Il serait cruel de résumer le Meilleur Développeur de France (MDF), qui se tenait jeudi 12 mars, à un simple concours pour geeks en furie. Si, depuis trois ans, le principe reste inchangé, les 1000 participants installés dans les « piscines » de l’École 42 doivent arriver le plus rapidement au bout de 7 énigmes à grands coups de code dans un temps imparti. Mais force est de constater que l'impact de cet événement sur l'image des développeurs en France ne cesse d'augmenter. Comme l'année dernière, Guillaume Roques, directeur des relations développeurs de Salesforce.com, partenaire historique, et Vincent Klingbeil, directeur associé d'Amnetix, l'organisateur, avaient accordé leurs violons : « Les développeurs devraient être des rock-stars. Des évènements comme celui-ci permettent d'attirer le regard sur l'importance qu'ils ont dans la société d'aujourd'hui ». Mais ils s'accordent tout deux pour dire que la situation est en train d'évoluer favorablement. Et il n'y avait qu'à être présent pour s'en rendre compte.

Outre les 1000 développeurs qui ont réussis à s'inscrire, 1 500 autres étaient encore en short-list le jour même de l'événement, attendant fébrilement de savoir si l'organisation leur trouverait une place et un ordinateur pour pouvoir concourir. Aux côtés des concurrents, l'organisation a accueilli entre deux et trois mille visiteurs venus encourager les développeurs et assister aux conférences qui s'étalaient sur l'ensemble de la journée. 

Les banques veulent redorer leur image

Absentes des éditions précédentes, plusieurs banques et assurances françaises avaient cette fois fait le déplacement, principalement pour gommer leur image de mastodontes dogmatiques et austères. « Non seulement les profils sont rares mais nous devons les convaincre de venir chez nous », a confié Daniel Azais, ‎animateur de la ligne métier systèmes d'information chez Crédit Agricole. Pour lui, les développeurs ont énormément à apporter au monde de la banque qui est en plein bouleversement. Du côté de la Société Générale et d'Axa, le constat est similaire. À noter que ces dernières, tout comme le Crédit Agricole, avait envoyé des équipes se mesurer à la crème des développeurs. « C'est l'occasion de montrer que nous avons aussi des pointures », expliquait-on du côté d'Axa.

Le pouvoir politique est lui-même venu apporter son soutien au MDF et aux développeurs. En coup de vent, Axelle Lemaire, secrétaire d'État chargée du numérique a fait une incursion au MDF. « Les développeurs sont notre avenir, la France a besoin d'eux », a-t-elle lancé sur la scène de l'amphithéâtre de l’École 42. Elle est également revenue sur l'importance des start-ups dans l'économie française et encouragé les jeunes talents présents à persévérer, leur assurant tout le soutien de l'Etat. Pressée de rejoindre le plateau de « On n'est pas couché », elle ne s'est toutefois pas fendue d'annonces concrètes sur ce qui été mis en œuvre dans cette optique. Elle a tout de même fait un tour des stands dans l'euphorie la plus totale, devant batailler avec les sollicitations de selfies incessantes. Thierry Petit juge toutefois que la politique française en matière d’économie numérique s'est largement améliorée ces derniers temps. « Avec Montebourg, nous avions touché le fond. Maintenant, ça commence à ressembler à quelque chose », tranche le fondateur de Showroom Privé et parrain de cette troisième édition du Meilleur Développeur de France. Selon lui, l'écosystème commence à se mettre en place.

« Nous devons être fiers de nos développeurs »

« Regarde tout ce qui se passe ici, c'est génial. Bien sûr que la situation est en train de changer », déclare Thierry Petit, presque euphorique. Selon-lui, c'est grâce à des événements comme celui-là que la condition de développeur est en train de changer. Il reste toutefois critique : « Nous avons de véritables talents en France et il faut les valoriser. Contrairement aux États-Unis, nous ne sommes pas dans un pays méritocratique et c'est dommage. Les développeurs sont encore trop considérés comme de simple techniciens ». Prenant à partie les différents visiteurs du salon, il déclare qu'autour de lui se trouvent peut-être des gens qui créeront des entreprises très innovantes de rang mondial dans les prochaines années. Reste qu'il faut encore les convaincre de rester en France. « Quand il faut choisir entre 120 000 euros de salaire annuel sur le campus de Google à San Francisco et 40 000 dans une banque à la Défense, le choix est vite vu », explique-t-il. Selon lui, la France doit davantage s'investir auprès de ses développeurs et créer des mécaniques fiscales pour leur faciliter la création et surtout l'expansion des start-ups. « Il faut que nous puissions être fiers de nos développeurs », lance-t-il.

Les développeuses ne comptent pas pour des prunes

Et même au sein de la communauté de développeurs, il existe certaines minorités qui aimeraient bien être reconnues à leur juste valeur. « Je pense que c'est comme partout, mais nous sommes peu représentées par rapport à d'autres pays », clame Katia Aresti, membre de l'association Duchess France, qui vise à promouvoir la place des femmes parmi les développeurs. « C'est un métier qui correspond aussi bien aux femmes qu'aux hommes », déclare la développeuse. Toutefois, elle reconnaît qu'il existe aussi des barrières du côté des femmes. « J'ai vu beaucoup de mes copines partir dans des filières autres que l'informatique, pensant que ce n'était pas fait pour elles. Bizarrement, ce sont celles qui ne jouaient pas aux Lego petites », ironise-t-elle. Plus sérieusement, elle conclut que les barrières culturelles doivent sauter des deux côtés.

Aux côtés de toute cette agitation, il ne fallait bien évidemment pas oublier les développeurs qui étaient en train de s'affronter dans l'arène. Et suite à une lutte acharnée, c'est finalement Antoine Leblanc, de l'équipe Criteo, qui l'a emporté. « Je ne pensais pas que je gagnerais, je n'avais pas fini la dernière énigme à la fin du temps réglementaire », clame le principal intéressé en recevant son trophée des mains de Thierry Petit. Il gagne notamment un chèque de 10 000 euros et quelques dizaines de goodies offerts par l'ensemble des partenaires de l'évènement. À en croire Guillaumes Roques, Criteo avait promis de doubler la prime si l'un de ses développeurs gagnait. D'après le sourire indécrochable sur le visage d'Antoine Leblanc, difficile de penser que les développeurs n'ont pas d'avenir.