LMI : 10 mois après votre entrée en fonction, quel bilan tirez-vous de votre prise de fonction dans ce début de quinquennat ?

Mounir Mahjoubi : On peut rappeler ce que l'on a souhaité et ce que l'on souhaite pour la France et ce que ce gouvernement a décidé de faire sur les sujets numériques. En arrivant, le message simple, c'était de dire que l'on souhaite faire de la France un champion du numérique au service des humains. Cela se décline en 4 piliers sur toutes nos actions. Le premier c'est faire un champion économique, faire émerger au sein de notre écosystème de start-ups qui est de plus en plus mature des entreprises qui vont croître rapidement, partir à l'international et grandir. Sur notre écosystème de start-ups, mobiliser sur les zones que l'on peut encore améliorer, notamment celles de la mixité et de la diversité sociale. Et puis si on arrive à développer un écosystème aujourd'hui avec plus de 10 000 start-ups, où on favorise la diversité et la mixité qui est un sujet vraiment urgent, et en même temps que s'occuper d'un groupe de quelques centaines qui elles vont aller plus loin, plus vite à l'export, devenir des entreprises plus grandes qui vont créer de l'emploi et de l'innovation en France, là on va arriver à porter plus loin le projet de la French Tech et l'amener à un niveau d'impact et de performances qui sera le plus souhaitable aujourd'hui. 

Le deuxième pilier c'est celui de la transition numérique des TPE-PME sur lequel on est très en retard, et de l'accompagnement à la numérisation. D'ici quelques semaines nous allons annoncer au niveau national en partenariat avec les régions comment accompagner ces TPE-PME à faire leurs premiers pas numériques. Il n'y a pas d'injonction d'hypertechnologies que l'on veut leur imposer; c'est juste de dire qu'il y a un potentiel, de leur redonner de la capacité à investir, développer leur chiffre d'affaires et grandir grâce au numérique.

Cela se fera avec les CCI, l'apport des clubs informatiques de DSI sur place comme l'Adira, ADN Ouest, La Mêlée ?

Complètement. C'est pour ça que cela prend du temps car c'est un plan collectif avec un objet qui est d'abord de rentrer en contact avec les entreprises, donc cela se passera avec tous les réseaux existants, tous les noms que vous venez de dire, plus les experts-comptables et tous ceux qui travaillent avec les entreprises au quotidien. Deuxièmement ce sera une plateforme qui va à la fois donner des contenus, orienter, montrer ce que l'on fait d'autres entreprises de mêmes tailles, de mêmes secteurs pour leur dire voilà ce que d'autres ont fait, ce que cela leur a coûté et rapporté. Et puis aussi des indications avec qui ils peuvent le faire, en disant et bien voyez dans votre territoire il y a une agence, un prestataire, un service, un indépendant qui peuvent vous accompagner et un fléchage vers les financements existants, des régions et privés.

Mounir Mahjoubi

« L'objectif c'est être capable de dire qu'en 2018-2019, plusieurs centaines de milliers de TPE-PME ont fait leurs premiers pas numériques », annonce Mounir Mahjoubi, secrétaire d'Etat chargé du numérique. (crédit : Alexia Perchant)

Ce plan a-t-il un nom ? 

Tout cela sera annoncé dans les deux prochains mois et l'objet sera d'orienter, de fédérer, de présenter les initiatives apportées et de flécher vers les financements. Si on arrive à faire tout ça, et bien on pourra se dire que l'on aura accompagné ces entreprises. L'objectif c'est être capable de dire qu'en 2018-2019, plusieurs centaines de milliers de TPE-PME ont fait leurs premiers pas numériques. Ce qui est important dans ces annonces c'est que ce n'est pas quelque chose que l'Etat fait seul, et donc c'est important qu'on l'annonce quand on a bien tout avec les régions, les partenaires... On ne peut pas décevoir une fois encore les TPE-PME sur ces sujets là; elles aussi sont dans l'attente. Tout le travail que l'on a fait ces derniers mois c'était de fédérer tous ces acteurs, structurer cette marque, ce projet de plateforme, ces contenus et son financement.

Cette plateforme intègre-t-elle aussi des partages de bonnes pratiques au niveau GDPR ?

Evidemment elle intégrera aussi GDPR et cybersécurité qui est le 4e pilier du plan d'action numérique. On ne peut pas penser l'un sans l'autre. Il n'y a pas de stratégie numérique sans penser RGPD, sans penser cybersécurité, ce sont des conditions du succès. Cela va ensemble et surtout ce n'est pas des oppositions. La cybersécurité et RGPD, ça ne ralentit pas au contraire : cela permet de faire encore plus. Donc c'est comment on accompagne les entreprises à avancer vite sur ces sujets.

Le Monde Informatique a lancé depuis 4 ans France Entreprise Digital, Le Grand Prix de l'Entreprise Numérique, avec les acteurs locaux dont les clubs de professionnels DSI et RSSI pour porter les initiatives numériques innovantes en France. Qu'en pensez-vous ?

Toutes les initiatives qui tentent à favoriser et à structurer une offre de qualité par les entreprises françaises sur le numérique à destination, des collectivités locales, de l'Etat, mais aussi plus globalement du tissu économique, je les soutiens toutes. Je suis certain qu'il y a un enjeu majeur sur la qualité de l'offre.

Le cloud est un élément clé de la transformation numérique, comment inciter les ministères à passer au cloud et plutôt opter pour les solutions françaises portées par Ikoula, Outscale, OVH...

Le cloud ce n'est pas juste de l'hébergement. C'est une nouvelle façon de penser le poste de travail, l'architecture système. Avec le plan annoncé par France Connect et France Connect Platform, on se dirige vers une platformisation des services numériques, y compris ceux utilisés par l'administration, pour nous permettre d'aller vers des architectures bénéficiant vraiment du cloud. Une vraie bonne stratégie cloud public, c'est celle qui démarre d'abord sur repenser son architecture IT, repenser ses usages. Ensuite, une fois que ces usages développés, il faut bien qu'on ait une capacité de cloud de l'autre côté, nécessairement mixte entre ce qui est porté en propre par l'Etat et ce qui est acheté à l'extérieur. L'Etat n'est pas comme tous les acteurs, il a certains jeux et systèmes de données sur lequel la seule confiance que le citoyen peut avoir réside sur le fait que c'est bien l'Etat qui les gère et les protège. Sur les données de sécurité nationale, les Français souhaitent que ce soit l'Etat qui les héberge et les protège avec l'ANSSI qui est l'une des meilleures agences dans le cadre de cette sécurité.

La stratégie cloud sera forcément un objet mixte entre ce qui doit absolument rester en France et ce qui est hébergeable à l'extérieur. On a lancé le premier chantier cloud depuis plusieurs mois sur les besoins de chaque ministère qui doivent réinventer leur architecture. On a un groupe cloud interministériel qui travaille sur ce sujet dont les conclusions seront remises dans les prochaines semaines.

Vous parliez de 4 piliers : économique, numérique...

Toujours sur le pilier économique il y a le sujet de l'intelligence artificielle qui a à la fois un impact économique, et public mais il faut rappeler ce volet IA qui dans quelques semaines va s'incarner dans la remise du rapport de Cédric Villani et, donc, dans la prise de position du gouvernement sur la stratégie française pour l'intelligence artificielle. Sur le sujet économique, la question est celle de l'utilisation de l'IA dans le cadre de nos entreprises et de nos industries. On a besoin d'avoir des offreurs de services IA qui soient à la taille de nos entreprises.

Il y a aujourd'hui un déficit de l'offre par rapport à ces grands géants et aux grands cabinets de conseils qui accompagnent les groupes français. On manque d'une offre européenne et française sur le sujet et on manque d'acteurs de taille moyenne qui serait accessibles en termes financiers à nos PME. Aujourd'hui elles ne peuvent pas facilement se payer une prestation IA pour optimiser leurs processus ou leurs cycles commerciaux. Pourtant dans les 5 prochaines années il y aura des facteurs de compétitivité entres les entreprises, basés sur l'utilisation effective de l'intelligence artificielle. Comment pallier le manque d'offres ? Identifier, favoriser, accompagner. L'IA c'est un sujet qui impact tout le monde, 100% des entreprises à plus ou moins long terme. 

Mounir Mahjoubi

« Pendant plusieurs mois, l'objectif a été d'identifier les sujets qui freinent ces start-ups pour grandir, grossir et aller plus loin. On a déjà 132 propositions, près de 1 500 contributions pour permettre aux AgriTech, FineTech et HealthTech d'avancer », fait savoir Mounir Mahjoubi, secrétaire d'Etat chargé du numérique. (crédit : Alexia Perchant)

Quel bilan tirez-vous de votre tour de France des start-ups ?

Pendant plusieurs mois, l'objectif a été d'identifier les sujets qui freinent ces start-ups pour grandir, grossir et aller plus loin. On a déjà 132 propositions, près de 1 500 contributions pour permettre aux AgriTech, FineTech et HealthTech d'avancer. On commence à avoir une somme que l'on va rendre public. Moi je veux que ce soit tout transparent et collaboratif. On va proposer aux start-ups de venir compléter, que l'on puisse continuer à discuter, que l'on explique ce que l'on va faire, avec quelles administrations et quels sont les enjeux. Parfois des règles sont limitantes, on peut se poser la question de savoir pourquoi elles sont là et dans ce cas on fera évoluer la règle avec l'aide de plusieurs véhicules législatifs comme la loi Pacte qui arrive. Un autre sujet universel, c'est une vraie complexité pour toutes les entreprises du numérique à recruter.

Justement, trouvez-vous l'offre des écoles et universités traditionnelles est aujourd'hui suffisantes ? Ne craigniez-vous pas une fracture de l'offre entre écoles publiques, privées et les nouveaux entrants sur la formation comme Ecole 42, Simplon ? 

Ce qui est certain, c'est que même si on fait la somme de tout cela il nous en manque. Il faut que tout le monde en fasse plus. Aujourd'hui le débat n'est vraiment pas dans la compétition qu'il y aurait entre le privé et le public, mais comment le privé et le public vont faire beaucoup plus.

Cela veut dire des moyens pour le public ?

Vous savez que dans le cadre du Plan Etudiants, l'ouverture de très nombreux sas est prévue dans les années à venir. La grande question que l'on a ensemble avec la ministre de la Recherche et le ministre de l'Education Nationale, c'est de savoir dans quels domaines.

L'objectif c'est d'ouvrir combien de places pour les métiers innovants pour que les entreprises puissent recruter dans ce vivier là et pas aller voir à l'étranger ?

Toute la discussion aujourd'hui, sur la partie publique, est sur ce nombre de places. Il s'agit d'une annonce pour la prochaine rentrée, c'est entre 20 et 30 000 places tous secteurs confondus, pas seulement liés au numérique. J'aimerai qu'il y ait beaucoup d'établissements qui demandent à ouvrir des places pour les aider dans leur financement. Aujourd'hui, certains disent j'ai le foncier, l'espace, les professeurs, si j'avais un financement complémentaire je pourrais accueillir plus d'élèves. Mais d'autres n'ont pas cette capacité. On travaille sur ce sujet avec le ministre de l'Enseignement Supérieur et aussi le ministre de l'Education Nationale car il y a aussi des formations qui sont mixtes, dans les lycées, des formations courtes inférieures à Bac+2. On a besoin de techniciens Bac+2, d'ingénieurs, de chercheurs...

Sentez-vous une impulsion IT particulière des écoles et grandes écoles traditionnelles d'ingénieurs pour répondre à ces profils ?

Aujourd'hui toutes les écoles d'ingénieurs sont en train d'opérer cette transformation numérique. Aujourd'hui un ingénieur diplômé en France que ce soit dans les écoles publiques ou privées, le niveau numérique est très haut. Ce qu'il manque c'est qu'il faut plus d'ingénieurs. Les ingénieurs agro sont aussi parmi les meilleurs numériques, qui savent faire de la programmation, utiliser absolument toute la robotique et l'intégrer. D'ailleurs un ingénieur agro serait mauvais s'il n'était pas un très bon ingénieur IT. Les écoles d'agri se sont transformées très fortement ces 4 dernières années pour intégrer le numérique dans le cursus de base de ces étudiants. Donc ça c'est vraiment un point positif et maintenant il faut s'intéresser à en diplômer plus, et aller plus vite. Après il y a des formations alternatives, vous l'avez dit privées, mais aussi de la grande école du numérique qui forme des profils plutôt à Bac+1 et +2, de techniciens et d'assistants techniciens et qui sont intéressants parce qu'avec cette crise du recrutement, dans ces formations, on peut accueillir des personnes qui ne s'imaginaient pas forcément faire un métier du numérique. Et qui, parce qu'elles sont ouvertes et sans obligation de diplôme pour y rentrer, ne prend en compte que la motivation des personnes faisant l'effort de conquérir le titre. Là, on va diplômer plusieurs milliers de personnes chaque année qui ne s'imaginaient pas travailler dans le numérique. 

Quels types de débouchés pour ces techniciens ?

Des assistants et techniciens réseaux, très important pour les déploiements en cybersécurité vu l'augmentation du risque, il faut des profils de techniciens qui vont les accompagner, pas que des ingénieurs et des chercheurs. C'est aussi le e-commerce qui fait naitre des nouveaux métiers de techniciens back et front office, qui vont upgrader régulièrement, suivre, piloter ces sites pour lesquels on a n'a pas besoin et assez d'ingénieurs. Et d'ailleurs on voit que les entreprises qui y arrivent bien ce sont celles qui se sont dit que face à la crise du recrutement on dit qu'elles allaient se réorganiser, faire des équipes dirigées par un ingénieur à l'intérieur desquelles on va rajouter 5,6,7 techniciens qui vont travailler avec lui et globalement on va augmenter le niveau de compétence de tous pour aller servir les clients. C'est la seule option possible aujourd'hui si on veut se déployer très vite et vu le manque d'ingénieurs. 

Sur ces sujets-là, dans les prochaines semaines, on va annoncer, avec la ministre du Travail, une accélération du financement et de l’accompagnement de ces formations courtes sur les métiers du numérique parce qu'il y a un besoin d'un impact fort et immédiat de plusieurs milliers de place de formations, c'est très important. Une autre façon de répondre sur le sujet du capital humain, c'est au niveau du recrutement des talents étrangers. Aujourd'hui il faut que cela soit plus facile de recruter des talents numériques étrangers.

D'où le visa French Tech...

C'est le visa French Tech mais il faut aller encore plus loin et plus vite.

Mounir Mahjoubi

« Syntec Numérique, France Digitale, les start-ups elles-mêmes, la French Tech en tant que réseau : tous, dans les prochaines semaines, on va travailler ensemble pour avoir des chiffres collectifs sur ces besoins de recrutements à l'étranger sur des profils en tension », annonce Mounir Mahjoubi, secrétaire d'Etat chargé du numérique. (crédit : Alexia Perchant)

C'est quoi l'étape d'après ?

Aujourd'hui quand un étranger postule à une offre française, et qu'une entreprise française veut le recruter, elle doit faire un dossier où elle explique pourquoi elle recrute un étranger qui n'habite pas encore en France et qui n'est pas encore en France. Pour que la procédure soit rapide, il faut que ces métiers soient identifiés comme des métiers sous tension. L'étape d'après c'est que les métiers du numérique ont une spécificité c'est qu'ils changent très vite et qu'ils n'ont jamais le même nom, et que le droit de recruter une personne de nationalité étrangère est aussi basé sur les métiers en tension. Or ces métiers en tension sont sur une liste fixe, définie où il n'y a pas certains métiers du numérique. Par exemple aujourd'hui les analystes-programmeurs peuvent prendre plein de nom : développeurs front et back office, full stack, DevOps... Le sujet c'est que ces noms là sont tous très différents et que lorsqu'il arrive ensuite auprès du fonctionnaire chargé de donner l'autorisation de recrutement, il peut se dire qu'il n'est pas forcément sur sa liste. On est sur un vrai travail d'identification des emplois vraiment en tension en ouvrant cette définition à la réalité économique des entreprises. Par exemple un expert trilingue, webmarketing et spécialiste des marketplaces cela ne ressemble pas à un métier sous tension, pourtant c'est extrêmement dur de les recruter en France. Et nos start-ups internationales qui ont décidé de rester basées en France ont besoin de ces profils. Si on veut conquérir d'autres continents depuis la France, comme le font les grandes entreprises de l'innovation à l'étranger, il faut que l'on ait plus d'étrangers qui y travaillent.

Quels sont les objectifs de recrutements à l'étranger sur des profils en tension ? Combien en manque-t-il ?

Aujourd'hui c'est ça qui est intéressant, on a réussi à mobiliser ensemble tous les professionnels du secteur en étant capables de définir ensemble les besoins en recrutement. Ca je peux vous le donner en exclusivité, ce sera une des recommandations issues du tour de France des start-ups, il faut que l'on ait une capacité à voir régulièrement les besoins de recrutement des starts-ups qui elles ne sont pas vraiment organisées, et Syntec Numérique n'intègre pas tous ces chiffres là. Donc Syntec Numérique, France Digitale, les start-ups en elle-même, la French Tech en tant que réseau, tous, dans les prochaines semaines, on va travailler ensemble pour avoir des chiffres collectifs sur ces besoins de recrutements. Les objectifs c'est former plus, et attirer plus ceux de l'étranger en rendant plus facile la procédure de recrutement. Le pass French Tech a été un accélérateur mais est limité aux endroits où il est développé, dans les métropoles French Tech. Or dans les métiers du numérique aujourd'hui il y a une telle demande qu'il faut qu'on aille encore plus vite.

Mounir Mahjoubi

« Aujourd'hui on est dans une grande discussion sur la filière cyber française et la filière cyber européenne. Avec l'idée de comment on fait pour développer à la fois sur le territoire national un vrai tissu d'écosystème d'entreprises de cybersécurité de petite taille qui font du service à disposition des TPE-PME françaises », explique Mounir Mahjoubi, secrétaire d'Etat chargé du numérique. (crédit : Alexia Perchant)

Je voulais vous faire réagir sur le commentaire de Jean-Noël de Galzain, président d'Hexatrust, suite à la nomination de John Chambers en tant qu'ambassadeur French Tech, qui l'a qualifié dans nos colonnes de « ni bonne ni mauvaise nouvelle ». Que pouvez-vous lui dire pour le rassurer ?

La nomination de John Chambers ce n'est pas la stratégie numérique de la France. C'est une pièce en plus. N'oubliez pas qu'on a Business France, monsieur Cagni nommé président récemment, une stratégie de conquête à l'international pour accompagner nos start-ups à acquérir de nouveaux marchés, pour aller attirer les investisseurs étrangers en leur montrant ce que la France est en train de faire, en leur expliquant le nouveau contexte, en présentant toute l'innovation qu'il y a sur le territoire et la capacité qu'ont les entreprises à innover. C'est avec Business France que l'on fabrique tout cela. Et au sein de toutes ces actions, on a décidé d'avoir un ambassadeur de la French Tech dont le rôle sera de créer encore plus d'attractivité depuis l'étranger vers la France pour montrer qu'elle a changé. John Chambers est un passionné de la France, un expert reconnu, qui connait particulièrement notre écosystème et qui avait envie de dire à tous ses écosystèmes d'investisseurs et d'entreprises étrangères le regard qu'il avait lui sur la France et la French Tech.

Pour autant on ne peut pas être uniquement dans un mode wait and see ? Il y a quand même une attente : Comment se traduit-elle ?

L'attente, elle n'est pas sur John Chambers, il faut qu'elle soit sur moi, sur Business France et sur ce que l'on est en train de faire.

Vous n'allez pas mettre le poids numérique de la France sur les épaules de John Chambers, j'ai bien compris, mais au-delà du symbole il faut aussi des actes.

On n'a pas nommé John Chambers, c'est une mission bénévole qu'il porte. Peut être pouvez-vous lui laisser le temps d'avancer sur le sujet, il a été nommé il y a à peu près moins d'un mois. Son objectif c'est de façon régulière, organiser des réunions, rencontrer des experts, donner de la visibilité à tout le travail que l'on fait en France auprès des investisseurs étrangers et il travaille de façon très proche avec monsieur Cagni, puisqu'ils se connaissent bien, pour pouvoir favoriser cette nouvelle image de la France à l'international.

Comment donner du volume et du corps aux start-ups françaises de la cybersécurité regroupées dans Hexatrust, récemment allié avec CloudConfidence. Cela ne suffit sans doute pas pour donner une ambition, une échelle, une posture internationale comme a pu récemment l'expliquer le PDG d'Orange Cyberdéfense, Michel Van Der Berghe. Peuvent-elles bénéficier de leviers étatiques, de financements je pense notamment au plan innovation géré par Bpifrance ? Concernant ce plan innovation, on aurait pu s'attendre à un peu mieux ?

Sur le sujet des aspects économiques de la cybersécurité, ce que l'on a lancé, et monsieur de Galzain et monsieur Van Der Berghe pourront vous le confirmer puisqu'ils font partie des discussions, c'est qu'aujourd'hui on est dans une grande discussion sur la filière cyberfrançaise et la filière cybereuropéenne. Avec l'idée de comment on fait pour développer sur le territoire national un vrai tissu d'écosystème d'entreprises de cybersécurité de petite taille qui font du service à disposition des TPE-PME françaises. C'est le premier échelon, on en a besoin, c'est une urgence, notamment dans le cadre du plan transformation numérique des TPE-PME: on a besoin de plus d'acteurs. Aujourd'hui, on a quelques centaines d'entreprises, il nous en faudrait quelques milliers, des entreprises de 1 à 10 personnes, qui font du conseil et à un prix accessible à une PME qui peut leur acheter une prestation. Aujourd'hui, si je suis une PME de 10 personnes je ne peux pas me payer Orange Cyberdéfense. Par contre je peux trouver, dans des territoires comme la Bretagne, des consultants spécialisés.

Vous ne prenez pas l'exemple de la Bretagne par hasard, elle est très avancée sur ce sujet...

Extrêmement avancée. La Bretagne bénéfice du fait qu'ils ont saisi le sujet il y a longtemps et qu'il y a des anciens de la cyber. D'autres régions ne sont pas aussi avancées mais font de la cybersécurité un axe stratégique aussi. Si vous regardez la région Aquitaine il y a aussi un écosystème cyber qui est en train d'émerger et de façon très importante et c'est très intéressant. Autour de Montpellier on a quelques nouveaux acteurs internationaux qui émergent et ça c'est très positif.

Ensuite comment sur la cyber nos acteurs de taille petite et moyenne peuvent encore plus aller conquérir l'international. Et là se posent plusieurs questions : de leur financement, de leur visibilité et de leurs relations avec les plus grands acteurs comme les géants mondiaux Atos et Thales. Orange c'est un petit géant de la cyber mais est en train de devenir un gros au niveau européen. Aujourd'hui dans les discussions que l'on a sur cette structuration de la filière et sur son animation, la question n'est pas que sur l'argent. Vous m'avez la question que sur l'argent, eux leur question n'est pas que sur l'argent mais sur les ressources humaines, le recrutement, l'accompagnement à l'international... Aujourd'hui il se trouve que sur la cyber on a une opportunité à jouer pour la France et pour l'Europe, face à des offreurs étrangers notamment américains, chinois, russes, israéliens, il y a beaucoup de pays dans le monde qui souhaitent une offre française ou européenne. Qui se disent il y a le niveau technologique qui est important - il se trouve que le notre est très bon - mais il y a aussi le niveau de confiance et de valeur. Et sur ces niveaux de confiance et de valeur, il se trouve que les entreprises françaises et européennes correspondent à un ensemble de confiance et de valeur à celui attendu par d'autres pays dans le monde. C'est important qu'on le dise haut et fort à l'international. Au dernier FIC cette année, on n'a jamais vu autant d'entreprises présentes, d'étrangers présents : on arrive à un momentum où investisseurs, entreprises et gouvernements vont pouvoir accélérer les choses.

Mounir Mahjoubi

A propos des cryptomonnaies : « Ce n'est pas interdire à tout prix, c'est de s'assurer que cela participe à une bonne efficacité économique globale », a expliqué Mounir Mahjoubi. (crédit : Alexia Perchant)

Au FIC, il a aussi été annoncé 800 postes de cyberpoliciers et cybergendarmes sur un effectif de 10 000, un budget de l'ANSSI coincé à 70-80 millions d'euros par an, 4 000 cyberdéfenseurs contre un objectif de 13 500 en Allemagne à terme... Les moyens semblent encore modestes ?

L'ANSSI est une administration en croissance en termes de dépenses et de recrutements. Son budget a progressé, la croissance du rôle de l'ANSSI est reconnue; dans le budget pluriannuel qui a été travaillée, elle a aussi été reconnue. Les 800 cyberpoliciers ne sont pas les seuls qui traitent du sujet cyber. Au sein de la Police Nationale et de la Gendarmerie Nationale, on a des pôles d'expertise cyber et surtout un réseau territorial.

Au C3N, centre de lutte contre les criminalités numériques à Cergy, ils se plaignent du manque de ressources...

Oui, mais c'est le cas aussi de la police de proximité, de la police anti-terroriste... On est dans un moment de tension de sécurité tellement important que l'on pourrait toujours faire plus mais après on avance en milieu contraint. La réalité de gouverner un pays, c'est de se dire que l'on ne peut pas mettre plus tout le temps partout. La question c'est celle des arbitrages, et on a arbitré en mettant plus d'accélération de moyens sur les sujets cyber et numériques. Dans nos arbitrages, on a montré l'importance qu'on avait donné à ces sujets.

Vous avez évoqué les piliers économique, transformation numérique, et cybersécurité. Quel est le dernier ?

Le dernier, le troisième en fait, c'est l'inclusion numérique. Comment accompagner les 13 millions de français qui ne savent pas utiliser le numérique, les 45% de Français qui disent que c'est dur pour eux ? Si on ne les accompagne pas, ils n'utiliseront pas tout ce que l'on aborde et, pire que ça, ils vont entrer en résistance en disant que ces outils sont dangereux. Nous sommes à la fin de la phase 1 de ce bilan, avec les conclusions des groupes de travail et avant un plan d'action construit par département d'ici juin. On espère que ces plans pourront être actionnables tout de suite, avec des tests dans 3 à 4 départements avant une généralisation.

Un sujet très important aussi, le rôle que doit jouer la France - il y a une mission parlementaire en cours - dans la réglementation des cryptomonnaies. Faut-il interdire l'achat, le trading de ces cryptomonnaies ? 

Il y a la mission parlementaire blockchain et il y a aussi la position du régulateur qui a fait des propositions sur ce sujet. La philosophie elle est simple, l'objet ce n'est pas interdire à tout prix c'est de s'assurer que cela participe à une bonne efficacité économique globale. Que les parties les plus faibles ne se font pas arnaquer, mais que tout le monde puisse en tirer les bénéfices si c'est souhaitable pour la société. Et se pose aussi la question de la participation au bien commun, c'est à dire que comme tout flux financier de valorisation du financement de l'investissement, il faut qu'il soit mesuré et qu'il puisse y être prélevé un impôt quelque qu'il soit sur les sujets. La question, c'est celle de la normalisation de l'utilisation des cryptomonnaies. Vous savez que dans la loi Pacte il y a eu des propositions faites sur les ICO, la question de la blockchain utilisée par l'Etat avec la direction du Trésor qui a fait une émission limitée de bons en blockchain pour lui permettre d'acquérir une compétence et une expertise sur ce sujet.