L'Union Européenne vient de tancer Oracle pour son manque de coopération dans l'enquête concernant l'acquisition de Sun. Le Vieux-Continent a en effet réclamé cet été des compléments d'informations concernant entre autres le traitement qui sera réservé à MySQL, avant de se prononcer sur l'opération -l'absorption de Sun par Oracle entraineraît l'intégration de MySQL chez le géant du SGBD et génère des interrogations sur le respect de la concurrence sur ce marché- Oracle, de son côté, n'a de cesse de se plaindre de la lenteur des autorités européennes à approuver le rachat. Une lenteur qui générerait, selon le CEO d'Oracle, Larry Ellison, 100 M$ de pertes mensuelles à Sun, qui annonce 3000 suppressions de postes, en blamant indirectement la Commission. A l'occasion d'une rencontre mercredi à Bruxelles avec Safra Catz, présidente d'Oracle, la commissaire Neelie Kroes s'est livrée à une rapide mais ferme mise au point. Elle a diplomatiquement exprimé « son désappointement vis à vis d'Oracle qui, malgré des demandes renouvelées, n'a pas réussi à proposer de solution aux problèmes de concurrence identifiés par la Commission ou à produire la moindre preuve qu'il n'existe pas de problème de concurrence." Elle a ajouté qu'elle souhaitait aboutir à une décision finale rapide tout en soulignant "que la solution était entre les mains d'Oracle". Une façon, selon George Weiss, analyste au Gartner, de montrer que la Commission ne se laisserait pas impressionner. Un écosystème Sun entièrement paralysé Pour Andrew Butler, autre analyste du même cabinet, ce retard permanent "paralyse tout l'écosystème Sun". Selon lui, les employés, les partenaires et les clients souffrent en attendant que l'opération soit conclue et qu'Oracle publie une feuille de route qui "redonnera confiance au moins dans une partie du portfolio de Sun". Il reste que, comme le rappelle George Weiss, il sera difficile pour Oracle de présenter des preuves que le rachat n'aura pas d'impact sur la concurrence dans l'Open Source en particulier. Il pourrait proposer une analyse du marché des bases de données qui montrerait qu'il existe d'autres options que MySQL dans l'Open Source comme PostgreSQL ou Ingres. Puisqu'Oracle a assuré qu'il ne créerait de filiale pour MySQL, il pourrait aussi choisir de l'inclure dans sa division SGBD et tenter de convaincre la Commission qu'il n'interférera ni dans les développements de MySQL ni dans ceux de la communauté de la base Open Source, imagine George Weiss. "Il semble néanmoins que la Commission Européenne ne veuille pas que MySQL devienne une 'business unit' à part entière au sein d'Oracle », ajoute le consultant. Pour les analystes, si Oracle est surtout en concurrence avec DB2 d'IBM ou SQLServer de Microsoft, en haut de gamme, il va bel et bien devoir « préciser les lignes de démarcation vis à vis de MySQL », selon Andy Butler. L'inquiétude est palpable dans la communauté du Libre. Pour preuve, Richard Stallman, initiateur de GNU et chantre de l'Open Source, a envoyé cette semaine une missive à la Commission Européenne dans laquelle il explique que "si Oracle est autorisé à acheter MySQL, il limitera à coup sûr le développement des fonctions et des performances de la plateforme, entrainant un lourd préjudice pour ceux qui l'utilisent comme moteur de leurs applications." Le Gartner n'est pas du même avis qui rappelle que non seulement il existe d'autres bases Open Source sur le marché, mais aussi d'autres distributions MySQL, qui survivront malgré le rachat. Pour le Gartner, Oracle devrait positionner MySQL comme une option d'entrée de gamme, complémentaire à son offre. "Ils ont largement assez d'opportunités sur le marché haut de gamme pour leur base, comme ils le démontrent avec Exadata, ajoute George Weiss. Ils devraient prendre une journée ou deux pour réfléchir à la chose et ne surtout pas réagir avec impétuosité. La situation exige de réfléchir calmement pour donner la réponse la plus intelligente possible."