Tech In France a dénoncé dans un communiqué l'adoption par le parlement de la suppression de l'amortissement exceptionnel des logiciels en douze mois (article 236-II du Code Général des Impôts). La Loi de Finances a été adoptée définitivement le 20 décembre 2016 et sera promulguée d'ici la fin de l'année 2016. Pour l'association française d'éditeurs, cette modification pourrait nuire aux achats de logiciels par les PME et à la transformation numérique des entreprises.

Le Ministère des Finances, pour sa part, indique que cet amortissement exceptionnel avait été introduit en 1984 pour favoriser l'informatisation des entreprises à l'époque. L'acquisition des logiciels de petits montants (500 euros) reste exemptée des règles de l'immobilisation (voir encadré), passant en comptabilité comme de simples achats courants. Pour le ministère, c'est une simplification et pas une augmentation discrète de l'assiette d'imposition des entreprises par dilution d'une charge sur plusieurs exercices comptables.

Répartir une charge sur plusieurs années ou la compter sur une seule

Même si, techniquement, la prise en compte fiscale du coût d'un logiciel n'a aucun impact direct sur le système d'information, la direction générale d'une entreprise pourrait être refroidie dans ses désirs d'investissement. En effet, le coût d'acquisition des logiciels se répartit désormais, du point de vue fiscal mais pas en matière de flux de trésorerie, sur autant d'exercices comptables que le logiciel est utilisé. Dans le cas d'un achat immobilisé, l'entreprise décaisse en effet la totalité du coût au profit de son fournisseur mais ne peut déduire ce coût de ses profits pour calculer son bénéfice imposable qu'au fur et à mesure des amortissements (voir encadré).

Avec l'amortissement exceptionnel sur douze mois, cette répartition courait sur au maximum deux ans, dans le cas d'un achat en cours d'année, et était possible sur un an si l'achat avait lieu au début de l'exercice comptable. Sans cet amortissement exceptionnel, le logiciel rejoint le régime général. Avec cette réforme, l'entreprise va donc devoir déduire le coût d'acquisition sur le nombre d'années prévu d'utilisation du logiciel. Les petits logiciels bureautiques ou individuels (anti-virus...) de faibles montants ne sont pas concernés puisqu'ils peuvent rester des charges directes.

Un coup de pouce (involontaire) au cloud et à l'open-source ?

Mais les éditeurs crient-ils avant d'avoir mal ? En effet, c'est bien l'acquisition de logiciels qui est visée. L'Etat va donc favoriser le mode locatif, typiquement en SaaS mais pas seulement. En effet, dès lors que l'entreprise loue l'usage, la redevance est une charge puisque l'entreprise n'achète aucun bien. Cette charge se déduit comme toutes les autres charges des profits de l'entreprise dès sa constatation. Il va donc être fiscalement avantageux d'opter pour le SaaS ou un autre mode locatif puisque la réduction du bénéfice va continuer de se faire au même rythme que le paiement. A l'inverse, l'acquisition de licences de logiciels pourra poser des problèmes de financement puisque le coût total devra être décaissé lors de l'achat mais ne pourra être déduit fiscalement des bénéfices que sur plusieurs exercices.

Or ce mode locatif ainsi favorisé garantit des revenus récurrents à l'éditeur tandis que l'achat implique un profit ponctuel sans contrainte de renouvellement pour l'acheteur. Cette réforme fiscale n'est-elle pas en effet le meilleur argument pour pousser les entreprises à accepter le mode locatif pour leurs logiciels ? Enfin, les sociétés de service en logiciels libres, bien françaises, ne vont-elles pas être favorisées puisqu'elles ne facturent que du service, déductible immédiatement du bénéfice, et aucune licence à amortir ?