« Même les ordinateurs les plus puissants ont leurs limites, et la façon dont ils traitent les calculs conduit invariablement à des erreurs d'arrondi » admet Arnault Ioualalen, directeur général et en charge de la R&D de Numalis. Initialement axée sur la correction des erreurs de calcul des ordinateurs et la validation de codes pour les systèmes embarqués critiques, la start-up, fondée en 2015 après un peu plus de deux ans de recherche, fournit désormais des outils et des standards ISO pour valider les calculs des algorithmes d’IA et multiplier leur précision tout en augmentant les performances. Et pour pousser sa solution sur le marché, la jeune pousse Montpelliéraine vient de boucler un tour de table de 5 millions d’euros auprès d’un groupe d'investisseurs comptant le fonds Definvest du ministère des Armées (géré par Bpifrance), 115K - le fonds de venture capital de La Banque Postale - MBDA et Safran Corporate Ventures.

La start-up, qui a rejoint le cercle des deeptech françaises, travaille à l’adoption de l’IA dans des domaines clés tels que le transport (aéronautique, spatial, ferroviaire, automobile), la défense, la santé ou même la finance et a su s’attirer les faveurs d’investisseurs directement liés à ces secteurs plus exigeants en matière de sécurité. Numalis précise que « de grands noms de l’industrie française, sensibilisés aux enjeux économiques, de fiabilité, et de souveraineté, font déjà confiance » sans toutefois donner de nom. Pour Alexandre Lahousse, chef du service des affaires industrielles et de l’intelligence économique à la Direction Générale de l’Armement (DGA) : « L’intégration progressive de l’IA par la DGA dans certains équipements livrés aux forces impose d’accompagner cette évolution par des solutions de supervision et de contrôle des algorithmes garantissant leur intégrité. Numalis concentre toutes les qualités que le ministère recherche en cette période charnière pour répondre à cette nouvelle étape dans la numérisation du champ de bataille ». En parallèle, elle indique qu’elle s’adresse également aux PME à travers une palette de solutions disponibles en SaaS et sur site.

Tester la robustesse et l’explicabilité d’une IA

Son outil, baptisé Saimple, propose de tester la robustesse d’une IA (son bon fonctionnement, et la justesse des résultats) ainsi que l’explicabilité de cette IA (que le résultat soit donné pour les bonnes raisons). La solution de Numalis « s’inscrit en opposition avec les méthodologies statistiques, qui évalue une IA sur des points, et qui ont donc une fiabilité limitée », précise la start-up. Elle ajoute que « les IA ciblées sont les réseaux neuronaux, les supports vecteurs machines et toutes les technologies apparentées au deep machine learning ». À noter que les IA génératives n’entrent pas encore le spectre de Numalis pour la raison suivante : « les NLP (Natural Language Processing) sont empruntes de subjectivité, ne serait-ce que par l’usage, les réponses et leur formulation ». Numalis précise travailler à l’évaluation de ces IA de manière objective et scientifique.

S’ouvrir à l’international et répondre au futur IA Act

Avec ce financement, Numalis compte investir dans sa R&D et accélérer son déploiement à l’international. Pour Arnault Ioualalen, « cette levée de fonds est une étape importante de notre développement. Notre solution a démontré son efficacité et nous avons maintenant les moyens d’accélérer notre présence sur le marché et transformer notre leadership technologique en succès commerciaux. Le développement dans l’Hexagone et en Europe, figure de proue en matière d’encadrement du numérique, reste notre priorité pour l’année 2024. Nous sommes également attentifs à d’autres marchés, notamment l’Amérique du Nord et l’Asie qui restent à ce jour les premiers moteurs de la croissance du marché de l’IA et nous comptons profiter de cette étape importante pour adopter et consolider une véritable approche transversale du marché ».

La jeune pousse se positionne également en tant qu’acteur de référence en matière d’élaboration de standards pour l'IA, au niveau européen et international. « Ces normes serviront de base à la future réglementation européenne sur l’intelligence artificielle, IA Act, qui devrait être finalisée d'ici à 2025 » précise la start-up. Pour mémoire, ce cadre vise à encadrer le développement et l'utilisation des systèmes d'IA au sein de l’Union européenne. Les députés européens ont approuvé le 14 juin dernier ce projet de régulation européenne. La prochaine étape s’avère être plus compliquée ; il s’agit de négocier avec les Etats membres pour finaliser le texte.