Quel point commun entre le quartier général des communications gouvernementales (Government Communications Headquarters ou GCHQ), le MI5 et le MI6 ? Outre le fait de constituer les têtes de pont des services secrets britanniques, ces agences font désormais appel à un cloud unique. Dans le cadre d'un contrat - dont le montant n'a pas été révélé - AWS va ainsi fournir sa technologie cloud pour aider les agents à partager facilement des données et effectuer rapidement des recherches dans leurs bases quelque soit leur localisation. Elle alimentera également des applications spécialisées en reconnaissance vocale pour identifier et traduire des paroles et des conversations à partir d'enregistrements qui ont été interceptés. Le montant de ce contrat pourrait dépasser 1,3 milliard d'euros sur les dix prochaines années.

Interrogé par le Financial Times, le GCHQ a indiqué qu'il ne parlerait pas de ses relations avec ses fournisseurs technologiques. AWS n'a pas souhaité s'exprimer non plus sur le sujet. Selon Ciaran Martin, ancien directeur du centre de cybersécurité national britannique, ce contrat doit permettre aux services de sécurité « d'accéder à des informations en provenance de volumes très importants de données en quelques minutes contre quelques semaines ou mois auparavant ». L'objectif pour les organismes britanniques serait aussi d'accroître leurs capacités d'analyses de données reposant sur de l'intelligence artificielle.

Des craintes en termes de souveraineté

Ce n'est pas la première fois que des technologies américaines sont utilisées par des services de renseignement en Europe. En France, la DGSI est l'un de ses clients connus qui pourrait bien cependant basculer vers une offre 100% française Athea, née d'une alliance entre Thales et Atos. Au Royaume-Uni, l'accord avec AWS n'est pas sans susciter certaines craintes en termes d'exploitation des données par une société non souveraine, bien qu'AWS n'aurait, dans ce cadre, pas d'accès aux informations traitées sur la plateforme de cloud gérée par les agences gouvernementales anglaises.

« Il s'agit d'un nouveau partenariat public-privé inquiétant, conclu en secret », a fait savoir Gus Hosein, directeur exécutif de Privacy International et expert en technologie et droits de l'Homme. « Si ce contrat est conclu, Amazon se positionnera comme le fournisseur de cloud de référence pour les agences de renseignement mondiales. Amazon doit répondre de lui-même pour savoir avec quels services de sécurité de tel ou tel pays il serait prêt à travailler ». Pas sûr que le géant du cloud américain se montre toutefois très disert sur ses fréquentations secrètes.