Avec l'explosion de l'IA générative depuis l'arrivée de ChatGPT d'Open AI fin 2022, mais aussi plus généralement le déploiement du machine learning, du deep learning dans de nombreux secteurs économiques, de la computervision et du NLP dans l'industrie manufacturière, la technologie pèse de plus en plus lourd à la fois sur l'économie, l'emploi et la société. À l'occasion de ce 8 mars, journée internationale des droits des femmes, il est intéressant de s'interroger sur la place des femmes non plus dans l'IT en général, mais dans ce domaine à l'influence grandissante.

Il existe peu d'études spécifiques en la matière, en particulier car ces enquêtes mêlent souvent data et IA. Mais en 2023, le Forum économique mondial (WEF) s'est cependant attelé à la tâche. Il a consacré à l'IA une partie de son dernier rapport « Global gender gap » (étude annuelle sur l'égalité entre femmes et hommes dans le monde), publié en juin 2023 et s'appuyant sur des données de 2022 fournies par Linkedin et Coursera ainsi que sur des mesures spécialement conçues avec le réseau social professionnel.

Un tiers d'inscrites aux Moocs d'IA de Coursera

Premier constat en ce qui concerne les écarts de genre dans les "marchés d'avenir du travail", les femmes comptent pour 29,3% des métiers des domaines des STEM (Science, technology, engineering and mathematics), « bien rémunérés et qui promettent de se développer de façon importante dans l'avenir ». En ce qui concerne spécifiquement l'intelligence artificielle, toujours selon le WEF, le nombre de personnes compétentes a été multiplié par six entre 2016 et 2022, et « le pourcentage de femmes frôle aujourd'hui 30 %, soit seulement 4 points de plus qu'en 2016 (26 %) ».

En matière de formation, la tendance n'est pas forcément rassurante. Le rapport donne une estimation de l'appétence des femmes pour cette carrière à partir de données provenant de la plate-forme de Moocs Coursera. Même si cela n'offre qu'une vue très partielle de l'intérêt pour des formations en la matière, c'est un indicateur intéressant. Ainsi, seul un peu plus d'un tiers (33,7%) des inscrits aux cours sur l'IA et la data sont des inscrites. Plus globalement, comme dans tous les domaines de l'IT, « les écarts entre les sexes ont tendance à se creuser à mesure que les niveaux de compétence augmentent », rappelle également le rapport du WEF.

25% de femmes dans l'IA au sein de la high tech

Ce dernier a par ailleurs développé avec Linkedin un nouvel outil de mesure de l'écart entre les sexes dans la répartition des compétences en IA, cette fois en fonction des industries qui ont subi des changements significatifs avec les développements de la technologie. Bien sûr, c'est dans le secteur de la technologie que l'on trouve la plus forte concentration de travailleurs de l'IA, mais c'est aussi le cas dans l'éducation, les services B2B et la finance. Et c'est dans ces mêmes secteurs que la représentation féminine est la plus basse : 28% des effectifs dans la finance, 40% dans l'éducation, 31% dans les services et surtout, un quart seulement dans le secteur de la technologie. Un dernier constat d'autant plus préoccupant que c'est dans ce dernier que sont conçus et entraînés les modèles d'IA. Les écarts sont également importants dans les services B2C (38 %) et le secteur public et l'administration (35 %). La concentration de compétences en IA équivaut au rapport entre le nombre de professionnels de l'IA (compétences explicitement listées sur le profil Linkedin ou emploi classé comme profession de l'IA) dans le secteur et le nombre total de membres de LinkedIn dans le secteur dans le monde.

Comme le rappelle le WEF, « la portée de l'écart entre les sexes chez les professionnels de l'IA a des implications qui dépassent le seul domaine de la technologie. Il a lieu dans un secteur en croissance rapide qui exerce une influence considérable sur diverses industries et cela exacerbe les disparités existantes entre les sexes dans le travail plus globalement. L'IA transforme les solutions consacrées aux métiers de la connaissance, de la supply chain, des RH, de l'éducation, de la santé et de l'environnement entre autres. La sous-représentation des femmes peut ainsi empêcher l'influence positive de ce que l'on désigne comme 'la prime à l'innovation liée à la diversité' ». Le rapport évoque aussi bien entendu le risque de perpétuation des biais de genre présents dans la société, lorsque l'expérience ou les idées des femmes ne sont pas ou peu intégrées dans les phases de développement et de déploiement de l'IA, des algorithmes et des technologies.