- « Le numérique va nous prendre nos boulots »

- « Mais la machine ne sera jamais capable d'être aussi fiable qu'un humain ! »

- « En tout cas, ce n'est pas à 5 ans de la retraite que je vais changer mes habitudes de travail... ».

Cette discussion de 1986 pourrait, par un retour vers le futur, se tenir trente ans après dans la même grande entreprise menacée d'ubérisation, en pleine transformation digitale. Cette chanson-là, les directions informatiques des entreprises l'ont en effet déjà entendue, quand, à la fin des années 80, elles sont venues informatiser les postes de travail. Alors, la mutation numérique actuelle n'est-elle qu'une informatisation de plus, faisant légitimement du DSI le leader de la transformation digitale ?

La différence, c’est qu’entre temps, les métiers ont connu deux révolutions numériques. La première a conduit l’entreprise à créer son site Internet, réalisant, par là-même qu’une DSI n’avait ni les compétences, ni la réactivité d’une agence web. Les métiers ont commencé à prendre de la distance avec leur direction informatique, leur reprochant son manque de « vision utilisateur ». Puis est venue l’ère des média sociaux et des réseaux sociaux, ces plateformes offrant aux entreprises une opportunité de diversification de leur présence sur la toile, avec à la clé, un contact direct avec leurs communautés. De technologique, le web est devenu soudainement un royaume de littéraires, dont le contenu serait roi. Les métiers ont définitivement pris leur indépendance à l’égard des SI.

La troisième révolution numérique, celle des data, apporte aux DSI les arguments pour prendre leur revanche. Longtemps cantonnée en matière d’Internet à la gestion de l’hébergement et de la sécurité informatique, la direction des systèmes d’information a regagné du terrain quand les comités exécutifs ont décidé de s’intéresser à leurs données numériques. Alors que fleurissent les projets big data, DMP (data management platform), PIM (product information management), DAM (digital asset management), CRM… le DSI voit son aura renforcée par ce surcroît de complexité technologique et l’imbrication de ces nouveaux besoins avec le système d’information.

Le DSI, leader logique mais pas stratégique de la transformation digitale 

Mais le DSI n’est pas seul en lice dans la course du leadership digital. Il risque de se frotter au directeur marketing. A l’exception des acteurs qui se sont mis à la vente en ligne, les évolutions numériques de ces dernières années n’ont que peu servi à la mise en lumière du directeur marketing. Et force est de constater que, lorsque les équipes n’ont pas basculé dans le e-commerce, le niveau de compétence web des chefs de produit est proche de zéro. Pourtant, comme le soutient Jean-Paul Aymetti dans son ouvrage Intelligence Marketing, l’enjeu de digitalisation offre au directeur marketing de belles opportunités : « Les changements d’organisation fournissent autant d’occasions au directeur marketing d’affirmer son rôle central pour optimiser l’expérience client, susciter ou valider les innovations et tirer profit des gigantesques mines de données digitales ». Le directeur marketing apporte un nouveau regard sur les données : celui du business-model. Face à la menace d’ubérisation, les data permettent d’imaginer des services inédits facilitant la vie du client. C’est par sa vision client que le directeur marketing pourra tirer son épingle du jeu, orientant par conséquent les projets data management du DSI.

Si le DSI est le leader le plus logique de la transformation digitale, il n’est pas le plus stratégique dans un contexte où les modèles économiques doivent être revisités. L’organisation idéale pour accompagner la mutation numérique verra donc un triumvirat du directeur marketing, du DSI et du directeur digital, le tout animé par la direction générale.