Getlink, qui opère l'infrastructure d'Eurotunnel, a souhaité en 2022 migrer son système SAP ECC ancien vers S/4 Hana Rise sur Microsoft Azure. Un projet qui vient tout juste de passer en production, en septembre 2023 après 18 mois de travail avec le prestataire spécialisé Pasàpas, entité du cabinet Talan. Objectif pour Getlink ? Fournir une plateforme iso-fonctionnelle, mais plus moderne à ses équipes support (DAF, RH, etc.) et réaliser une revue complète de ses processus à cette occasion.

« Notre activité, c'est du transport très bas carbone, précise Frédéric Riga, chief digital officer du groupe, en charge des équipes IT. Mais finalement, c'est aussi de proposer des solutions les plus simples possibles à nos clients. Et de la même façon que nous avons investi dans le digital, par exemple, pour retrouver la fluidité à la frontière britannique après le Brexit, nous avons voulu simplifier le travail de nos équipes internes. »

Une plate-forme SAP vieillissante

Jusqu'en 2022, l'entreprise était équipée des solutions ECC EhP5, BW 7.0 et CRM7.0 de SAP dans une même instance, sur des systèmes HP UX on premise. Un système SAP PI assurant les interfaces. Des moutures plus que vieillissantes, incompatibles avec le format unicode, par exemple. Getlink a donc décidé de migrer vers SAP S/4 Hana 2020 SPS03 et SAP BW S/4 Hana Rise with SAP hébergé par Microsoft Azure. Il a remplacé tout le système PI, constitué de quelque 150 interfaces, par SAP Business Technology Platform integration suite (BTP).

En revanche, Getlink a décidé de conserver son CRM tel quel dans le cadre de cette première migration, car l'outil a un rôle critique pour le groupe. « Le périmètre de fonctions couvertes chez nous par SAP va des classiques order-to-cash, purchase-to-pay ou close-to-disclose, décrit Frédéric Riga, jusqu'à des éléments plus exotiques comme Health-and-safety, en passant par la paye. Cette dernière induisant d'ailleurs des difficultés liées à la confidentialité des données entre autres. »

Pas question pour autant de bascule brutale de l'ensemble du système. Le groupe a opté pour une transition progressive. « Avec des étapes les plus 'petites' possible, raconte le CDO, ponctuées d'états stables, dans le cadre desquels le système continue de fournir un confort correct aux utilisateurs et à l'informatique. » Le projet a été divisé en deux grandes phases : une migration technologique en 3 étapes successives d'ECC, puis de BW, puis du CRM - qui reste à réaliser - , et une optimisation fonctionnelle également progressive. « Nous avons confié la conversion vers les nouvelles moutures de SAP à Pasàpas, précise Frédéric Riga. Mais c'est nous qui avons défini le projet, géré les interfaces, réalisé les tests et accompagné le changement, avec l'aide d'un réseau de prestataires. »

Une interruption de 10 jours

Pour démarrer, Pasàpas a d'abord réalisé une photo de l'ECC de Getlink en l'état et l'a converti sous forme de bac à sable. Durant ce travail, le groupe a gelé toute modification par l'informatique de son application. « Notre prestataire a réalisé de premiers tests de non-régression sur ce prototype déconnecté du système de production, détaille le CDO. Il a ensuite corrigé les scories, réalisé des conversions vers un environnement de test, un environnement de qualification. » En parallèle les équipes IT de Getlink ont réécrit les interfaces et exécuté des tests de non-régression (TNR) sur l'environnement de qualification, cette fois, connecté à l'écosystème. Puis, de nouveaux TNR ont été nécessaires avant de passer à la phase de conversion vers le système de production. « Cela a imposé de rendre celui-ci indisponible durant 10 jours, insiste Frédéric Riga, sous les murmures, entre admiration et incrédulité de la salle. Nous avons donc éteint l'ancien système, sans allumer immédiatement le nouveau. Ce n'est pas complètement anecdotique dans une activité comme la nôtre ! »


« Nous avons opté pour une migration progressive, avec des étapes les plus 'petites' possible, précise Frédéric Riga, Chief digital officer de Getlink. Ponctuées d'états stables dans le cadre desquels le système continue de fournir un confort correct aux utilisateurs et à l'IT. »  (Photo ED)

Mais le jeu en valait la chandelle, selon le CDO. « Il a fallu préparer cette interruption avec une analyse fine, impact par impact, processus par processus. Avec, pour chaque impact, une définition précise du mode dégradé acceptable. Nous avons aussi défini avec une granularité fine la façon de redémarrer après le déploiement de la nouvelle version. Et finalement, nous disposons maintenant d'une forme de plan de continuité d'activité, en cas d'attaque cyber ou de panne par exemple. »

Profiter d'une mise à jour pour passer dans le cloud

Le CDO partage cependant aussi sans langue de bois les difficultés rencontrées durant ce projet planifié pour durer moins d'un an, et qui s'est finalement étiré sur 18 mois. « Il y a des écarts entre la théorie et la pratique », résume Frédéric Riga, avant de décrire deux des obstacles majeurs qu'il a rencontrés. Lors de son travail de cartographie, Pasàppas a ainsi découvert un module appelé Hercules, développé par SAP France en 2006. Intégré dans la solution installée chez Getlink, il n'avait jamais été décommissionné bien que n'étant plus utilisé. Or, il ne supportait pas la migration vers S/4 Hana. Les deux partenaires ont dû retrouver les compétences idoines pour procéder au décommissionnement.

« Plus ennuyeux, se souvient le CDO, au tiers du projet, nous nous sommes rendu compte que notre BW 7.0 qu'on voulait laisser en l'état n'était pas compatible avec le S/4 Hana cible. Coup de tonnerre, puisqu'il allait falloir passer à BW 7.5. » Le groupe n'a cependant pas voulu dévier de sa démarche misant sur des étapes successives et inclure cette évolution dans le cadre de sa migration vers S/4 Hana. « Nous avons préféré suspendre temporairement le projet principal et nous occuper de BW7. » La migration de l'ECC a repris ensuite. Mais Pasàpas a proposé à Getlink de profiter de cette évolution pour passer d'une base Oracle à une base Hana, et du on premise à Azure. « L'ensemble a demandé 5 mois, ce qui est plus que raisonnable, estime le CDO du groupe. En tout et pour tout, il nous a donc fallu 18 mois pour opérer notre transition SAP. C'est plus long que prévu - nous avions projeté moins d'un an -, mais nous avons optimisé BW au passage. »