Dans un exercice louable d'autocritique et de transparence, les chasseurs de tête et autres consultants en recrutement reconnaissent l'impact qu'a le conformisme des employeurs sur leurs pratiques de détection et de sélection des candidats. Peu de sexisme, certes, parmi la soixantaine de cabinets spécialisés (représentant 1200 consultants) interrogés au troisième trimestre 2006 par Oasys Consultants. Pour 15% d'entre eux, le critère «homme ou femme» leur paraît important. En revanche, au delà des critères déterminants de l'expérience, de la personnalité et des prétentions salariales, l'âge est un facteur rédhibitoire sur lequel, estiment 60% d'entre eux, les employeurs se montrent des plus exigeants. «Un facteur aggravant dans le cas des informaticiens, dont on sait que l'espérance de vie professionnelle, sauf expertise particulière ou talent commercial reconnu, est relativement courte », remarque Bertrand Riedenger, consultant senior d'Oasys. De fait, pour l'embauche aux postes de cadres justifiant le passage par un cabinet ou une chasse de tête, soit un quart du marché du recrutement de cadres, seuls 31% des consultants disent présenter un candidat de plus de 45 ans dans plus de cinq missions sur dix. Et seuls 19% d'entre eux arrivent à placer un candidat senior (45 ans et plus) dans plus de cinq missions sur dix. « La question des seniors va être beaucoup plus compliquée à résoudre que les autres parce qu'elle est assumée par les entreprises », soulignait Sylvain Come, président du groupement Ethique et Recrutement, lors de la présentation, le 14 mars, des données de l'enquête Oasys. Peu de chance pour les outsiders Internet et bases de données aidant, la facilité accrue du « sourcing » (repérage de candidats potentiels) n'élimine pas, loin s'en faut, le penchant naturel des recruteurs - et des employeurs - à pratiquer le clonage. A savoir, la recherche de candidat au profil identique à celui qui occupait le poste jusque là. Ainsi, 40% des consultants-recruteurs reconnaissent recourir au clonage dans une mission sur deux. « Histoire de rassurer le client, avec un candidat a priori opérationnel immédiatement », commente l'analyse de Oasys. Et s'il arrive aux chasseurs de tête de présenter des profils plus exotiques (correspondant à moins de 80% des critères demandés), une fois sur quatre, la candidature d'un tel « outsider » est retenue. De plus, le passage par la case chômage est marqué comme un handicap d'autant plus flagrant qu'il a duré. Pour huit recruteurs sur dix, les chômeurs depuis plus d'un an font l'objet d'un préjugé défavorable. Un préjugé qui concerne également les sans emploi depuis moins d'un an, selon quatre consultants sur dix. Dans tous les cas, la justification d'un « trou » dans le parcours professionnel doit être convaincante et argumentée. Sourcing attentif et facilité par Internet Finalement, pour les chargés de recrutement qui estiment n'avoir que trop peu de marge de manoeuvre face aux exigences des employeurs donneurs d'ordre, la seule rupture possible dans l'exercice de leur métier est bel et bien technique, liée à internet. L'enquête semble, en effet, confirmer l'évolution des pratiques de «sourcing», en amont de l'approche directe et de la recherche sur annonces (un tiers du sourcing leur vient des candidatures spontanées), ainsi qu'au niveau du contrôle des références (pratiqué neuf fois sur dix). Tri automatique proposé par les sites, par les bases de CV et autres moteurs spécialisés, repérage des blogs, des écrits et autres contributions sur la toile ou dans des interventions publiques reprises sur le net... tout est bon pour mieux affiner sa sélection par le « tracing » des carrières. «A tel point qu'il est recommandé aux candidats de veiller à ce que la présentation de leur CV ne s'écarte pas de la réalité des faits, et de faire attention, s'ils prennent publiquement position sur un sujet donné, qu'ils ne puissent pas le regretter ultérieurement », constate Bertrand Riedenger.