Microsoft est bien décidé à se battre contre le ministère américain de la justice (DoJ), estimant que la loi qui permet aux juges d’exiger des entreprises technologiques de ne pas signaler les demandes d’accès aux données de leurs utilisateurs par les autorités judiciaires est inconstitutionnelle. La firme de Redmond cherche ainsi à la faire abolir et a porté plainte contre le gouvernement des États-Unis. Mais, la route vers un procès risque d’être longue. Dans le détail, la plainte déposée jeudi devant le tribunal du district ouest de Washington par la firme de Redmond, fait valoir que la loi Electronic Communications Privacy Act (ECPA) imposant aux entreprises de haute technologie de garder le silence sur les demandes d’accès aux données, est inconstitutionnelle en vertu du Premier Amendement. Selon Microsoft, elle enfreint le droit à la liberté d'expression de l’entreprise protégé par cet amendement.

L'éditeur estime également qu'elle enfreint aussi le quatrième amendement qui garantit contre les perquisitions et les saisies non motivées. Un article de la loi ECPA incriminé stipule ainsi que les juges peuvent ordonner à une entreprise de garder le secret sur une demande d’accès aux données s’ils estiment que la divulgation de cette information peut mettre en danger la vie d’une personne, permettre à des criminels de fuir ou compromettre une enquête. « Au cours des 18 derniers mois, les tribunaux ont fait 2576 demandes de ce type à Microsoft, dont plus des deux tiers n’ont pas de limites dans le temps », a déclaré dans un blog Brad Smith, président et directeur des affaires juridiques de Microsoft.

Un risque de mise en danger de la confiance dans le cloud

Selon l’entreprise, cette procédure pose un problème pour l'industrie du cloud. « Cette double action du gouvernement, qui veut avoir accès à toujours plus de données en ligne et demande en même temps que l’on garde le secret sur ces accès, sape la confiance dans le cloud et dans sa capacité à protéger la confidentialité des données. Il porte aussi atteinte au droit à la transparence de Microsoft vis-à-vis de ses clients, un droit garanti par le Premier amendement », a indiqué la compagnie dans sa plainte.

Cette transparence est importante pour le fournisseur de services qui consacre une part conséquente de son activité à inciter les clients à déplacer leurs données vers le cloud. Au moment où la firme de Redmond cherche à convaincre plus d’entreprises à lui confier leurs données, ce droit d’accès confidentiel aux données octroyé au gouvernement américain est susceptible de ralentir l'adoption du cloud. Microsoft n’est pas fondamentalement opposée à ces demandes confidentielles quand elles sont justifiées par certaines situations, mais il demande que la procédure soit limitée. Comme l’a suggéré Brad Smith, le gouvernement peut éviter ce procès en changeant de politique ou en modifiant la loi. Le ministère de la Justice pourrait par exemple limiter l'usage du droit qui lui est accordé par l’Electronic Communications Privacy Act, ou le Congrès pourrait modifier la loi pour limiter l’action du gouvernement.

Pour l’instant, il est difficile de savoir comment cette affaire va évoluer. Il serait « prématuré de croire que Microsoft peut gagner ce procès », a déclaré dans un courriel Jennifer Granick, directrice en charge des libertés publiques au Stanford Center for Internet and Society. De plus, un tel procès pourrait prendre du temps. Il faut parfois des années avant qu’une plainte ne débouche sur un procès, compte tenu des nombreux recours possibles. Il ne faut donc pas s’attendre à une résolution rapide. Contacté par notre confrère, un représentant du ministère américain de la Justice n'a pas répondu à une demande de commentaire.