions sociales et scientifiques. Selon un porte-parole de Fujitsu, l'installation de cette machine composée de plus de 400 racks a commencé en décembre 2019 et son fonctionnement complet est prévu pour l'exercice 2021 (au premier trimestre). Cette livraison signifie que la même classe de matériel sera bientôt disponible pour les entreprises.

Au total, le Fugaku disposera d'un total de 158 976 processeurs Fujitsu A64FX (sur base ARMv8.2-A SVE 512 bits), chacun avec 48 cœurs à 2,2 GHz. Il se compose de la manière suivante : 384 noeuds x 396 racks (152 064 noeuds) et 192 noeuds x 36 racks (6 912). Les performances du supercalculateur partiellement déployé représentent déjà la moitié d'un exaflop de performances en virgule flottante double précision 64 bits et semblent être les premières à accéder à un exaflop complet. Intel indique que son supercalculateur Aurora en cours de construction pour le laboratoire national Argonne du département de l'Énergie à Chicago sera livré d'ici 2021, et qu'il brisera également la barrière exaflop, mais ici sur base x86.

La puce Fujitsu A64FX avec ses 48 coeurs cadencés à 2,2 GHz. (Crédit Fujitsu)

Lutter contre COVID-19

La conception du Fugaku est intéressante car il n'exploite pas de GPU mais utilise à la place des processeurs ARM spécialement conçus pour le calcul haute performance. La carte mère n'a ainsi pas d'emplacements mémoire, cette dernière directement intégrée au CPU. Si on regarde la liste Top500 actuelle, tous les ordinateurs se rapprochant de l’exaflop utilisés par le ministère de l'Énergie américain exploitent des GPU particulièrement énergivores. En conséquence, le prototype Fugaku est arrivé en tête du classement Green500 à l'automne dernier en tant que supercalculateur le plus économe en énergie au monde. Le GPU Ampère A100 de Nvidia est peut-être meilleur que le CPU A64FX en termes de performances, mais avec sa puissance de 400 watts, il consomme beaucoup plus.

Le plan de développement du supercalculateur Fugaku a été initié en 2014 par le ministère japonais de l'Éducation, de la Culture, des Sports, des Sciences et de la Technologie.

Alors que la construction du Fugaku avance (Fujitsu met d’ailleurs en scène la livraison des composants avec de très belles images), RIKEN CCS et le ministère japonais de l'Éducation, de la Culture, des Sports, des Sciences et de la Technologie ont déjà commencé à utiliser les parties fonctionnelles de Fugaku pour effectuer les calculs nécessaires à la recherche pour lutter contre le coronavirus. Les projets sur lesquels le Fugaku travaille comprennent la recherche sur les caractéristiques du virus, l'identification de composés médicamenteux potentiels pour lutter contre le virus, la recherche sur le diagnostic et le traitement, la compréhension de la propagation des infections et son impact socio-économique. Ce n'est pas le seul supercalculateur à se retourner contre Covid-19. Des organisations gouvernementales et industrielles dotées de superordinateurs se sont associées dans cet effort, et le CERN, l'organisation européenne de recherche nucléaire, a redéployé un superordinateur à la retraite avec plus de 100 000 cœurs sur Folding @ Home, le projet d'informatique distribuée qui cherche un moyen pour contrecarrer l'entrée du virus dans les cellules humaines.

Un partenariat avec Cray

Fujitsu a annoncé en novembre dernier un partenariat avec Cray, désormais dans le giron de HPE, pour vendre des superordinateurs de marque Cray avec des processeurs A64FX personnalisés, ceux utilisés pour le Fugaku. Cray a déjà déployé quatre systèmes d'évaluation précoce à l'Université de Stony Brook, au Oak Ridge National Laboratory, au Los Alamos National Laboratory et à l'Université de Bristol en Grande-Bretagne. Selon le constructeur américain, les systèmes ont été expédiés aux clients intéressés, et il prévoit de lancer officiellement le système A64FX avec l'environnement de programmation Cray plus tard cet été.