En direct de Bombay - Si l'association entre un spécialiste des services IT et une émission de TV réalité diffusée sur la chaîne indienne ET Now peut paraître surprenante de prime abord, l'objectif est clair et précis pour Aruna Jayanthi, CEO de Capgemini Inde. « Nous avons besoin de canaux de communication innovants pour parler aux étudiants dans les universités », nous a expliqué Aruna Jayanthi dans les studios de télévision de Reliance TV à FilmCity dans le quartier de Goregaon à Bombay. Avec le Super Techies Show, « grâce à ce programme de TV réalité, nous avons créée un dialogue avec les étudiants. C'est une opportunité également pour renforcer notre relation avec nos clients, qui lancent de vrais défis professionnels aux participants ». En Inde, grâce aux deux précédentes éditions du Super Techies, Capgemini a ainsi pu améliorer la notoriété de sa marque auprès des étudiants en technologies dans les universités et les écoles d'ingénieurs, nous a expliqué BL Narayan, directeur des ressources humaines de Capgemini Inde, qui vient de passer le cap des 53 000 salariés dans ses différentes installations en Inde (sur un total de 140 000 dans le monde et 22 000 en France).



Avec le Super Techies Show, Capgemini associe un enregistrement très professionnel des émissions, la qualité des équipes d'étudiants et des jeunes ingénieurs en lice et la volonté de communiquer différemment à destination d'une cible bien précise : les futurs salariés et clients de l'entreprise. Ci dessus les deux des jurés d'une des épreuves : Nicolas Aidoud, directeur général de Prosodie, et Michael Zimbalist, senior vice-président publicité au New York Time.

Chaque année plus de 500 000 ingénieurs sont formés en Inde dans les nouvelles technologies selon une étude publiée par l'Apec. Trois grandes filières cohabitent : India Institutes of Technology, une quinzaine en tout qui forment l'élite des ingénieurs indiens (les IITiens), les National Insitutes of Technology et les Indian Institutes of Information Technology (IIIT) et autres écoles assimilées, soit au total 70 établissements en 2012, et enfin les universités technologiques. Et Capgemini, comme ses concurrents IBM ou Accenture tentent tous les ans d'attirer les meilleurs profils pour renforcer ses équipes. Si le taux d'attrition de 14% est un peu plus faible qu'en France (de 10 à 20% suivant le type de SSII), Capgemini Inde recrute tout de même 20 000 personnes par an avec des entretiens qui ont parfois lieu le samedi et le dimanche tant la pression est grande. « Nous sommes en compétition pour attirer les meilleurs talents. Dans cet objectif, nous travaillons avec les écoles et universités tout au long de l'année », nous a indiqué BL Narayan.

L'Inde, devant la France en termes d'effectif

Pour accompagner ses clients dans leurs projets offshore, Capgemini s'est installé assez tardivement en Inde - en 2001 - avec un premier centre à Bombai qui regroupait seulement 250 ingénieurs. En 2006, le rachat de Kanbay International - spécialisé dans les services financiers, notamment la gestion de transaction de cartes de crédit, presque exclusivement à destination de clients occidentaux - pour 1,25 Md$ a permis à la société de services et de conseil d'accroître considérablement son implantation locale avec 12 000 salariés au total. Les clients ont imposé aux SSII ce mouvement vers l'offshore - pour réduire leurs coûts de fonctionnement, certaines banques françaises ont des programmes internes pour externaliser 20% supplémentaires de leurs activités informatiques -, les effectifs ont mécaniquement suivi. Forte de 53 000 salariés, l'Inde devance même la France en terme d'effectifs.



BL Narayan, directeur des ressources humaines de Capgemini Inde, la première entité de la SSII avec 53 000 salariés.

Des forces vives aujourd'hui indispensables pour accompagner le développement de Capgemini en Inde et davantage s'impliquer dans les relations avec les clients. Le meilleur exemple de cette évolution est peut être l'arrivée d'Aruna Jayanthi au comité de direction de Capgemini Suède pour suivre les projets d'externalisation et aplanir les difficultés avec les équipes indiennes. « Le groupe veut former plus de cadres expérimentés pour mieux discuter avec les clients ». Un bon exemple est aujourd'hui la recherche de nouveaux talents dans le domaine du big data et plus précisément de data scientists. « Pour le data and analytics, nous recherchons des personnes ayant des formations en mathématiques et en statistiques, et nous les formons afin qu'ils soient en mesure de répondre aux besoins du marché. Nous accordons beaucoup d'importance à la formation de nos jeunes talents », nous a précisé BL Narayan. En Inde, Capgemini peut mettre en avant une quinzaine de data scientists. « Nous avons la masse critique pour former de jeunes talents s'ils ont les bonnes bases en mathématique et en statistiques », nous a assuré BL Narayan.

Travailler sur l'impact réel

L'innovation est également un des domaines sur lequel Capgemini se positionne pour attirer les jeunes talents mais également travailler plus étroitement avec ses clients, nous a indiqué Aruna Jiyanthi. « Nos clients nous challengent constamment sur le fait de savoir comment ils peuvent innover. Nous collaborons avec eux afin de trouver des solutions qui font la différence. Sur le support, par exemple, nous travaillons sur l'impact réel sur les autres services et regardons partout où nous pouvons innover pour faire la différence ».

Interrogée sur la pression constante sur les coûts, la dirigeante nous assure qu'elle est aujourd'hui stable et que les clients regardent également d'autres points comme la proximité, la compréhension des problèmes, la valeur des solutions, la souplesse et la capacité de réaction. « Nos clients européens ont conscience de bénéfices de notre approche Rightshore qui répond à leurs besoins en faisant appel aux ressources de Capgemini dans le pays le plus adapté. Mais notre forte présence en Europe les rassure. Le seul élément qui les fait hésiter est la barrière de la langue. Or, nous avons des compétences linguistiques, notamment en français, et nous pouvons par exemple adapter la composition des équipes avec un mix anglais-français».

La mobilité, point fort des Indiens

Pour réduire le turn-over sur un campus - Godrej IT ParK - qui rassemble les principales sociétés de services en Inde (Atos Origin, TCS ou encore Accenture), Aruna Jayanthi ne mise pas que sur les salaires. « Les salariés choisissent de rester au sein d'une entreprise quand elle leur offre des challenges et de réelles opportunités de carrière (...) Chez Capgemini, nous ne sommes peut-être pas l'entreprise qui offre les meilleurs salaires mais nous sommes compétitifs et nous proposons à nos collaborateurs de développer leurs expertises et d'acquérir de nouvelles compétences », assure la dirigeante. « En Inde, nous recrutons par exemple 20 à 30 personnes par an dans le conseil en stratégie. Ces jeunes collaborateurs progressent et souhaitent faire évoluer leur carrière. Certains préfèrent se spécialiser dans le service informatique, le corps de métier principal de l'entreprise, ou vers la création de solutions pour nos clients. Nous les aidons à développer leurs compétences pour réussir cette évolution.».

La mobilité fait également partie des points forts des salariés Indiens, de Bombay vers Bangalore ou à l'international. « Quand une opportunité se présente à l'étranger, il y a très peu de blocages, les aspects positifs sont immédiatement mis en avant. Nous travaillons particulièrement cet état d'esprit. Nous encourageons la mobilité pour plusieurs années s'il le faut », nous a précisé BL Narayan.