La justice américaine a déposé auprès de la Nouvelle-Zélande une requête d'extradition à l'encontre de Kim Schmitz, alias Kim Dotcom, le fondateur du site de téléchargement Megaupload, et de trois de ses collègues, accusés par les Etats-Unis d'avoir constitué une entreprise permettant de pirater en ligne des contenus protégés par copyright. Les quatre hommes ont été arrêtés à Auckland le 20 janvier 2012. La demande d'extradition est arrivée vendredi dernier, a confirmé une porte-parole du Ministère de la justice néo-zélandais. Mercredi dernier, la cour d'Auckland avait décidé que Kim Schmitz pouvait demeurer en liberté sous caution après que les procureurs agissant au nom des Etats-Unis aient fait appel de la décision de le libérer sous conditions. Le juge a déclaré qu'il comprenait que l'audition en vue d'une extradition ne se tiendrait pas avant août et que pour maintenir Kim Schmitz incarcéré pendant six mois de plus dans cette attente, il fallait que le risque de fuite soit réel. La surveillance électronique qui accompagne sa mise en liberté réduit ce risque, estime le juge.

Dans un entretien avec le présentateur John Campbell, de la chaîne néo-zélandaise TV3, Kim Schmitz a réaffirmé jeudi dernier qu'il n'avait aucune intention de quitter le pays et qu'il combattrait les accusations américaines. S'attendait-il à cette situation ? Pas vraiment, répond ingénument le fondateur de Megaupload. Il explique qu'il menait cette activité depuis sept ans et n'avait jusque-là été poursuivi qu'une seule fois. « Nous avons dépensé des millions de dollars en publicité, légalement, et nos conseillers juridiques nous ont toujours dit que nous étions protégés par le DMCA [Digital Millennium Copyright Act, loi américaine destinée à renforcer la protection des contenus numériques], qui prévoit que les fournisseurs de services en ligne ne sont pas responsables des agissements de leurs utilisateurs », a-t-il exprimé. Interrogé sur les origines de sa société, il a expliqué que l'idée lui en était venue après avoir adressé à un ami un fichier trop lourd pour que le serveur de mail puisse le prendre en charge. Pour résoudre le problème, il a donc décidé de créer un serveur sur lequel charger des fichiers qui pourraient être ensuite récupérés par ses amis à partir d'un lien qui leur serait envoyé. « Voilà comment Megaupload a démarré. Il s'agissait simplement d'une solution à un problème qui existe toujours aujourd'hui ».

Une attitude un peu candide...

Lorsque John Campbell lui rappelle que Kevin Suh, senior vice président de la protection de contenu de la MPAA (association de défense de l'industrie cinématographique américaine) l'accusait d'être à l'origine de la plus importante violation de copyright dans le monde, il nie catégoriquement. « Absolument pas. Regardez bien Megaupload. Nous parlons d'un réseau qui fonctionnait avec une bande passante de 1,5 To. Cela représente environ 800 transferts de fichiers par seconde, 24 heures par jour, chaque jour de l'année. Nous sommes une société relativement petite. On ne peut pas s'attendre à que l'on surveille un trafic de cette nature ».

Kim Schmitz évoque par ailleurs les lois de protection de la vie privée qui interdisent d'aller vérifier ce qui se passe dans les comptes des utilisateurs. « C'est comme les mails, c'est privé, nous ne pouvons pas vérifier ce que les utilisateurs téléchargent. Mais c'est pourquoi nous avons nos propres conditions d'utilisation et disons à nos utilisateurs : 'Vous ne pouvez pas télécharger en violation des droits d'autrui, vous pouvez juste télécharger des fichiers qui vous appartiennent...'. Et avant de pouvoir télécharger quoi que ce soit, les utilisateurs doivent accepter ces conditions (...) ». 

Un peu romantique comme vision, lui fait remarquer John Campbell. Bien sûr, tout le monde sait qu'Internet est utilisé légalement et de façon illégale, reconnaît Kim Dotcom. « Je pense que chaque fournisseur de services fait face aux mêmes défis que nous. YouTube, Google, tout le monde est dans le même bateau. » Un peu plus loin au cours de l'entretien, Kim Dotcom reconnaît qu'il a l'impression de servir d'exemple. « Je ne suis pas un criminel », assure-t-il en ajoutant que son site n'a pas été monté pour accueillir le piratage. « Il y a des centaines d'autres sociétés qui offrent les mêmes services que nous. Pourquoi ne leur arrive-t-il rien ? » Il cite alors un site comme Mediafire, basé aux Etats-Unis. Et dans le domaine du partage de fichiers, il nomme encore Rapidshare, Fileserve, Filesonic (*). Et jusqu'à Microsoft et son service Skydrive et Google avec son prochain Drive. Tous ceux qui sont sur le terrain du cloud ont les mêmes problèmes pour combattre le piratage, affirme-t-il. « Mais nous ne sommes pas responsable de ce problème ».

(*) Les sites situés aux Etats-Unis, comme Fileserve, Mediafire et Filesonic, ont maintenant désactivé ces fonctions de partage.