La survie de la puce Itanium d'Intel tient à un fil. Après plus de trois ans, le fondeur démarre la livraison de la prochaine version - sans doute la dernière - de son processeur, sous le nom de code Kittson. « Pour l’instant, la puce est fournie en test à certains clients, mais l’expédition en masse est programmée plus tard cette année », a déclaré un porte-parole de l'entreprise. Les puces Itanium ont été utilisées dans des mainframes et des serveurs critiques. Mais, Hewlett Packard Enterprise sera probablement un des seuls constructeurs à proposer plus tard cette année des serveurs intégrant Kittson.

La puce Itanium a été vouée à une mort lente et douloureuse, et Kittson enterrera très probablement la série. Les systèmes qui la supportent ont été réduits à la portion congrue et le développement logiciel a marqué le pas. Intel ne regrettera sans doute pas sa fin. Il recherche des marchés plus rentables, tentant par ailleurs de s’alléger de tous les produits qui ne répondent plus à sa nouvelle stratégie. Le fondeur a ouvertement exercé des pressions sur ses clients exploitant des Itanium pour qu'ils passent à des Xeon x86, lesquels dominent plus de 90% du marché des serveurs. Comme l’a déclaré Jim McGregor, analyste principal de Tirias Research, « Itanium est en mode maintenance et il y a peu de chance qu’il aille beaucoup plus loin ».

Concurrencée par le Xeon

Intel a développé Itanium en partenariat avec HP avec pour objectif de remplacer d’anciennes architectures et de concurrencer les systèmes Power d’IBM. La première puce ultra-rapide a été lancée en 2001. Pour Intel, l'architecture Itanium était idéale pour ses futures puces hautes performances. Mais elles n’ont pas eu le succès escompté. Surtout, elles ne pouvaient pas rivaliser avec les performances des serveurs Sparc ou Power. La puce Xeon d'Intel est devenue le plus grand rival d'Itanium, s’imposant massivement sur le marché des serveurs basse et moyenne gamme en croissance rapide.

Intel a logiquement privilégié le développement de sa puce Xeon, lui consacrant davantage de ressources. Quant à la puce Itanium, elle s’est fait connaître pour d’autres raisons. La mort annoncée de la puce a fait la une des médias à partir de 2011, date à laquelle Oracle a décidé d'arrêter de développer des logiciels pour l'architecture, après avoir estimé que celle-ci « était en fin de vie ». Dans la foulée, Microsoft a également cessé d’investir dans le développement de logiciels pour l’architecture Itanium.

HPE supporte Itanium jusqu'en 2025 mais pousse vers Xeon

Intel n'a pas dévoilé de feuille de route pour Itanium au-delà de Kittson. La nouvelle puce succède à l'ancienne série Itanium 9500, nom de code Poulson, dont les livraisons ont démarré au quatrième trimestre 2012. Le seul gros fabricant à utiliser des puces Itanium dans ses serveurs n’est autre que HPE, qui continue à proposer des serveurs critiques tournant avec la puce d’Intel. HPE a rassuré ses clients en s’engageant à supporter Itanium jusqu'en 2025, mais elle les pousse également à basculer vers les puces Xeon. « HPE livrera des serveurs basés sur les nouvelles puces Itanium plus tard cette année », a déclaré, par courriel, une porte-parole de l’entreprise. « Nous mettrons à jour nos serveurs HPE Integrity sous HP-UX pour profiter des améliorations de la puce Kittson au cours du second semestre 2017 », a encore déclaré la porte-parole. HPE offrira un support actif pour Itanium jusqu'en 2025, essentiellement à cause de ses engagements contractuels à long terme avec ses clients. Parmi eux, on trouve beaucoup d’agences gouvernementales qui signent généralement des contrats à long terme avec leurs fournisseurs pour assurer la fourniture et le support de leurs serveurs.  

OpenVMS compatible avec Kittson à partir du 4ème trimestre

Les serveurs Integrity tournent sous le système d’exploitation propriétaire HP-UX basé sur Unix, mais aussi sous Linux et sous OpenVMS. Ce dernier OS sera compatible Kittson à partir du quatrième trimestre, selon une feuille de route récemment mise à jour sur le site Web de VMS Software, qui a la responsabilité du développement de l’OS. « Un grand nombre de clients va probablement sauter l’étape Kittson et passer directement à l’architecture x86, mais l’opération risque de s’avérer coûteuse », a estimé Jim McGregor. Le processus, qui implique le portage du code sur de nouveaux systèmes basés sur l’architecture x86, pourrait prendre plusieurs années.

Certains utilisateurs d'Itanium, notamment les institutions financières qui ont besoin de serveurs puissants pour leurs transactions, ne sont peut être pas disposées à prendre ce risque. « Tôt ou tard, ils devront passer à autre chose », a aussi déclaré l’analyste de Tirias Research. HPE et Dell offrent des services de portage de code pour passer des systèmes mainframe aux serveurs x86 plus récents, mais le processus est complexe et il faut effectuer de nombreux tests pour vérifier la stabilité du code.