La direction des systèmes d'information du groupe Total emploie 2500 informaticiens et autant de prestataires de service. Elle est structurée autour d'une direction groupe composée de 135 personnes et de directions métiers pour chacune de ses 3 grandes branches : raffinage marketing, exploration production et chimie. La direction groupe assure la coordination des directions métier des systèmes d'information, la délivrance de services transversaux pour les branches, l'anticipation des évolutions stratégiques des systèmes d'information pour répondre aux besoins métiers. Lemondeinformatique.fr: quels effectifs sont embauchés chaque année par la direction des systèmes d'information en moyenne et quels profils? Patrick Hereng : Nous recrutons une centaine de personnes par an, essentiellement des jeunes diplômés, plutôt que des personnes issues de nos prestataires de service par exemple, car nous générons notre futur management. C'est la politique de Total pour tous les métiers. 80% des jeunes recrues ont moins de trente ans. Elles évoluent ensuite grâce à nos dispositifs de gestion de carrières et une politique de mobilité qui conduit à changer de postes tous les trois à quatre ans. Les gens entrent et font carrière chez Total. Le taux de démission y est inférieur à 1%.
Deux tiers des embauches de la DSI concernent des jeunes de niveau bac + 5 ayant des profils généralistes issus d'écoles d'ingénieurs, de commerce ou de l'université. Ce sont les mêmes profils qui peuvent être recrutés par nos branches métier. Dans les deux cas ils intègrent des équipes qui gèrent le déploiement de progiciels de gestion. Ils sont formés pour acquérir une double compétence portant à la fois sur la connaissance de nos métiers et des systèmes d'information. Nous embauchons enfin un tiers d'informaticiens purs. Il nous faut des personnes qui seront capables de piloter les projets techniques dont nous sous-traitons l'exécution et le déploiement. Certains sont parallèlement positionnés comme référents sur telle ou telle technologie au sein de la DSI, comme sur les EAI, les portails, les outils collaboratifs, le knowledge management, etc. Comme les personnes de profils plus généralistes, ils pourront être amenés à évoluer vers d'autres métiers de l'entreprise. Un informaticien de 35 ans n'a aucune chance d'entrer chez Total ? Si. Il aura ses chances sur des postes exigeant des compétences pointues, de type expert en infrastructures. Mais c'est vrai que ce ne sera pas l'essentiel de nos recrutements. Quels sont les grands projets en cours et à venir de la DSI? Nous finalisons certains gros projets issus de la Fusion entre TotalPetrofina et Elf comme l'évolution de notre système d'information avec l'implémentation du progiciel de gestion intégré Sap (Projet Template Europe) dans la branche raffinage marketing au niveau européen (12 raffineries, 8 pays, plus de 10 000 stations service et 12 000 utilisateurs). Nous avons parallèlement deux axes de travail dans notre plan "Perspectives 2008", concernant la mobilité et la gestion des flux dématérialisés. Nous devons faire évoluer les infrastructures du groupe pour répondre aux utilisateurs qui veulent accéder à leurs applications où qu'ils soient et via d'autres outils qu'un poste de travail traditionnel. C'est déjà possible en partie. Toutefois, étendre cette possibilité à grande échelle, implique de remettre en question notre architecture de télécommunications pour ouvrir notre système d'information tout en le sécurisant davantage. Nous devons basculer vers des systèmes de sécurité embarqués dans les composants, les centres de données, les ordinateurs portables, les réseaux locaux, etc afin que chacun soit autonome avec son propre dispositif de sécurité. Nous devons parallèlement travailler sur l'interconnexion des systèmes d'information de nos branches avec l'extérieur pour la gestion de flux dématérialisés (factures, achats par voie électronique, etc). Des questions de sécurité se posent également. Là aussi nous allons changer nos infrastructures. Enfin, nous avons un projet de mise en place de la téléphonie sur IP pour l'ensemble du groupe, ce qui représente déjà 10 000 postes, sur notre seul site parisien. Quels sont les besoins en compétences qui en découlent? Le déploiement du progiciel Sap est typiquement le type de projet qui nécessite une double compétence métier et système d'information. Cette solution étant déployée dans nos trois branches (raffinage marketing, exploration production et chimie), nous avons mis en place des centres de compétences SAP dans chacune et cherchons en permanence à les renforcer. Chaque année en effet, une partie de leurs effectifs quitte ces centres pour évoluer vers des fonctions de responsables métier. C'est le cas d'une vingtaine de personnes par an (sur 400 au total) dans la branche raffinage marketing, soit de 5% des effectifs. Elles occupent ensuite par exemple des postes de délégués réseaux pour la gestion d'une zone de stations service, des fonctions marketing, de maîtrise d'ouvrage, de responsables de back-office matières (gestion des stocks), etc.
Pour l'évolution de nos infrastructures, nous avons besoin de compétences assez rares, des architectes d'infrastructures, des personnes ayant des compétences pointues tant sur les technologies de base que sur les plus récentes et qui sont capables de piloter les projets. Nous allons principalement les chercher en interne, dans les branches de la DSI. Les jeunes recrues sont plutôt positionnées sur les postes laissés vacants par ces informaticiens d'expérience qui rejoignent d'autres projets. Les jeunes diplômés vous semblent-ils bien formés? Oui, cependant je pense que les cursus d'ingénieurs manquent de formations en développement personnel. Je parle d'enseignements qui permettent de progresser en terme de communication, de comprendre les relations interpersonnelles, les mécanismes qui les régissent et d'avoir une meilleure connaissance de soi. Car c'est avec une meilleure connaissance de soi et de ses défauts que l'on communique mieux avec les autres. Or c'est une qualité indispensable pour piloter des projets dans lesquels on est en interface permanente avec les responsables opérationnels et les utilisateurs. Nous avons d'ailleurs développé un cursus en interne autour de cela et utilisons des coachs lorsque cela est nécessaire. Quels conseils donneriez-vous aux jeunes informaticiens qui souhaitent entrer dans les grandes entreprises? De passer par un prestataire de service? Je leur conseille d'essayer d'entrer tout de suite dans un grand groupe sans être trop exigeant sur leur premier poste, sachant qu'il y a ensuite de nombreuses opportunités d'évoluer. Le fait de commencer à intégrer une SSII d'abord n'est pas une mauvaise expérience, toutefois, je leur conseillerais dans ce cas d'être plus exigeant sur la qualité du premier poste. Globalement, quelques soient les choix initiaux effectués, il reste essentiel de faire évoluer ses fonctions tous les 3 à 4 ans, pour ne pas s'enfermer dans des technologies.