Le ministre des Comptes publics, Gabriel Attal, a annoncé cette semaine un plan de lutte contre la fraude sociale. Parmi les mesures annoncées, l’une concerne les prestations de soins. Il s’agit notamment de fusionner la carte d’identité et la carte vitale. L’idée de rapprocher ces deux cartes a suscité de vives réactions sur les réseaux sociaux ainsi que d’associations de protection de la vie privée. La Commission nationale de l’informatique et des libertés s’est d’ailleurs chargée de faire un point à ce sujet, attirant l’attention sur le nécessaire respect des principes relatifs à la protection des données. Elle rappelle que, depuis 2019, l’Etat cherche à « renforcer l’efficacité des dispositifs existants pour lutter contre la fraude sociale. Dans ce cadre, une mission a été récemment confiée à l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et l’Inspection générale des finances (IGF) pour examiner différents scénarios, en particulier la mise en place d’une carte Vitale biométrique ou la fusion de la carte Vitale avec la carte d’identité ».

La CNIL s’est ainsi positionnée sur le sujet par un courrier daté du 13 mars dernier. Elle a rappelé que « le numéro de sécurité sociale (NIR) est une donnée unique à chaque Français et donc particulièrement sensible ». En ce sens, elle a insisté sur la nécessité de mener un travail rigoureux d’évaluation de la fraude sociale. Dans sa démarche de lutte contre la fraude aux prestations de santé, l’Etat veut en effet éliminer ce qu’il appelle « le tourisme médical illégal » ; le fait d’utiliser la carte Vitale de quelqu’un d’autre pour ses soins. Cependant, ce point reste sensible comme le souligne la Cnil. « Par exemple, la faculté de confier à un tiers sa carte Vitale devrait être maintenue afin de tenir compte des situations particulières de certains assurés sociaux (proches aidants) ».

Des modalités encore floues

Concernant le calendrier et les modalités exacts de cette potentielle fusion, rien n’est clair. Dans un entretien accordé au Monde, Gabriel Attal précise : « On peut imaginer un modèle où, à compter d’une certaine date, quand vous refaites votre carte d’identité, cela devient automatiquement votre carte Vitale ». Il ajoute qu’une mission de préfiguration serait lancée d’ici à l’été et pourrait parvenir à des conclusions d’ici à la fin de l’année. A noter par ailleurs que l’idée d’une carte Vitale biométrique semble abandonnée, notamment en raison de son coût. La Commission estime que ce scénario constitue « la solution la moins intrusive et la moins risquée » à condition que certaines garanties soient apportées. En l’état, la solution proposée par le Gouvernement présente encore des zones d'ombres qu'il devra éclaircir s'il souhaite que son projet aboutisse, avec une attention toute particulière portée à la question de la sécurité qui reste prégnante ici.

De son côté, la Cnil a formulé plusieurs recommandations. Dans l’éventualité où la fusion a lieu, elle conseille de s’assurer que le NIR (numéro de sécurité sociale) soit inscrit dans un compartiment cloisonné au sein de la puce électronique des nouvelles « cartes d’identité électroniques » et non pas écrit sur la carte, même avec un QR code. « Ce numéro ne serait lisible que par les outils et acteurs de la sphère médicale et médico-sociale » ajoute-t-elle. De même, des mesures de sécurité particulières devront être mises en œuvre afin de garantir que le NIR ne soit pas communiqué à d’autres acteurs. Toute personne accédant au NIR sur la carte d’identité, notamment au moment de la création du titre, sera également soumise au secret professionnel. Enfin, la carte Vitale n’étant pas obligatoire, la loi devra prévoir la possibilité pour l’assuré de s’opposer à l’inscription de son numéro de sécurité sociale sur son titre d’identité, et des alternatives à l’utilisation de la carte d’identité devront être maintenues.

Bien évidemment, il conviendra de s’assurer que l’utilisation de la carte d’identité au lieu de la carte Vitale diminue effectivement les cas de fraude sociale. À l'heure actuelle, le Gouvernement indique qu'« en matière de prestations de santé, l’objectif de 500 M€ de préjudice financier détecté et évité devrait être atteint dès 2024 ». Les contrôles ciblés seront renforcés sur les professionnels de santé présentant des niveaux de prescription hors norme.. La Cnil réaffirme par ailleurs son point de vue concernant une carte Vitale biométrique : elle n’est pas favorable à cette solution. Elle « a estimé que le scénario faisant intervenir de la biométrie présentait le niveau de risques le plus élevé d’atteinte à la vie privée et aux libertés individuelles ».