Ces 12 derniers mois ont été décisifs pour Microsoft. L’entreprise a dû défendre ardemment sa place de leader mondial dans l'IA face à une concurrence croissante qui menaçait de la détrôner. Malgré tout, cette année, l’éditeur a réussi à accroître sa valorisation d’environ 400 milliards de dollars, jusqu’à atteindre 3 500 milliards de dollars selon les périodes. Et l’entreprise a conservé son avance dans l'IA. Comment y est-elle parvenue ? Cinq événements majeurs ont contribué à façonner l'entreprise cette année.

Prise de fonctions de Donald Trump

Depuis que Microsoft a été poursuivie par le gouvernement fédéral à la fin des années 1990 pour violation des lois antitrust, l'entreprise a essayé de se tenir à l'écart de la politique, considérant que c’était un domaine dont il fallait se méfier pour en éviter les conséquences potentiellement nuisibles. Mais le président américain Donald J. Trump gouverne selon ses caprices et un puissant sentiment de revanche. Microsoft ne peut donc plus échapper à la politique, Donald Trump ne le permettra pas. La manière dont le CEO Satya Nadella a géré l'investiture du président américain en janvier dernier a servi de modèle à la manière dont l'entreprise, prudente, a géré ses relations avec lui tout au long de l'année. Elle a su trouver le juste milieu entre ne pas l'offenser et ne pas se montrer trop enthousiaste. Microsoft a fait un don d'un million de dollars pour l'investiture de Donald Trump. Mais M. Nadella n'a pas assisté à l'événement, contrairement à de nombreux autres dirigeants du secteur technologique, notamment Jeff Bezos d'Amazon, Tim Cook d'Apple, Mark Zuckerberg de Meta, Sam Altman d'OpenAI, Sundar Pichai d'Alphabet et Elon Musk de Tesla. Même si le CEO ne s'est pas présenté en personne, ce don a semble-t-il apaisé M. Trump. Pendant un certain temps, du moins.

Donald Trump s'en prend à Microsoft

En septembre, le président américain a pris Microsoft pour cible, exigeant de l'entreprise qu’elle licencie Lisa Monaco, sa nouvelle présidente des affaires internationales (Global Affairs). Ancienne numéro deux du ministère de la Justice (DoJ), Mme Monaco a supervisé les poursuites visant M. Trump pour utilisation abusive de documents classifiés et tentatives de renversement de l'élection présidentielle de 2020. Cette demande s'inscrivait dans le cadre d'une campagne de vengeance et de représailles dans laquelle le président Trump ciblait également l'ancien directeur du FBI James Comey et la procureure générale de New York Letitia James, entre autres. Pour Microsoft, il ne s'agissait pas de profits et de pertes, mais de culture d'entreprise. Microsoft avait déjà refusé de mettre fin à ses efforts en faveur de la diversité et avait renoncé aux services du cabinet d'avocats Simpson Thacher & Bartlett lorsque celui-ci s'était engagé à fournir gratuitement 125 millions de dollars de services juridiques à l'administration après les menaces de Donald Trump. Pour remplacer ce cabinet, Microsoft a engagé Jenner & Block, celle-là même qui a poursuivi l'administration Trump en justice au lieu de céder à ses menaces. Cependant, pour ce qui est de Mme Monaco, Donald Trump a pour la première fois interpellé Microsoft spécifiquement. En réponse, M. Nadella n'a non seulement pas dit un mot sur la menace de Trump, et il n'a pas non plus licencié Lisa Monaco. Microsoft est resté fidèle à sa culture. Donald Trump n'a pas encore pris sa revanche.

Divorce officiel avec OpenAI

Cette année, Microsoft et OpenAI ont finalement conclu un accord clarifiant ce que la firme de Redmond obtiendra en échange de son investissement de près de 14 milliards de dollars dans OpenAI, et les restrictions, le cas échéant, auxquelles OpenAI devra se conformer en raison de cet investissement. Plus important encore, cet accord définit la nature de leur relation maintenant que l'IA a conquis le monde technologique. OpenAI a obtenu ce qu'elle voulait le plus : l’autorisation de se restructurer pour devenir une entreprise à but lucratif. Cela lui ouvre la voie pour obtenir les 22,5 milliards de dollars que SoftBank s'est engagé à investir dans le spécialiste IA, ainsi que d'autres investissements. De plus, ce dernier peut conclure des accords d'infrastructure avec d'autres entreprises sans accorder à Microsoft un droit de préemption. La société peut également continuer à développer du matériel grand public basé sur l'IA sans reverser des droits à Microsoft sur la technologie.

En contrepartie, le géant des logiciels obtient 27 % des parts de l'entreprise à but lucratif OpenAI, dont la valeur est estimée à environ 135 milliards de dollars pour l'instant, ce qui représente un retour sur investissement assez conséquent pour un investissement inférieur à 14 milliards de dollars. OpenAI s'engage aussi à acheter pour 250 millions de dollars de services cloud Azure à Microsoft. Ce dernier conserve ses droits de propriété intellectuelle sur les technologies OpenAI jusqu'en 2032. À l'expiration de cette période, l'entreprise aura très probablement développé sa propre propriété intellectuelle pour les remplacer. Dans l'ensemble, Microsoft est le grand gagnant de cette transaction. Celle-ci devrait lui permettre de conserver pour l'instant son avance dans l’IA sur ses concurrents.

Un avenir tracé dans l'IA

L’entreprise avait planifié ce qu'elle ferait après son divorce avec OpenAI, et en 2025, elle a présenté sa feuille de route et pris des mesures importantes dans cette perspective. En septembre, Microsoft a lancé ses propres grands modèles de langage (LLM), qui sont le cerveau des outils d'IA générative (genAI) comme ChatGPT et Copilot, alimentés par le LLM GPT d'OpenAI. L'un des modèles développés en interne, MAI-Voice-1, deviendra l'interface vocale de Copilot. Microsoft reste discret sur ses autres activités, mais l’entreprise parle d'un « modèle de fondation initial formé de bout en bout [qui] donne un aperçu des futures offres de Copilot ». L’entreprise a également conclu un accord avec Anthropic, concurrent d'OpenAI, pour alimenter certaines parties de Microsoft 365 Copilot, la version de Copilot qui s'intègre aux applications Microsoft 365. Cela permettra d'améliorer l'une des graves lacunes de Copilot, à savoir ses faibles capacités Excel. C’est un premier pas vers une approche « best-of-breed » qui s'appuie sur plusieurs LLM, et pas seulement sur GPT, pour alimenter Copilot. Mais la plus grande nouvelle en matière d'IA a été l'annonce par l'entreprise du développement de ce qu'elle appelle la « superintelligence humaniste », une série de technologies puissantes basées sur l'IA, chacune visant à résoudre un problème important. Mustafa Suleyman, CEO et vice-président exécutif de Microsoft AI, cofondateur et ancien directeur de l'IA appliquée chez Deep Mind, en a fait la présentation dans un article de blog. Celui-ci a révélé que l'entreprise avait déjà commencé à travailler sur ce qu'il appelle la « superintelligence médicale ». La prochaine étape, selon lui, consistera à concevoir une énergie abondante, propre et peu coûteuse. 

Des poursuites antitrust caduques… pour l'instant

Les administrations Biden et même Trump ont parfois sévi contre les géants de la technologie, en lançant ou en menaçant de poursuites antitrust Amazon, Apple, Google et Meta. Jusqu'à présent, Microsoft y a échappé, à l'exception d'un procès intenté par la Federal Trade Commission (FTC) contre l'acquisition d'Activision Blizzard par l'entreprise, procès que la FTC a perdu. Même si l'agence avait gagné, cela n'aurait toutefois pas affecté le cœur de l'activité de Microsoft, contrairement aux poursuites qui pourraient nuire aux autres grandes entreprises technologiques. Microsoft s'inquiétait d'un procès fédéral antitrust, car fin novembre 2024, la FTC a lancé une vaste enquête sur les produits de l'entreprise dans les domaines de l'IA, du cloud, de la sécurité et de Teams. L'enquête cherchait à savoir si l’éditeur aurait pu enfreindre les lois antitrust en associant ses produits cloud et Teams à ses produits bureautiques et de sécurité. L'enquête visait également à déterminer si l'entreprise acquérait une position dominante excessive sur le marché de l'IA. Aujourd'hui, plus d'un an après, plus personne n'en parle. Cela signifie probablement que l'enquête a échoué. Pour l'instant, l'entreprise semble être hors de cause. Donald Trump utilise fréquemment le pouvoir du gouvernement fédéral pour attaquer et poursuivre ses ennemis. S'il se retourne contre Microsoft, il ne faudra pas s’étonner si, en 2026, l'enquête revienne soudainement sur la table.