LMI : Quelle information vous a semblé la plus marquante concernant l'IT au fil des trente-cinq dernières années ? 

Claude Molly-Mitton : La disparition du Minitel ? [Rire] En réalité, plusieurs faits m'ont marqué. A l'époque où j'étais journaliste, j'avais réalisé un 52mn pour La Cinquième en 1997 intitulé « La préhistoire du Cybermonde ». L'axe en était la fusion des industries IT-Télécoms-Audiovisuelle. Il y avait notamment une séquence issue de « Les Dossiers de l'Ecran » sur le rapport Nora-Minc, en 1977, qui décrivait déjà bien l'Internet avec l'information disponible en permanence. C'était très précurseur puisque, bien sûr, il n'y avait pas encore de VOD à l'époque. Et, bien entendu, la presse IT, la presse télécom et l'audiovisuel étaient très séparés. Mais aujourd'hui, le rassemblement des trois est devenu ce que l'on nomme le numérique.

Le deuxième fait marquant est la disparition de la boîte noire informatique. Il y a trente ans, l'informatique était une affaire de spécialistes en entreprises. Aujourd'hui, c'est bien plus nébuleux, le grand public est souvent mieux outillé que les professionnels. Dire « ce n'est pas possible » est irréaliste si un utilisateur lambda peut le faire sur son téléphone en quelques secondes. Enfin, le troisième fait qui m'a marqué est que, aujourd'hui, la donnée est au cœur de tout tout le temps et partout. C'est bien plus que la mobilité. Et cet axe-ci, surtout par son aspect ubiquitaire, n'a jamais été anticipé dans la science-fiction, au contraire de l'intelligence artificielle ou même d'Internet.

Et quelle évolution retenez-vous de la presse IT sur ces dernières années ?

Le tournant du business model de la presse IT n'a pas été la disparition du papier mais, auparavant, l'apparition des sites web de petites annonces d'emploi. Ces annonces gratuites ont tué le business model de la presse IT. A l'époque, on achetait beaucoup les journaux IT pour ces petites annonces payées fort chères par les recruteurs. La presse IT a, de plus, évolué comme l'IT. Les grands salons généralistes ont disparu comme la presse IT trop généraliste. On n'attend plus de la presse IT les annonces de nouveaux produits : on les a via Internet.

Qu'attendez-vous de la presse IT, alors ?

D'abord des retours d'expérience, des partages de cas d'usage. Côté technologies, une analyse synthétique critique. Mais, en aucun cas, on ne peut s'intéresser à une presse qui présenterait simplement ce que l'on trouve naturellement ailleurs, à savoir une liste des technologies ou des produits.

Comment accédez-vous à Le Monde Informatique ?

Mes deux voies d'accès principales sont Twitter et Linkedin. Je ne vais jamais spontanément sur le site, simplement parce que je n'ai plus le temps d'aller spontanément sur un site quelconque de presse. Par contre, dans les transports, je passe mon temps sur les réseaux sociaux. Et quand j'ai un problème de réseau, je peux m'envoyer à moi-même par mail un lien. Les mails envoyés par des contacts pour me pointer tel ou tel article -un réseau social manuel en quelque sorte- est d'ailleurs ma troisième voie d'accès. Pour les autres actualités, Google News est ma voie d'accès principale. Mais je ne clique jamais à partir d'une newsletter.

Quelle évolution voyez-vous ou souhaiteriez-vous pour Le Monde Informatique ?

Un super-réseau social IT, orienté usages ! En fait, j'ai besoin d'une aide à décrypter et filtrer les informations utiles. C'est d'ailleurs là le rôle classique des médias. Ce qui manque ou qui devrait être accentué est la détection des signaux faibles. Cela reste le plus dur et est presque le contraire du rôle principal : mettre en lumière au lieu de filtrer.