Surpris et inquiet. Le club de utilisateurs SAP francophones (USF) n'a pas manqué de réagir aux récentes annonces de l'éditeur d'origine allemande qui, lors d'une mise à jour de son plan 2025, a promis une accélération de ses investissements dans l'IA et fait part de sa volonté de supprimer 8000 postes. « Le problème n'est pas le focus placé sur l'IA, indique Gianmaria Perancin, le président de l'USF. Mais nos adhérents aimeraient d'abord finir le virage vers S/4 et comprendre la valeur de la migration vers RISE. On a l'impression d'assister à une fuite en avant et l'écart entre ce que les entreprises attendent et ce que SAP leur donne est de plus en plus grand. » Rappelons que, lors de la dernière enquête de l'USF auprès de ses membres, en 2022, seuls 7% avaient achevé leur migration vers S/4 Hana. Au total, une entreprise sur cinq avait au moins démarré le processus amenant vers la nouvelle génération de progiciels du premier éditeur européen.

Si, pour la nouvelle mouture de cette étude attendue cette année, le paysage aura certainement évolué, la base installée, représentée par l'USF, reste encore majoritairement cantonnée, pour tout ou partie de son paysage SAP, à des environnements ECC - l'ancienne génération de progiciels. Or, entretemps, SAP a pris le parti de pousser sa base installée vers des offres S/4 managées, baptisées RISE with SAP (en version pure SaaS ou dans une édition cloud privé).

Des échelles de temps différentes

Et l'éditeur a précisé qu'une partie de ses innovations serait désormais réservée à ces environnements. « La base installée est préoccupée de la vitesse à laquelle ces annonces s'enchaînent. Alors que incertitudes entourent encore RISE, SAP parle maintenant d'IA. Nous ne vivons pas sur la même échelle de temps », reprend le président de l'USF. Même si ce dernier se réjouit d'avoir pu lever, via une réunion avec la direction de SAP France, une ambiguïté concernant l'accès aux fonctions de calcul des indicateurs environnementaux (nécessaires dans le cadre de la mise en place de la directive CSRD), fonctions qui seront bien accessibles aux entreprises qui exploitent S/4 Hana, hors des environnements RISE.

Cet exemple est emblématique d'une des craintes centrales des utilisateurs des progiciels de l'éditeur : voir SAP délaisser les environnements techniques majoritaires au sein de sa base installée pour concentrer ses investissements sur ce qu'attendent les marchés financiers, soit des revenus récurrents et de l'IA. D'où les inquiétudes de Gianmaria Perancin concernant les 8000 postes supprimés (7,5% de l'effectif global de l'éditeur). Si une partie de ces postes va être réaffectée du support vers le développement, « il faudrait préciser sur quoi ces personnes vont se concentrer à l'avenir, sur quel code elles vont travailler », indique celui qui est également président du Sugen (SAP User Group Executive Network, qui regroupe 23 communautés d'utilisateurs dans le monde). Vont-elles rejoindre des équipes travaillant sur des sujets attendus par les DSI, comme l'accompagnement de la migration vers S/4 Hana, où davantage se focaliser sur des sujets qui serviront les futures annonces de l'éditeur de Walldorf aux marchés financiers ?

MAJ

Suite à une interview accordée par le directeur des opérations de SAP France, Orlando Appell, à nos confrères du MagIT, l'USF a quelque peu atténué ses critiques à l'encontre de l'éditeur. Et juge la position du dirigeant « plus rassurante que les annonces précédentes » pour la base installée on-premise. « L'USF se félicite grandement que SAP semble avoir finalement entendu le profond mécontentement de ses utilisateurs qui trouvait son origine dans une politique commerciale a priori trop axée sur un accès à l'innovation affiché comme uniquement possible aux clients RISE », écrit l'association d'utilisateurs dans un communiqué reçu ce jour, tout en regrettant que ces éclaircissements arrivent si tard. Si Orlando Appell a indiqué que les clients de SAP S/4 Hana on-prem n'auraient pas accès aux innovations en matière d'IA générative - en raison d'une impossibilité technique -, il a assuré que ceux-ci auraient toujours accès aux mises à jour fonctionnelles, à un rythme plus lent que celui en vigueur sur le cloud.