Si les sciences dures - telles que les mathématiques ou la physique - sont communément associées à l'informatique et aux nouvelles technologies, ce ne sont pas les seules à avoir un rôle à jouer dans leur évolution. A l'occasion des premiers entretiens du nouveau monde industriel, Cap Digital, l'ENSI et le centre Georges Pompidou ont réuni les 27 et 28 novembre derniers, représentants des sciences humaines et industriels pour débattre sur la façon dont les nouveaux objets et services numériques doivent être pensés. Ainsi pour conceptualiser l'interface d'un objet, il faut travailler sur trois aspects : la façon dont l'utilisateur va agir avec l'objet, la façon dont il va s'en servir pour agir avec d'autres et la façon dont il va s'en servir pour agir sur lui-même. Ainsi Charles Lenay, directeur du COSTECH de l'Université technologique de Compiègne, souligne que la valeur émotionnelle que l'on accorde à nos sensations est importante pour accepter de nouvelles interfaces. « À chaque modalité perceptive correspond une esthétique. Elle se constitue entre autres par le partage d'un monde commun avec d'autres individus, explique-t-il. Il faut un équivalent technique du « croisement de regards ». » Ce que son équipe recrée en travaillant sur des téléphones tactiles et des serveurs d'Internet tactiles pour aveugles. Jean-Louis Fréchin, fondateur de NoDesign et professeur à l'ENSI, plaide lui pour que le design ne soit pas traité en bout de chaîne « pour rendre beau le produit fini. « Le design doit être en scène dès le début aux côtés de la R&D, affirme-t-il. D'autant que désormais, l'interface est le produit et l'objet est l'interface. » Prenant pour exemple le téléphone portable - et surtout l'iPhone - où l'objet change la façon dont on s'en sert et les services auxquels on accède. De l'interface, la conversation dériva vite sur la façon dont les avancées technologiques ont changé le processus d'innovation. Miguel Aubouy, responsable des activités créativité du CEA (Commissariat à l'Energie Atomique) raconte que « depuis les années 90, nous ne sommes plus passifs avec nos objets et nous les réinventons en permanence, en faisant alors de nouveaux produits. » C'est la créativité d'intégration qui côtoie désormais la créativité d'anticipation, où classiquement les avancées technologiques créent de nouveaux produits. Une innovation sera donc un succès si le cadre technique (c'est à dire l'avancée des sciences) et le cadre social (c'est à dire le désir collectif de la population visée) y sont propices.