"Une occasion manquée". C'est ainsi que les entreprises IT du Vieux continent ont qualifié le vote des parlementaires européens sur la libéralisation des services dans l'UE. Les eurodéputés ont adopté, par 394 voix contre 215, la directive prévoyant l'ouverture des marchés nationaux des services aux entreprises des autres Etats membres. Souvent baptisée du nom de son instigateur, Frits Bolkestein, la directive a laissé de côté la très décriée référence au pays d'origine qui aurait permis aux entreprises de vendre leurs services dans un autre pays de l'UE tout en restant soumises aux lois et autres régulations du pays où elles sont basées. "C'est une grande déception pour notre secteur", regrette Mark MacGann, à la tête de l'Eicta - Association européenne pour l'industrie des technologies de l'information et de la communication. "Sans la référence au pays d'origine il n'y a plus guère d'intérêt pour les entreprises à aller s'installer dans d'autres pays". Selon l'Eicta, l'édulcoration de la directive devrait empêcher l'Union européenne de mettre en place une industrie des services IT compétitive. Et Mark MacGann de citer les anciens pays communistes ayant rejoint l'UE en 2004 : selon lui, ces pays disposent d'un secteur des services IT très dynamique, notamment en Pologne, Hongrie et République Tchèque. Mais la proportion de sociétés capables de s'installer dans les quinze Etats membres "historiques" est infime en raison de barrières dans les législations nationales. La version du texte adoptée par les députés européens inclue une référence à "la liberté de fournir des services", qui devrait, en théorie, imposer aux Etats membres la suppression des obstacles à l'installation d'entreprises étrangères. Mais, selon Mark MacGann, cette formule devrait être suivie de peu d'effets : "cette liberté de fournir des services est un des piliers de l'UE. Cette directive était censée en faire une réalité". Le vote de la directive a cependant été salué par certains acteurs IT. Pour l'association française Munci - Mouvement pour une union nationale des consultants en informatique - le texte devrait permettre une meilleure protection des consultants européens : "cette version de la directive va offrir davantage de possibilités de contrôle, clame Régis Granarolo, le président du Munci. Le dumping social que permettait la référence au pays d'origine nous inquiétait, mais cela semble désormais appartenir au passé". Le texte adopté par le Parlement européen doit maintenant être présenté aux chefs d'Etat et de gouvernement des 25 en Conseil des ministres. Ils pourront restaurer la référence au pays d'origine et ainsi satisfaire le mouvement de lobbying mis en place par six Etats membres - Royaume-Uni, Espagne, Pays-Bas, Pologne, Hongrie et République Tchèque - ou conserver la directive telle que l'ont votée les parlementaires. Le texte final ne sera pas adopté avant la seconde moitié de 2006.