Les DSI ont été confrontés à une multitude de défis au cours de l'année écoulée, les événements économiques, politiques et technologiques ayant créé à la fois des incertitudes et des opportunités pour les organisations de tous les secteurs. Nous avons demandé à des responsables informatiques de revenir sur cette année quelque peu tumultueuse et de réfléchir à ce qu'ils ont appris. Voici leurs principaux enseignements.

1. Cultiver le paysage IT comme un jardin

La nécessité de se concentrer sur les fondamentaux est citée comme l'un des principaux enseignements de l'année écoulée, les DSI affirmant qu'ils ne peuvent pas être aussi agiles et rapides que l'exige leur organisation sans de solides fondations IT.

Certains admettent l'avoir d'ailleurs appris à leurs dépens. « Cette année, nous avons reçu un très grand nombre de demandes et nous avons constaté qu'il était nécessaire de mieux gérer notre environnement », explique Ricki Koinig, directrice informatique du département chargé de la gestion des ressources naturelles dans le Wisconsin. « Il nous était difficile de suivre toutes les bonnes idées et priorités des divisions métiers, car à chaque fois que nous avancions, nous nous heurtions à un mur à cause de notre environnement IT - par exemple quelque chose qui n'était pas documenté ou qui était trop vieux. »

Selon Ricki Koinig, les DSI - y compris elle-même - doivent considérer leur environnement informatique comme un jardin qu'il faut entretenir en permanence pour obtenir les meilleurs résultats. Elle ajoute que les DSI doivent connaître et comprendre les composantes de cet environnement, être capables d'identifier ce qui s'y trouve afin que leurs équipes puissent 'semer de nouvelles graines' à côté et au-dessus de cet environnement.

Selon la responsable, les DSI et leurs équipes doivent accorder la priorité tant à l'entretien de l'environnement existant qu'à la mise en place de nouveaux éléments ; un équilibre qui assure le développement harmonieux de l'ensemble. Et d'indiquer qu'elle mettra ces convictions en pratique en 2024.

2. Être brillant sur les fondamentaux...

De même, les DSI affirment que l'année écoulée a prouvé - s'il était encore besoin - la nécessité d'être solide sur les fondamentaux du métier. Jay Ferro, vice-président exécutif, DSI, CTO et responsable des produits chez Clario, un fabricant de logiciels de gestion des essais cliniques, reconnaît que ce mantra n'est pas nouveau pour la plupart des DSI. Pourtant, il estime qu'il vaut la peine de s'en souvenir et de le répéter, car il est aussi important aujourd'hui qu'il ne l'a jamais été.

« On peut se laisser distraire par des buzzwords, des objets qui brillent, la transformation, mais on nous rappelle souvent - de façon peu réjouissante - qu'il faut faire en sorte que les trains roulent à l'heure. C'est cette solidité sur les basiques qui permet à un DSI de faire des choses plus cool », explique-t-il.

Jay Ferro dit que ce message lui a été rappelé tout au long de l'année, en particulier lorsque des rapports sur des pannes informatiques ont fait la une des journaux, comme celle dont a été victime la compagnie aérienne Southwest au début de l'année, après une surcharge de ses systèmes IT en plein pic de la saison des voyages de vacances.

3. ...mais aussi sur l'agilité, l'adaptabilité et la flexibilité

Le rythme sans cesse croissant des progrès technologiques, caractérisé en 2023 par l'émergence et l'adoption rapide de l'IA générative, a également mis en évidence l'importance cruciale de l'agilité. « Lorsque je repense à décembre 2022, nous avions devant les yeux la technologie la plus importante que j'ai vue au cours de ma carrière, à savoir l'IA générative. Les grands modèles de langage existaient depuis quelques années, mais l'IA générative a amené un rythme de changement particulièrement rapide. Et elle n'a pas été mise uniquement entre les mains des experts technologiques internes ; elle a été utilisée par tout le monde, et ces personnes ont fait de très belles choses avec elle », plaide Ankur Anand, DSI de l'entreprise de services professionnels Nash Squared.

Selon lui, la rapidité de l'évolution et de l'adoption de la technologie, ainsi que la démocratisation de son utilisation, ont mis en lumière le besoin d'agilité et d'adaptabilité de l'entreprise - des caractéristiques essentielles pour toute organisation qui souhaite créer rapidement de nouveaux modèles opérationnels et s'emparer au plus vite de l'innovation. « L'organisation doit être plus agile et plus collaborative parce que les choses changent de jour en jour et que la demande évolue de plus en plus vite chaque jour », résume Ankur Anand.

4. Ne pas décaler, surtout les projets de transformation

Dans le même ordre d'idées, Sean Wetcher, DSI de l'éditeur de logiciels Boomi, estime que 2023 a montré que l'attentisme n'a plus sa place, en particulier lorsqu'il s'agit de technologies transformatrices. « L'immobilisme n'est pas une option, à moins que votre entreprise ne soit prête à renoncer à son avantage concurrentiel au profit de ses rivaux », souligne-t-il.

Et de citer l'IA comme exemple : « les dirigeants IT devraient identifier les meilleurs moyens pour leur organisation de tirer parti de l'IA en se concentrant sur ce qui génère le plus de valeur. Par exemple, réfléchissez à la manière d'appliquer l'IA aux processus de votre organisation pour offrir des expériences plus attrayantes aux clients, rationaliser et optimiser les opérations ou faire progresser les initiatives de transformation grâce à l'intégration et à l'automatisation des produits, des services ou des modèles économiques. »

« La transformation de l'IA de cette année renforce l'approche que nous avons toujours adoptée, à savoir que chaque décision doit être liée à des résultats métiers », dit Sean Wetcher, expliquant que son entreprise a établi un cadre solide - y compris des lignes directrices claires pour une adoption responsable de l'IA - pour favoriser et soutenir l'intégration de la technologie dans ses opérations.

5. Vérifier l'alignement métiers et IT, et revérifier encore

L'IA générative a joué un autre rôle dans le bilan de 2023. C'est en tout cas ce que souligne Daniel Uzupis, responsable IT de Union Community Care depuis octobre, qui cite des rapports faisant état de nombreux chefs d'entreprise désireux de se lancer à fond dans l'IA générative, alors même que leur DSI mette en exergue les limites de son utilisation pour diverses raisons. Dans d'autres cas, ce dernier imagine d'excellents cas d'usage de la technologie qui sont ensuite gelés par les craintes des métiers.

Daniel Uzupis explique que ces scénarios lui ont montré qu'il subsistait une « déconnexion massive » entre les lignes métiers et l'équipe IT dans de nombreux endroits. « Je ne peux pas dire quel est le problème, et je ne pense pas qu'il soit imputable à l'une ou l'autre partie », indique le DSI, ajoutant qu'une partie de la déconnexion provient de l'incompréhension persistante que beaucoup ont du rôle des systèmes d'information et de l'équipe informatique. Il considère également que la sous-estimation de la valeur apportée par l'informatique est un autre problème. « Nous [les membres de la DSI] comprenons mieux le fonctionnement de l'organisation que les gens ne le pensent », ajoute-t-il.

Comme d'autres DSI, Daniel Uzupis constate que le travail de l'informatique dans toutes les fonctions permet à l'équipe IT de connaître les forces, les faiblesses et les besoins de l'organisation. Mais il dit avoir constaté que certaines entreprises n'apprécient pas ou ne tirent pas pleinement profit de la vision que l'IT peut apporter à la planification stratégique.
Selon lui, les pratiques comptables des entreprises exacerbent la situation, car les finances portent sur des chiffres annuels alors que les investissements informatiques au service d'objectifs stratégiques sont souvent pluriannuels, un décalage qui continue de créer des tensions au sein de nombreuses organisations. « Parfois, les organisations prennent des décisions tactiques qui ne sont pas favorables à leur réussite à long terme », juge-t-il.

6. Déployer une approche globale pour l'IA

Les DSI disent qu'ils ont également appris au cours de l'année écoulée comment aborder l'IA générative - et l'IA dans son ensemble - car certains l'ont adoptée sans réserve, d'autres la craignent, et d'autres encore ne savent pas quoi en penser.

« Certains dirigeants ont un appétit énorme pour le changement, tandis que d'autres se situent à l'opposé du spectre, observe Amy Evins, DSI d'Avient, un industriel spécialisé dans la fabrication de polymères. Il faut donc expliquer aux gens ce qu'est l'IA, à quoi cela ressemble et comment on va traiter le sujet. »

Pour faire face à cette situation, la DSI a décidé que la meilleure stratégie consistait à adopter une approche très volontaire dans l'utilisation de la technologie. Elle a commencé par identifier les principes qui définissent les limites de l'usage de l'IA, puis a élaboré des politiques pour s'assurer que les mises en oeuvre respectent bien ces limites.

« Les gens vont utiliser l'IA et je me suis demandé comment je pouvais créer un partenariat avec eux. Je ne veux pas empêcher les salariés d'explorer ce domaine, mais rendre les usages possibles en toute sécurité. Je leur donne donc un bac à sable et je peux leur dire : 'allez-y', mais en leur imposant de rester dans cet environnement contrôlé », explique-t-elle.

D'autres DSI disent qu'ils ont eux aussi utilisé les leçons de l'année écoulée pour cristalliser leur approche de l'IA (et de l'IA générative en particulier), en soulignant l'importance d'appliquer une bonne gouvernance et d'autres bonnes pratiques à l'utilisation de cette technologie.

Jay Ferro, par exemple, explique qu'il a développé une approche qui se concentre sur la priorisation par la valeur des projets et qui préconise de démarrer sur une petite échelle, afin de prouver la valeur du cas d'usage, avant de passer à l'échelle supérieure. « Les DSI se laissent eux aussi entraîner par le battage médiatique. Mais le nombre de paris qu'ils peuvent faire est limité. Dès lors, il faut se concentrer sur les meilleurs cas d'utilisation pour l'entreprise. Vous pouvez innover à la marge, mais assurez-vous que ce dans quoi vous investissez est utile à votre organisation et à vos clients », ajoute-t-il.

7. Optimiser les modèles de travail hybrides

Pour Jay Ferro, l'option basée sur un travail flexible, n'imposant pas un lieu de travail, est non seulement là pour durer, mais elle doit pousser les DSI à donner la priorité à sa mise en place intelligente. « Il s'agit d'être très attentif à l'expérience utilisateur », résume-t-il.

Cela passe par l'organisation d'entretiens avec des panels et la création de groupes d'utilisateurs pour obtenir un flux régulier de feedbacks, par l'analyse des tickets d'incident pour identifier des problèmes et des points à améliorer, et par la mise en place d'une formation adéquate pour s'assurer que tous les travailleurs sont à l'aise avec l'utilisation des outils de collaboration et autres technologies de leur environnement de travail. Sans oublier d'aider les équipes - y compris celles du service IT - à se réunir pour collaborer, se connecter et organiser des moments festifs.

« Cela signifie qu'il faut être disponible, mener une action proactive, que l'on sait faire preuve de gratitude, que l'on ne se contente pas d'attendre que les choses viennent à soi mais que l'on procède à des vérifications ponctuelles. Et vous ne vous concentrez pas seulement sur la productivité des employés, mais aussi sur eux en tant qu'individus », explique Jay Ferro, qui précise que ses équipes IT sont réparties dans 30 pays. « Nous devons nous occuper de la personne dans sa globalité. À l'heure du travail hybride, nous sommes tous habitués à voir des enfants et des animaux de compagnie à l'écran. Il faut se pencher sur cette question et savoir l'accepter. »

8. Saupoudrer d'une politique de retour au bureau

D'un autre côté, certains DSI affirment que les inconvénients du télétravail les ont amenés à rééquilibrer l'emploi du temps de leurs équipes. C'est le cas de Saby Waraich, DSI et RSSI du Clackamas Community College. Il cite des études faisant état d'une baisse de la productivité des travailleurs en 2023, de personnes occupant deux emplois simultanément, d'un isolement croissant et de problèmes de santé mentale comme autant de raisons de réévaluer le travail à distance et le travail hybride.

L'équipe du DSI, qui a travaillé à distance pendant un certain temps, travaille désormais au bureau trois jours par semaine. Il prévoit de réévaluer cet horaire au début de l'année prochaine afin de déterminer s'il convient d'augmenter l'horaire de travail au bureau à quatre jours par semaine.

9. Être prêt pour l'inattendu

C'est presque une évidence pour la plupart des DSI. Faire face à des événements qui ne figurent pas au programme en début d'année fait clairement partie des exigences du poste. Même si, comme l'explique Sam Segran, responsable informatique, les DSI ont l'habitude de travailler sur des priorités à long terme et, par conséquent, peuvent être pris au dépourvu par des changements inattendus.

« Les principales priorités des DSI au cours des dernières années ont été l'alignement sur le métier, la cybersécurité et la résilience de l'infrastructure, l'expérience utilisateur, la transformation numérique, la gestion des données, les technologies émergentes, notamment l'IA/ML et l'informatique quantique, ainsi que les questions liées à la supply chain. Cependant, les deux plus grands enseignements de 2023 ont été l'augmentation considérable de l'impact et de la portée de l'IA générative et les conséquences des sujets politiques et sociaux », estime-t-il.

Sam Segran, DSI et vice-président IT à l'université Texas Tech, explique que ces deux phénomènes ont pris par surprise certains DSI, les laissant dans une posture de réaction. Pour lui, les responsables IT « se démènent pour intégrer, gérer, faciliter, financer et soutenir cette croissance très rapide de l'utilisation de l'IA générative ».

Parallèlement, il affirme que les préoccupations et les restrictions apparues autour de TikTok, WeChat et d'autres technologies « ont placé les DSI face à de nouveaux défis opérationnels en termes de cybersécurité et d'accroissement des coûts opérationnels, de respect de la conformité et d'accompagnement des clients pour trouver des technologies alternatives lorsque c'est possible. »

Selon lui, les DSI doivent garder ces événements à l'esprit et prendre des mesures pour améliorer leur capacité de réaction. Sam Segran souligne la nécessité pour les DSI d'être bien informés sur les sujets d'actualité, de fournir une formation continue à tous les employés, d'accroître la collaboration avec des partenaires non IT et d'utiliser des politiques basées sur le comportement qui peuvent rester pertinentes et constantes, même dans un paysage technologique en constante évolution.