Le Conseil économique, social et environnemental (CES) vient de présenter, dans un avis commandé par le Premier ministre, ses pistes pour la couverture numérique du territoire. Si l'ADSL offre un accès à Internet à 98% de la population, il subsiste encore des zones blanches. De plus, le déploiement de la fibre risque de ne concerner qu'une petite partie des ménages. Face à cet état des lieux, le CES veut contribuer « à équiper notre pays pour que la population ait accès aux usages. Nous sommes en plein dans la problématique des tuyaux », a expliqué André Marcon, le rapporteur de l'avis. L'Etat stratège doit donner le top départ du déploiement L'Etat devra « jouer pleinement son rôle de garant de l'intérêt national », notamment en faisant « prévaloir les critères d'aménagement du territoire sur ceux de concurrence », en imposant la mutualisation des réseaux de fibre optique entre opérateurs et en dopant les pouvoirs de l'Arcep pour que l'autorité puisse accompagner le déploiement du très haut débit de façon harmonieuse d'une partie du territoire à l'autre. Les collectivités, qui doivent elles aussi prendre leur part dans ce projet de couverture numérique, devront pouvoir participer à la gouvernance de l'Arcep et intervenir sur les sujets concernant les conditions d'accès aux infrastructures de France Télécom par exemple. Le rôle des collectivités consistera également en la création de syndicats mixtes, conçus sur le même modèle que celui des syndicats départementaux d'électrification. Leur mission - organiser le déploiement de la fibre dans les territoires - passera par une connaissance des réseaux existants, le travail avec les opérateurs et la mise en oeuvre d'une péréquation régionale. Ce dernier point est particulièrement important dans la mesure où il conditionne la réalisation du déploiement sur l'ensemble du territoire, en permettant aux régions les plus reculées de bénéficier des mêmes soins que les dorsales urbaines. Pour cela, les syndicats mixtes pourraient, préconise le Conseil économique et social, prélever les collectivités membres à hauteur de 10 € par an et par habitant. En dix ans, ce système permettrait de dégager quelque 6 Md€. Une somme largement insuffisante pour couvrir les coûts du déploiement généralisé de la fibre, estimé par le CES entre 40 et 50 Md€. Une dizaine de milliards devrait être supportée par les pouvoirs publics, le reste étant pris en charge par les opérateurs. Aux côtés du prélèvement opéré par les syndicats mixtes, le CES propose d'instaurer une taxe de 0,50 € sur les abonnements (Internet, téléphonie mobile et fixe, etc.). Cette autre source de financement serait susceptible, elle aussi, de dégager 6 Md€ en dix ans. Le plan France numérique 2012 trop frileux Le CES regrette que le numérique soit absent - ou à tout le moins fort peu présent - du Grenelle de l'environnement et du plan de relance économique. L'implication de l'Etat est pourtant indispensable à la couverture numérique de l'ensemble des territoires. Le CES note bien les ambitions du plan France numérique 2012 (100% des foyers connectés en 2012) mais déplore que ce 'service minimum' ne prévoit qu'un accès ADSL à 512 Ko/s. Or, « ce dont l'utilisateur a besoin, c'est avoir accès au triple play ». Le CES estime donc nécessaire de porter à 2 Mb/s le débit minimum dont tous les ménages doivent être en droit de profiter avant 2012. Ce plan n'est cependant qu'une vue à court terme. Le véritable enjeu réside dans « la généralisation du très haut débit, avec un choix technologique à faire une fois pour toutes : celui de la fibre optique ». L'objectif du CES -amener ce très haut débit « partout dans dix ans » et faire disparaître la fracture numérique - n'est réalisable que si les pouvoirs publics s'investissent considérablement. « Si on laisse faire, seul le marché décide des implantations » et des pans entiers du territoire seront laissés de côté. Il faut donc « une implication beaucoup plus grande de l'Etat et des collectivités locales » : « si l'Etat stratège ne donne pas le top départ du déploiement de ces installations, on continuera à se regarder le nombril ».