Avec la croissance rapide des datacenters et l’augmentation de la demande en puissance énergétique, Pablo Ruiz-Escribano, vice-président senior de la division Secure Power & Data Center, évoque l’impact de la transition vers des racks refroidis à l’eau, qui nécessite une gestion accrue de la densité énergétique, ainsi que l’importance de partenariats stratégiques, comme celui avec NVIDIA, pour ajuster les infrastructures aux besoins des nouvelles technologies.

Le Monde Informatique: Qu’est-ce que cela change, en termes d’alimentation électrique, de passer de racks refroidis à l’air à des racks refroidis à l’eau ?

Pablo Ruiz-Escribano: Au final, cela n’impacte pas fondamentalement la manière d’alimenter les racks : l’architecture change un peu, mais les produits utilisés restent globalement les mêmes. La vraie différence, c’est que la densité est beaucoup plus élevée dans les racks refroidis à l’eau, donc il faut davantage d’équipements pour fournir cette puissance. 

Avez-vous assuré la fourniture complète de l’infrastructure d’alimentation électrique du site de Star Campus à Sines ?

Oui, nous avons fourni l’ensemble de la solution d’alimentation, incluant les onduleurs (UPS) et les batteries sur le site de Star Campus à Sines. Cela comprend également les équipements de moyenne et basse tension, les jeux de barres (busbars), ainsi que tout le câblage jusqu’aux racks. Nous avons aussi livré les systèmes de gestion : l’IPMS (Intelligent Power Monitoring System) pour la supervision énergétique, et le BMS (Building Management System) pour la gestion du refroidissement. 

Avez-vous la capacité industrielle de répondre à toutes les demandes dans les délais ?

Pour l'instant, nous n'avons pas de problème de capacité de production. Nous travaillons en étroite collaboration avec les opérateurs et autres partenaires pour avoir une visibilité sur leur pipeline. Cela nous permet d'investir en amont dans la capacité de fabrication, comme récemment à Barcelone et à Conselve, en Italie. Grâce à des discussions ouvertes avec les acteurs clés et à des engagements à long terme avec nos clients, nous pouvons mieux planifier nos investissements.

Le fait que Nvidia sorte régulièrement de nouvelles configurations augmentant la consommation électrique oblige-t-il à ajuster votre R&D et votre façon de concevoir ?

Ce n'est pas tant un changement, mais plutôt une adaptation. Nous travaillons en étroite collaboration avec Nvidia pour répondre à leurs demandes. Ces partenariats sont cruciaux pour développer des produits adaptés aux besoins du marché. Par exemple, avec les nouvelles puissances annoncées, nous devons concevoir des racks, des points de connexion et des serveurs spécifiques. Cela implique de repenser l'infrastructure et de travailler sur l'efficacité énergétique. Quant à la densité électrique, nous avons des standards stricts, tant aux États-Unis qu'en Europe, qui garantissent la sécurité. Lors de la conception, nous intégrons également des mesures de protection pour les opérateurs et les équipements, comme l'absence d'arc électrique lors de la manipulation des batteries, ce qui est essentiel pour la sécurité de tous.

Pourquoi la péninsule ibérique représente-t-elle une opportunité aussi importante en termes d'équipement pour les datacenters ? Qu'est-ce qui la distingue des autres marchés européens ?

La péninsule ibérique se distingue par un mix énergétique largement décarboné, une excellente connectivité transcontinentale et un coût de l’électricité plus bas, notamment grâce aux énergies renouvelables. Ces atouts attirent les géants du cloud comme Microsoft et Google, en quête de durabilité. Contrairement aux marchés traditionnels d’Europe du Nord déjà saturés, l’Ibérie part d’une base plus faible, ce qui explique une croissance rapide. Pour Schneider Electric, il s’agit d’un marché stratégique, combinant forte demande, disponibilité foncière et conditions économiques favorables.

Qu’est-ce qui vous distingue concrètement de vos concurrents après ces quatre années de collaboration avec Star Campus ?

Ce que nous apportons, c’est une culture de collaboration ouverte, on travaille avec des standards ouverts, on favorise l’intégration avec d'autres systèmes  y compris open source, contrairement à d'autres acteurs plus fermés ou propriétaires. Cela permet une grande flexibilité. Nos solutions sont à la fois standardisées et personnalisables. On a des usines capables de produire du “engineering to order”, c’est-à-dire de concevoir des équipements sur mesure selon les besoins spécifiques du client. Cette capacité d’adaptation est un vrai atout.