Les opérateurs télécoms européens en ont assez et frappent du poing sur la table. Dans une lettre ouverte adressée aux régulateurs européens, les PDG de 13 d'entre eux veulent faire passer à la caisse - sans les nommer - les acteurs de la « bigtech ». Les investissements des acteurs télécoms n'ont jamais été aussi élevés depuis 6 ans, ayant atteint en 2020 pas moins de 52,5 milliards de dollars. Une somme colossale nécessaire pour mettre à niveau leurs infrastructures (matériels, logiciels, services...) afin d'assurer toujours plus de capacités et de bande passante pour des services plus volumineux et gourmands en ressources. De nombreuses technologies sous-tendent la montée en puissance des visioconférences, du streaming vidéo ou encore du jeu en ligne... Au premier rang desquels la 5G, la fibre, l'Open-RAN, les services data edge et le cloud...

Dans ce contexte, A1 Telekom Austria Group, Altice Portugal, BT Group, Deutsche Telekom, KPN, Orange, Proximus Group, Swisscom, Telenor Group, Vivacom, Telefónica, Telia Company et Vodafone Group sont à l'unisson et espèrent bien convaincre l'Europe de peser pour mettre les géants du numérique devant ce qu'ils estiment être leurs responsabilités. Selon Reuters, sont particulièrement visés : NetFlix, Google (YouTube) et Facebook. Mais d'autres pourraient très bien être aussi dans leur collimateur (Apple, AWS, Microsoft...).

Une portée symbolique sans pouvoir de contrainte

Les opérateurs appellent à une « forte adhésion politique pour garantir que l'action réglementaire favorise l'investissement dans les réseaux Gigabit, ce qui nécessitera un investissement supplémentaire de 300 milliards d'euros », indiquent-ils à l'unisson. « La réglementation doit refléter pleinement les réalités du marché, aujourd'hui et à l'avenir. À savoir que les opérateurs télécoms sont en concurrence directe avec les services des grandes technologies, dans le contexte de marchés dynamiques ». Et de poursuivre : « Une part importante et croissante du trafic réseau est générée et monétisée par les grandes plateformes technologiques, mais cela nécessite un investissement et une planification continus et intensifs du réseau par le secteur des télécommunications. Ce modèle - qui permet aux citoyens de l'UE de profiter des fruits de la transformation numérique - ne peut être durable que si ces grandes plateformes technologiques contribuent également de manière équitable aux coûts du réseau ».

Rien ne dit que l'Europe répondra à l'appel des opérateurs télécoms européens contre les acteurs de la « bigtech ». Et encore moins que ces derniers acceptent de reverser une quelconque contribution (combien ? sur la base de quels critères ? sous quelle forme ?). Car à ce stade il ne s'agit pas d'une procédure formelle mais d'une simple lettre ouverte dont la portée relève davantage de l'ordre du symbole - certes puissant et inédit - que d'un réel pouvoir de contrainte.