La start-up Rockport Networks est sortie du mode furtif avec un produit très singulier : le réseau sans commutateur classique. Si l’on en croit la jeune pousse, son produit Rockport Switchless Network permet de transférer des données plus rapidement et avec une meilleure latence que les réseaux commutés habituels. Dans un réseau Rockport Switchless, la fonctionnalité de commutation est réaffectée à des cartes réseau de point d'extrémité, où les dispositifs (nœuds) deviennent le réseau. Chaque dispositif est doté d'un FPGA et peut connecter jusqu'à 24 points d'extrémité à un dispositif optique SHFL (prononcer « shuffle ») 1U dédié à l'aide d'un câblage passif. Les SHFL ne nécessitent ni alimentation ni refroidissement et peuvent être reliés entre eux pour étendre le réseau. Le trafic Ethernet et InfiniBand peut être acheminé sur le réseau Rockport. Les cartes réseau sont des cartes PCIe standard, « low-profile », mi-hauteur, mi-longueur (Half Height Half Length, HHHL).

Outre le FPGA, le réseau switchless utilise les pilotes ConnectX-5 existants de Mellanox pour tirer parti de la décharge du réseau et des fonctions d'amélioration des performances de ConnectX-5, et il prend en charge toutes les librairies et commandes natives, notamment celles d’InfiniBand IB Verb dans RDMA et RoCE. « Notre objectif est d'acheminer les données d'une source à une destination plus rapidement que les autres technologies. La suppression du commutateur classique était cruciale pour obtenir des avantages significatifs en termes de performances d'une manière écologiquement et commercialement durable », a déclaré Doug Carwardine, CEO et cofondateur de Rockport Networks dans un communiqué.

Des SmartNic au coeur de la solution 

Le système d'exploitation Rockport Network Operating System (rNOS) fonctionne sur la carte réseau pour décharger entièrement le traitement du réseau des cœurs de calcul et du système d'exploitation du serveur. rNOS permet au réseau de s'autodécouvrir, de se configurer et de s'auto-réparer. Il optimise en permanence le meilleur trajet à travers le réseau afin de minimiser la congestion et la latence. rNOS divise le trafic en petits morceaux qu'il appelle FLIT, et les classe par ordre de priorité en fonction de leur importance, de façon à ce que le trafic le plus critique ne soit pas ralenti. Les FLIT sont entrelacés et transmis ensemble afin que les transferts de trames ou de paquets importants ne retardent pas les transferts plus petits.

Animée par une puce, la SmartNIC NC1225 de Rockport Networks assure la commutation des données transitant sur le réseau Ethernet ou InfiniBand. (Crédit Rockport).

Rockport Autonomous Network Manager (ANM) permet aux administrateurs réseau de configurer, gérer et surveiller le réseau. L'ANM monitore en permanence tous les aspects du réseau dans une base de données temporelle ou de séries chronologiques. Il stocke 30 jours de données historiques, ce qui permet aux administrateurs du réseau de revenir en arrière pour le dépannage. Rockport ne tarit pas d’éloge sur son design. La startup affirme que le réseau sans commutation consomme entre 34 % et 69 % d'énergie en moins par rapport aux technologies basées sur les commutateurs, qu’il permet de se passer de 72 % du câblage et qu’il réduit l'espace et le poids du rack de 77 %. De quoi réduire fortement l'empreinte carbone des datacenters.

Déjà beaucoup de clients HPC

Bien que nouveau dans le domaine du réseau sans commutation classique Rockport attire de plus en plus de clients HPC. Son plus gros client est le centre de calcul avancé de l'université du Texas (University of Texas’ Advanced Computing Center, TACC) d’Austin. Rockport a annoncé une collaboration avec le TACC pour créer un centre d'excellence sur place. Le TACC abrite Frontera, le superordinateur le plus rapide présent sur un campus universitaire et le 10e superordinateur le plus puissant au monde. Le TACC a installé 396 nœuds sur Frontera pour exécuter des charges de travail de production sur le réseau sans commutation de Rockport, notamment des charges d'informatique quantique, mais aussi de recherche en sciences de la vie liée aux pandémies, plus d’autres tâches HPC à vocation scientifique. Rockport a également débarqué à l'Université de Durham, laquelle utilise le Switchless Network sur son cluster HPC COSMA, et la start-up travaille avec l'Université d'État de l'Ohio, qui héberge le Ohio Supercomputer Center, pour des recherches sur de nouvelles normes de réseau à haute performance. Rockport a été fondée en 2012. Selon Crunchbase, la start-up a collecté 18,8 millions de dollars en capital-risque, subventions et financement par emprunt.