L'Agence de sécurité nationale US tente de construire une nouvelle génération de super-ordinateurs qui pourrait théoriquement ne faire qu'une bouchée des systèmes de chiffrement actuellement utilisés pour sécuriser les communications numériques.

Le projet de construire « un ordinateur quantique utilisable en cryptographie » fait partie d'un projet de recherche d'un montant de 80 millions de dollars baptisé « Penetrating Hard Targets » et localisé sur le campus de l'Université du Maryland, selon le Washington Post. Le journal américain a de nouveau bénéficié de documents fournis par Edward Snowden pour rédiger son article. Selon un rapport de l'Union européenne datant de juin 2005, les États-Unis consacraient à cette date 75 millions d'euros aux recherches sur les ordinateurs quantiques contre 8 millions pour l'Europe. Le Canada dépenserait 12 millions d'euros par an, le Japon 25 millions et l'Australie 6 millions. Le budget alloué par la NSA serait donc sans commune mesure avec ceux des autres pays, notamment européens.

Depuis toujours, l'utilisation de systèmes de chiffrement pour assurer la confidentialité de certains messages a immédiatement été suivie de tentatives pour casser par la force les algorithmes utilisés. Avec le développement d'ordinateurs de plus en plus puissants, les clefs de cryptage se sont renforcées pour résister aux assauts bruts. Aujourd'hui des clefs de 256 bits ou plus sont monnaie courante, en particulier pour protéger des informations sensibles. Même avec un superordinateur puissant, les experts conviennent qu'il faudrait de nombreuses années pour casser une clef unique de 256 bits (voir tableau sur les clefs de cryptage).

L'informatique quantique fascine

A la différence de l'informatique traditionnelle, qui repose sur un codage binaire des informations (un ou zéro) issu des travaux d'Alan Turing, un ordinateur quantique emploie des bits dont la valeur peut être à la fois de un ou zéro grâce à la superposition d'états quantiques. Le prix Nobel de physique Richard Feynman est à l'origine des premiers travaux sur les ordinateurs quantiques au début des années 80. Parce que chaque bit quantique est titulaire des deux valeurs en même temps, une chaîne de bits quantiques peut représenter simultanément les deux chiffres. Cela signifie qu'un ordinateur quantique pourrait réaliser beaucoup plus de calculs en une seule étape, et non pas un par un comme le font les ordinateurs actuels. Ainsi, le déchiffrement d'une clef de cryptage pourrait devenir un jeu d'enfant .

Les scientifiques cherchent encore à faire fonctionner de manière fiable les ordinateurs quantiques capables d'effectuer des calculs mathématiques complexes, et le financement de la NSA cherche justement à accélérer ces programmes. Beaucoup d'universités et de laboratoires de recherche dans le monde entier investissent des millions d'euros dans des programmes visant à rendre les ordinateurs quantiques fiables en réduisant les problèmes de décohérence, et la technologie s'améliore d'année en année, mais à ce jour personne n'a signalé une percée qui rendrait caduques les clefs de chiffrement utilisées actuellement. Cependant, l'arrivée d'un ordinateur quantique utilisant les algorithmes de Shor pour casser du code et de Grover pour améliorer la recherche dans de gigantesques bases de données pourrait inquiéter un grand nombre de gouvernements.