Les affaires judiciaires induites par l’incendie du datacenter d’OVH à Strasbourg en mars 2021 s’égrènent au fil du temps (affaire Bati Courtage en 2023 et Bluepad en mars de la même année). Dernier exemple en date, un arrêt du tribunal judiciaire de Versailles du 11 avril 2025 et rapporté par maître Alexandre Archambault. L’affaire opposait un éditeur de logiciel pour avocat (Jarvislegal) en mode SaaS et un cabinet d’avocats. Ce dernier demandait réparation après des interruptions de service dans le logiciel de gestion et en particulier pendant plus de 15 jours suite à l’incendie.

Pour se défendre, l’éditeur a excipé le cas de force majeure pour justifier à la fois l’indisponibilité des services et le rétablissement des accès à partir d’une certaine date. Un argument rejeté par le tribunal qui estime qu’il « ne peut se prévaloir de la force majeure dès lors que la sauvegarde sur deux serveurs opérés par des fournisseurs distincts localisés à des endroits différents à laquelle elle s'était engagée était destiné à prévenir le risque de la défaillance de l'un ou l'autre des serveurs et qu'elle a failli à cette obligation. » Le magistrat ajoute « l'incendie survenu dans les locaux de la société OVH constitue un événement qui non seulement pouvait être raisonnablement prévu mais avait même été anticipé lors de la conclusion du contrat. »

Deux hébergeurs pour les sauvegardes dans le contrat, un dans les faits

En l’espèce, l’éditeur avait indiqué dans son contrat que « l’ensemble des données est redondé sur un minimum de 2 serveurs, chacun opéré par un hébergeur distinct (OVH et Gandi) ». Mais à la survenance de l’incendie, le constat est différent, les données de backup sont stockées dans un autre bâtiment OVH (mis hors tension après l’incident) et non auprès du second prestataire (à savoir Gandi). L’éditeur par ailleurs « ne conteste pas ne pas avoir eu de deuxième hébergeur ». Cette affaire met en lumière la vérification de l’effectivité des sauvegardes dans les contrats SaaS. Le tribunal souligne que le cabinet d’avocats « est fondé à rechercher la responsabilité de la société dont le manquement contractuel est à l'origine de la coupure du logiciel ».

Le magistrat s’est également penché sur la question de la réversibilité des données en cas de rupture du contrat et du format de restitution. L’éditeur a reçu un fichier brut, « mais sans avoir pu obtenir le mode d'emploi en permettant l'exploitation de la part de son prestataire qui s'y était contractuellement engagé, le RGPD exigeant en tout état de cause une restitution dans un format « structuré ». Le cabinet d'avocats a été indemnisé pour cela. Au global, Jarvislegal a quand même été condamné à payer 16 000 euros de dommages et intérêts à son client.