Durant un mois, du 20 novembre 2020 au 24 décembre 2020, vous avez été appelés à départager huit nommés par la Rédaction de CIO pour désigner le Stratège IT 2020. La même enquête vous a permis d'indiquer, dans des listes, quelle serait votre principale préoccupation en 2021 et quel serait votre projet majeur ou innovant en 2021. La crise sanitaire Covid-19 a, de toute évidence, marqué les réponses à ces dernières questions. Et, pour la première fois, non seulement la Stratège IT est une femme, Hélène Brisset, directrice du numérique des ministères sociaux, avec 29 % des 481 voix mais ses deux dauphines sont également des femmes : Joanne Deval (DSI groupe d'Air Liquide, 27 %) et Élisabeth Humbert-Bottin (DG du GIP-MDS, 19 %). Elisabeth Humbert-Bottin avait déjà été troisième en 2017 et seule femme à apparaître dans le trio de tête les trois années passées.

Outre sa carrière marquée par un certain nombre de révolutions dans le secteur public (à commencer par le Réseau Interministériel de l'État), Hélène Brisset avait été choisie par la Rédaction pour deux sujets : d'une part la création de la Direction du Numérique des Ministères Sociaux, d'autre part, la start-up d'État du code du travail numérique. DSI groupe d'Air Liquide, Joanne Deval a, de son côté, fait de la DSI le copilote des métiers dans une logique de partenariat poussée au maximum au sein du groupe industriel au chiffre d'affaires de près de 22 milliards d'euros et aux 67 000 collaborateurs. Enfin, Élisabeth Humbert-Bottin a mené à bien les chantiers de la DSN (Déclaration Sociale Nominative) et du PàS (Prélèvement à la Source de l'impôt sur le revenu). Dans les trois cas, nous pouvons constater qu'il s'agit de véritables entrepreneuses du numérique, au sens donné à ce mot par l'inventeur du concept, l'économiste et chef d'entreprise Jean-Baptiste Say (1767-1832), pour qui l'entrepreneur est l'animateur d'un collectif (concepteurs, techniciens, ouvriers, financiers, etc.) amenant celui-ci à atteindre un objectif commun. Dans les trois cas également, nous ne pouvons que nous réjouir de voir que l'IT a été réellement mise au service des métiers.

Une année 2021 pour l'après-crise sanitaire

Les réponses apportées par nos lecteurs aux deux autres questions posées par la Rédaction sont également très intéressantes. D'une année sur l'autre, les questions sont globalement similaires et les listes proposées de réponses restent assez proches afin que des comparaisons puissent être réalisées. En matière de principale préoccupation pour la prochaine année, le trio de tête est globalement constant depuis 2017, associant la satisfaction des clients finaux de l'entreprise, la cybersécurité et le recrutement des bons talents.

Si, l'an passé, la cybersécurité s'imposait de justesse, cette année, c'est de nouveau la satisfaction des clients finaux qui est largement en tête, le recrutement des bons talents étant troisième mais loin derrière, à 1 % d'être doublé par la continuité d'activité. Nous pouvons observer que l'IT a été extrêmement sollicitée en 2020 pour adapter les entreprises et les services délivrés aux clients finaux, justement, par exemple au travers du e-commerce. Cette première place n'est donc pas surprenante.



Assez logiquement également, c'est un nouvel entrant dans la liste proposée à nos lecteurs qui s'impose en tête des projets majeurs ou innovants pour 2021 : la sécurisation et la fiabilisation du télétravail. Les années passées, la migration dans le cloud et le déploiement de l'intelligence artificielle étaient largement en tête. Ces deux items sont, cette année, en net recul, les applications utilisant l'intelligence artificielle n'étant qu'au troisième rang, la cloudification au quatrième. La deuxième place est occupée par l'automatisation et l'industrialisation des infrastructures qui était troisième les deux dernières années mais le pourcentage des répondants reste à peu près constant : sa progression dans le classement est bien due à l'effondrement de ses habituels prédécesseurs, écrasés par la progression du télétravail.




Les réactions d'Hélène Brisset

CIO. Selon vous, qu'est-ce qui a incité les lecteurs de CIO à voter pour vous ?

Hélène Brisset. Pourquoi les lecteurs de CIO ont voté pour moi, je ne saurais pas vous le dire. Mais, par contre, je peux vous dire pourquoi j'en suis fière, en particulier cette année très particulière qui a modifié nos habitudes et nos perceptions, notamment du numérique. Désormais, le numérique est enfin bien perçu comme un enjeu de transformation et plus comme une question technique. C'est autant vrai pour les métiers que pour l'environnement de travail des agents.
En plus, cette année, les ministères sociaux, autant dans leur composante santé que celle de l'emploi, ont été particulièrement sollicités. Et je tiens à saluer les agents de la Direction du Numérique qui ont été très mobilisés. Par ailleurs, je crois que le fait que les trois femmes nommées soient sur le podium final peut et doit donner envie à d'autres femmes de nous rejoindre. Et puis, c'est la deuxième année consécutive qu'un responsable de l'État est élu Stratège IT, ce qui montre bien qu'il se passe des choses intéressantes dans l'administration.

Vous retrouvez-vous dans les principales préoccupations de nos lecteurs ?

Oui, je m'y reconnais bien. La satisfaction des utilisateurs finaux, des usagers, est clairement dans l'ADN de tout ce que nous portons aux Ministères Sociaux. Bien entendu, il est difficile de ne pas parler cybersécurité alors que le front est actuellement particulièrement actif. Enfin, même si c'est compliqué partout, les talents IT sont aussi au coeur de nos préoccupations. Mais je dois reconnaître que contribuer à des politiques publiques d'intérêt général séduit de vrais talents.

De la même façon, vous retrouvez-vous dans les projets majeurs ou innovants déclarés par les lecteurs de CIO ?

La sécurisation et la fiabilisation du télétravail a été plutôt une préoccupation pour 2020. Cela dit, que la préoccupation de la continuité d'activité monte en puissance est normal car des risques trop souvent vus comme théoriques se sont réalisés. Plutôt que le télétravail, je pense qu'il vaut mieux parler d'évolution de l'environnement numérique du travail, avec la mobilité. Il s'agit de travailler de façon fluide partout, pas seulement chez soi ou au bureau. Deux sujets en retrait cette année, la migration dans le cloud et le déploiement de l'intelligence artificielle, sont au contraire tout à fait d'actualité pour l'État. Le cloud est au coeur d'interrogations importantes. Et, pour l'IA, le code du travail numérique (que vous avez cité pour justifier ma nomination) n'était qu'un premier exemple.