Entretien avec Alain Donzeaud, le président de la commission des affaires sociales et de la formation de la fédération Syntec. Il fait le point sur les priorités de ce groupe de travail : faire évoluer l'image du secteur informatique, assurer la promotion de l'apprentissage auprès de ses adhérents et accompagner la transformation des métiers. Lemondeinformatique.fr : quels sont les chantiers prioritaires de la commission des affaires sociales et de la formation que vous présidez ? Alain Donzeaud : Notre secteur est traditionnellement fortement recruteur, si l'on exclut la période noire qu'il a connu entre 2002 et 2004. Cette année, nous estimons par exemple son volume de recrutement à 40 000 postes dont 30% pour des débutants (des personnes ayant de 0 à 2 ans d'expérience). Pour préparer l'avenir et servir ses besoins, nous devons donc attirer des jeunes et pour cela accroître son attractivité, en travaillant sur les conditions de travail qu'il propose et sur son image. Il nous faut notamment montrer que c'est un secteur d'avenir, puisque toutes les organisations ont besoin de gagner en productivité et qu'elles sont amenées à utiliser peu ou prou, les systèmes d'information dans cette perspective. Quelles actions sont en cours pour promouvoir le secteur ? Nous agissons très en amont en menant des actions auprès des collégiens. Nous organisons par exemple un concours pour les classes de troisième et de quatrième, en partenariat avec l'Onisep, pour que les élèves valident leur B2i (Brevet informatique et Internet qui atteste des compétences développées par les élèves en informatique, NDLR), en découvrant les métiers de l'informatique. Nous constatons en effet que l'image de l'informatique véhiculée auprès et par les enseignants est essentiellement technique, alors que ce métier reflète bien d'autres réalités. Nous devons donc changer ces représentations et montrer que travailler dans l'informatique, c'est avant tout gérer des transformations en utilisant certains outils et méthodes. Dans le même souci de promotion, nous avons parallèlement été partenaires de la douzième coupe de la robotique E=M6 en 2005. Cette année, nous participons enfin à la promotion du prix Excellencia (le trophée de la femme ingénieur high-tech), afin de montrer que notre industrie est ouverte aux femmes, même si l'on est conscient qu'il reste du chemin à parcourir dans ce domaine. Dans la même logique, le Syntec monte parallèlement une association avec de grandes écoles. Quel est son objet? L'objectif de cette initiative est de bénéficier d'un échange avec le monde étudiant afin de nous aider à mesurer et à percevoir notre déficit d'image. En créant une proximité avec eux, nous pourrons également leur communiquer les grandes tendances qui se dessinent dans nos métiers et quelles sont les compétences attendues. L'enjeu est aussi d'évangéliser sur le secteur des services, non seulement sur « l'esprit services » auprès d'une population qui a davantage une culture de la production informatique, mais aussi sur le fait que notre secteur est le seul créateur d'emploi durable. Votre fédération patronale fait également la promotion de l'apprentissage auprès de ses membres. Qu'est-ce qui a conduit cette démarche ? Elle s'inscrit en tout cas dans les recommandations du gouvernement qui fixe aux entreprises un objectif quantitatif d'emploi de jeunes en alternance à hauteur de 3% de leurs effectifs d'ici à 2009. Notre fédération est collecteur de la taxe d'apprentissage, ce qui lui permet d'accompagner le développement de ce mode de prérecrutement, depuis plusieurs années déjà. Nous avons notamment rédigé un guide de l'apprentissage (« Apprentissage, mode d'emploi ; NDLR) pour expliquer à nos adhérents les tenants et les aboutissements de cette démarche. Elle répond à la conviction que l'apprentissage doit faire partie intégrante de la stratégie des entreprises, notamment parce qu'il concerne des jeunes qui comptent parmi les meilleurs, les plus impliqués et les plus préparés sur le plan opérationnel. Mais elle s'inscrit également dans une réponse globale à l'évolution des modes d'acquisition des diplômes. Parallèlement au parcours classique classe prépa/école d'ingénieur, il est en effet fréquent que les écoles soient intégrées à l'issue d'autres cursus tels une maîtrise ou un deug et que l'on recourt à l'apprentissage, même pour obtenir un Bac+5. A ce jour, notre branche recense par exemple 4000 personnes en apprentissage dont 1300 dans l'informatique. Dans ce contexte, nous souhaitons montrer que nous sommes capable d'offrir tous les modes d'acquisition de diplômes : de bac + 2 ou +5, en école ou en apprentissage, via un certificat de qualification professionnelle (CQP), une période de professionnalisation ou une VAE, etc. Et expliquer à nos entreprises qu'à moindre souci pour eux, nous pouvons être mieux placés que les autres dans la bataille des talents qui se profile avec le papy boom, car nous avons démarré tôt et sommes actifs sur ces sujets. Les adhérents Syntec se sont-ils emparés des dispositifs de la réforme de la formation professionnelle sur la professionnalisation pour leurs salariés ? Absolument. Nous recensons 2713 contrats de professionnalisation acceptés chez nos adhérents, dont 77% pour des qualifications liées à des métiers spécifiques à la branche et 43% pour le secteur informatique. Parallèlement, 3969 actions de formation ont été financées dans le cadre de période de professionnalisation dont 54% dans l'informatique. Les demandes les plus fréquentes ont concerné, les domaines systèmes et réseaux, langues étrangères, méthodes et langages de programmation, CAO/DAO, management, gestion de projet, techniques ingéniérie de conception, négociation commerciale et base de données/outils décisionnels. Je crois que tout le monde a compris l'intérêt de périodes de formation assez longues pour développer des compétences et acquérir une qualification supplémentaire. Globalement, ces dispositifs conduisent les salariés et les entreprises a aborder la formation avec plus de maturité. Pour répondre aux demandes de formation, Syntec informatique a d'ailleurs lancé le premier certificat de qualification professionnel (CQP) dans l'informatique, pour le métier d'administrateur de réseaux d'entreprise. D'autres CPQ sont aussi en chantier dont l'un dans le domaine de la gestion de projet. Ces cursus permettent de faire face aux spécificités de nos métiers et de s'ajouter aux cursus traditionnels des écoles et des organismes de formation professionnelle pour former davantage de personnes. Nous allons d'ailleurs les rendre accessibles par la validation des acquis et des expériences (VAE) pour les ouvrir au plus grand nombre. Comment travaillez-vous sur la menace de l'offshore pour vos métiers ? Nous avons un chantier sur les métiers menacés par la concurrence des pays où la main d'?uvre coûte moins cher. L'observatoire des métiers et des emplois de la branche a par exemple démarré une étude sur le métier d'analyse programmeur. L'objectif est de déterminer quel volume de population il concerne, détailler les niveaux compétences qui lui sont associés et voir si une offre offshore moins chère et équivalente existe. Si c'est le cas, il faudra faire évoluer ce métier et sans doute définir des formations, pour lui donner une valeur ajoutée. L'observatoire a par ailleurs bâti un référentiel qui recense tous les métiers et emplois de notre secteur. Des priorités de formation ont été communiquées à notre organisme paritaire collecteur (Fafiec) pour soutenir en priorité des domaines de compétences sur lesquelles il y a de fortes demandes aujourd'hui. Globalement, la question de la transformation de nos métiers et de nos compétences et fondamentale pour que notre industrie accompagne les évolutions structurelles du marché et des technologies. Cette capacité a prendre en main cette évolution est aussi l'une des conditions de l'attractivité du secteur. Certes, mais les nouveaux dispositifs, professionnalisation, apprentissage, etc, ne sont-ils fort complexes à mettre en oeuvre concrètement dans les SSII et notamment au sein des plus petites d'entre elles ? Il est vrai qu'il peut être complexe de jongler avec ces dispositifs et que la question des moyens peut parfois se poser. Mais être capable d'avoir une offre intéressante pour ses salariés comme pour ses clients constitue un facteur différenciant. Par ailleurs, le Syntec soutient ses adhérents. Nous leur fournissons des référentiels métiers, des modes opératoires, des formations pour les entretiens professionnels. Ils doivent ensuite essentiellement s'attacher à faire une évaluation annuelle de leurs collaborateurs et de la formation, ce qui reste relativement aisé à mettre en place. De toute façon, il n'y a pas d'échappatoire, car petit à petit les salariés en feront un critère de choix. Les meilleurs se tourneront uniquement vers les sociétés qui auront un haut niveau d'exigence avec elles mêmes au niveau de leur offre de gestion de carrière.