La semaine dernière, lors d’une interview accordée à CNBC pendant le salon IFA de Berlin (31 août au 5 septembre), le président de la division Mobile de Samsung, DJ Koh, qui ne se prive pas d’évoquer le projet de smartphone pliable du constructeur dès qu'il en a l'occasion, a quasiment annoncé que des détails sur un premier modèle seraient disponibles avant la fin de l'année. Selon CNBC, DJ Koh « a laissé entendre que Samsung pourrait livrer plus d’informations sur l'appareil dès novembre lors de la Samsung Developer Conference de San Francisco ». S’il s'est abstenu de divulguer la date de commercialisation du futur mobile, celui-ci a quand même déclaré que le développement du mobile était « presque terminé ».

Si l’on comprend bien ces propos assez vagues, Samsung pourra sans doute montrer un aperçu du terminal, mais n’envisage pas de véritable lancement. Il est plus que probable que celui-ci sera présenté comme prototype. Et il n'a peut-être même pas de nom. Mais ne vous y trompez pas : Samsung est déterminé à annoncer le premier téléphone vraiment pliable du monde. Et ce, pour une seule et unique raison : pas parce que le monde en a besoin ou même envie, mais parce que l’entreprise veut être la première à faire cette annonce.

Le premier à tout prix…

Le mois dernier, le même DJ Koh a déjà annoncé au monde entier que Samsung lancerait son téléphone pliable le plus tôt possible, pour ne pas perdre le titre de « premier au monde ». Lancer un produit quel qu’il soit uniquement pour être le premier ne donne pas vraiment confiance, surtout quand on parle de technologie de pointe et qu’en plus la demande pour le produit ne semble pas très forte.

 

ZTE a déjà essayé, sans succès, de lancer un téléphone pliable, mais il semble que sur le mobile de Samsung, l’écran lui-même est pliable. (Crédit : Florence Ion)

Oui, nos smartphone sont déjà très gros : la taille du Note 9 de Samsung dépasse les 16 cm, le prochain iPhone XS Max d'Apple atteint 6,5 pouces (16,5 cm), et le Pixel 3 XL pourrait dépasser les 6,7 (17 cm). On est déjà à la limite de ce qui peut tenir dans une poche. Alors, Samsung, Huawei, et d'autres s’orientent vers des mobiles pliables pour proposer des téléphones plus grands sans qu’on ait besoin d'un sac pour les transporter. En soi, l’objectif est assez noble. Et l’on ne peut pas passer son temps à débattre de l’utilité d’avoir ou non des mobiles toujours plus grands. Mais, dans ce cas, il faut faire de son mieux. Il va être difficile de réduire la taille de la lunette, et il faudra éventuellement inventer un nouveau type de facteur de forme. Dans le genre, la solution du pliage semble être assez prometteuse pour résoudre ce problème. L'an dernier, ZTE a bien lancé, sans trop de succès un téléphone pliable, l'Axon M. Mais le prochain téléphone de Samsung pourrait bien avoir un véritable écran pliable.

Néanmoins, concevoir un produit pour répondre à un objectif ou à un besoin, c’est très très différent de concevoir un produit pour battre tout le monde sur la ligne d’arrivée. Rogner sur les dépenses, faire des compromis a forcément un impact sur le résultat final. D'ailleurs, cette volonté obsessive de Samsung à vouloir être le « premier » a rarement suscité l’engouement des utilisateurs. Dans le genre, et pour Samsung, on peut citer la smartwatch Galaxy Gear, très mal conçue et déconcertante, le Galaxy Note original, combiné monstrueux très limité sur le plan applicatif, le Galaxy S6 Edge, hors de prix, plein de bogues, et bourré de fonctionnalités obsolètes au bout d’un an. Samsung se vante d’avoir été le premier à sortir ces produits, et ne manque pas de le rappeler dès qu'il en a l'occasion. Évidemment, si Samsung dévoile son premier téléphone pliable plus tard cette année, le constructeur est assuré de faire la une des médias et le buzz qui va avec. Puis, les utilisateurs auront une idée plus précise sur le prix du mobile, probablement au-delà de 1 000 euros. Les premiers tests commenceront à arriver, et les critiques aussi. Alors, parier que des utilisateurs voudront vraiment être les premiers à posséder le premier mobile pliable… C’est un risque que notre confrère ne prendrait pas.

 

Le premier Galaxy Gear était accompagné d’une notice demandant à l’utilisateur d’appeler un numéro d’assistance avant de retourner sa smartwatch. (Crédit : IDG)

Effet boomerang en vue ?

Encore une fois, si être le premier procure beaucoup de fierté, l’avantage peut vite se retourner contre vous. Si Samsung entretient toujours l’image d’un constructeur de mobiles haut de gamme, cette année n’a pas été florissante en terme de ventes. Ni le Galaxy S9 ni le Note 9 n’ont convaincu les acheteurs, et Samsung va avoir du mal à imposer son mobile pliable sur un marché qui n’en a pas exprimé la demande. Certes, la technologie pliable est à la pointe. Mais la probabilité pour que l’expérience tourne au désastre est élevée. Ces questions l'emportent de loin sur la logistique, d’autant que le palmarès de Samsung en matière de technologie de pointe ne permet pas nécessairement de croire que le constructeur a résolu tous les problèmes de manière satisfaisante.

Lors de son interview sur CNBC, en essayant de nous convaincre que Samsung avait couvert ses arrières, DJ Koh a mis en avant toutes les questions que l’on pourrait se poser à propos du futur mobile Galaxy pliable. Par exemple, si l'expérience avec un mobile pliable est identique à celle que l’on peut avoir avec une tablette, pourquoi acheter ce produit ? Chaque appareil, chaque fonctionnalité, chaque innovation doivent adresser un message significatif au client final de sorte que, au moment où il utilisera le produit, il puisse dire : « Super, c'est pour cela que Samsung l'a fait ». Il faut espérer que ce sera le cas cette fois. Parce que, pour l’instant, il semble que la seule motivation de Samsung est uniquement de montrer qu’il sort un mobile pliable parce qu’il est capable de le faire.