A force de parler de révolution numérique, le terme est galvaudé, vidé de son sens. Une révolution est une transformation brutale, une rupture des règles. Et toute transformation, dans le passé, a généré ses victimes, parfois identifiées comme telles rapidement, parfois au bout d'un temps certain, avec dans certains cas des effets délétères généraux sur l'humanité toute entière. Ce petit rappel préliminaire ouvre « La grande illusion du monde numérique », ouvrage de Christian Aghroum qui vient de paraître aux éditions VA. Il en découle une question évidente : qui seront les victimes de l'e-guillotine ? Car les dieux ont toujours soif, ceux du digital comme les autres, comme le rappelait Anatole France.

Faire un tel constat, poser une telle question, cela reste un préalable. L'auteur se projette ensuite dans les différents avenirs possibles tels que décrits par divers penseurs ou futurologues. A chaque fois, il veille à chercher l'éclairage du passé, des anciennes révolutions. Certains rêves sont séduisants, d'autres pourraient se révéler à terme être de vrais cauchemars. Les impacts sont économiques, sociaux et aussi, ne l'oublions pas, politiques, voire (l'auteur l'envisage) religieux.

Le « Prométhée Moderne » était le sous-tire d'un roman bien connu : c'était le surnom donné au Dr Frankenstein par Mary Shelley. Espérons que nous ne sommes pas, avec le numérique, de nouveaux Prométhée modernes. Mener des réflexions comme celle Christian Aghroum permet sans doute de nous prémunir (au moins partiellement) d'une telle malédiction.