Construire des cathédrales sans plan, cela peut amener quelques soucis de conception, de solidité et d'effets secondaires. Or Internet, comme la révolution numérique, sont des cathédrales construites sans plan initial. Des idées (parfois géniales) se sont accumulées les unes aux autres. Au final, tout avait changé mais sans que l'on ait compris ce à quoi on allait aboutir. Et sans en avoir anticipé les risques.

Chroniqueur radiophonique sur France Culture et surtout avocat spécialisé dans les droits incorporels et les TIC, Fabrice Lorvo lance la charge contre l'ivresse numérique dans « Numérique : de la révolution au naufrage ? » qui vient de paraître aux éditions Fauves. Il ne s'agit évidemment pas de proclamer que le progrès était mieux avant. Oui, le numérique a des apports évidents et contribue au progrès de l'Homo Sapiens en faisant émerger un Homo Numericus. Mais, si goûter un bon vin est agréable, l'ivresse peut déboucher sur une gueule de bois.

Du rêve au cauchemar

Fabrice Lorvo débute ainsi son ouvrage par une dystopie de conception classique, quelque part entre la blague de la commande d'une pizza à l'ère numérique, la cybersurveillance généralisée et Bienvenue à Gattaca. Cette dystopie, simple dialogue téléphonique entre une mère et sa fille adulte ayant des soucis avec ses enfants, est là pour rappeler combien le croisement des données et l'absence d'un véritable droit à l'oubli remettent en cause les fondements d'une société libre et démocratique. Le numérique peut ainsi être « une nouvelle arme de destruction massive ».

Très concerné par le droit à l'oubli au sens le plus large, l'auteur-avocat se focalise beaucoup, au fil des pages, sur le rôle et les dangers des données. Le Big Data est ainsi l'objet de toute une partie. Le verbe est agréable, la réflexion salutaire. Certes, elle n'est guère originale, les rappels des dangers ici étudiés étant fréquents (éventuellement pas assez), mais un tel propos reste important à tenir de manière régulière. Ne pas tenir compte de ces rappels pourrait tous nous amener à nous réveiller un matin dans le cauchemar dystopique qui débute cet ouvrage.