A l'occasion du récent 3GSM World Congress, "Le Monde Informatique" a récemment pu rencontrer James Ready, le CEO et fondateur de Montavista, et Kelly Herrel (ex-Cobalt) , le directeur de la stratégie de l'éditeur. L'occasion de faire le point sur l'un des distributeurs Linux les plus discrets mais aussi parmi les plus appréciés par les équipementiers et constructeurs d'équipements embarqués.

Montavista est fréquemment cité par les grands équipementiers télécoms qui utilisent Linux dans leurs équipements opérateurs. D'où vient votre succès sur ce marché ?
K.H. : Nous sommes le leader mais comme dans tout marché porteur nous avons des concurrents. Notre premier produit carrier grade n'a pas eu de concurrents pendant deux ans. Cela nous a permis d'acquérir de l'expérience. Notre produit originel n'a rien a voir avec notre produit actuel. Un de nos clients Linux a ainsi mis le logiciel en test intensif pendant 6 mois, puis l'a retesté 6 mois avec ses applications. A l'arrivée nous avons un produit à l'épreuve du feu comme celui que nous proposons à Alcatel. C'est un marché énorme. Et nous en connaissons bien les exigences...

D'où proviennent aujourd'hui les revenus de Montavista
K.H. : Comme la plupart des fournisseurs dans l'embarqué, nous avons deux modèles. Le premier est un modèle développeur. Nous avons aussi un modèle de facturation par unité. Un dollar par unité est la seule chose que nous demandons.

C'est plus cher que Microsoft ?
J.R. : Je ne suis pas sûr que Microsoft puisse durablement facturer sous le prix de Linux. D'ailleurs nos prix peuvent être bien inférieurs à un dollar, fonction du volume. De plus il y a bien d'autres paramètres à considérer que le prix, notamment en termes d'indépendance, de fonctionnalité et de sécurité. Par exemple avec Symbian, votre fournisseur d'OS est aussi votre concurrent. Dans le cas de Microsoft, rien ne différencie un téléphone Windows d'un autre. L'interface doit se conformer à une spécification.

K.H. : Avec Linux, les constructeurs sont libres de personnaliser l'interface. C'est ce qui explique qu'un constructeur de terminaux comme Motorola est autant intéressé par Linux.

Un jeu dans l'industrie est de fournir des plates-formes complètes. Qu'en est-il de Montavista.
K.H. : C'est un des objectifs de l'initiative Mobilinux, de développer un écosystème complet pour raccourcir le temps de développement d'un téléphone (NDLR : Mobilinux réunit ARM, Intel, Motorola, NEC, NTT DoCoMo, OpenWave, Panasonic, TI, TTPCom, PalmSource et RealNetworks). Traditionnellement, l'une des difficultés pour construire un téléphone était de personnaliser les OS embarqués dans les terminaux. Avec Mobilinux, cette limitation disparaît, puisque les constructeurs pourront puiser dans un large portefeuille de composants applicatifs, telles que les machines virtuelles Java, navigateurs Web, PIM... Linux est donc libérateur pour les fabricants de terminaux.... Pour les opérateurs, la perspective d'utiliser Linux comme plate-forme pour uniformiser leur service est également extrêmement tentante.

Les opérateurs semblent avoir choisi Java comme plate-forme favorite pour la distribution d'applications, jeux... Imaginez-vous Linux concurrencer un jour Java pour cet objet?
J.R. : L'un des problèmes avec Java sur les téléphones est que l'on n'est jamais assuré que l'application fonctionnera sur tous les terminaux. Avec Linux, on peut assurer la portabilité des applications d'une plate-forme à l'autre, PowerPC, ARM MIPS. Pour nous toutes les plates-formes sont identiques.

Ce qui veut dire à terme un packaging "Fat binary" afin de distribuer des applications capables de fonctionner sur toutes les plates-formes ?
K.H. : C'est une des possibilités. Les opérateurs souhaitent opérer une "delabélisation" de leur catalogue. Linux est le "délabelizer" pour les opérateurs.

Lorsque l'on discute avec Symbian ou Microsoft, ces éditeurs visent à effectuer le minimum d'optimisation et conservent une approche assez générique
J.R. : C'est un des avantages de Linux. Avec Intel, nous avons par exemple passé des mois à optimiser le noyau et des librairies spécifiques pour l'architecture Xscale. Lorsque l'on travaille avec les gens des semi-conducteurs, ils nous poussent au maximum à optimiser pour leurs architectures par exemple en termes de multimédia, de gestion de l'énergie. Dans le cas d'Intel, ils nous ont stressés jusqu'au bout (NDLR : Intel est avec NTT DoCoMo l'un des investisseurs dans Montavista)...

De quoi apprendre la paranoïa ?
J.R. : Oui en fait j'ai eu l'occasion de dîner avec Andy Grove. On peut donc dire que j'ai appris d'un maître...

Qu'en est-il de Linux et du temps réel ? Habituellement il y a deux OS sur les terminaux et on parle aujourd'hui de design monochip avec un seul OS.
K.H.: c'est un enjeu de réduction de coût. Un seul processeur et un seul OS permet de réduire la facture de composant d'un terminal.
J.R. : On me disait, c'est impossible avec Linux. L'an passé j'avais un déjeuner avec des responsables de l'industrie des semi-conducteurs et ils me disaient : Jim, il faut absolument résoudre les problèmes de temps réel et de Linux. Nous avons dit OK, on le fera. Nous avons des experts des systèmes temps réel au sein de Montavista et nous avons commencé à travailler il y a plus de trois ans sur le sujet. Nous savions que c'était possible.

Un an après, ce problème est réglé. Linux peut être l'OS unique gérant la partie radio et les applications sur un téléphone. Un de nos partenaires fera d'ailleurs une annonce en ce sens au second trimestre.