« Siemens Healthineers vient d'un paysage IT fait de procédures distribuées qui a été mis en place en 2004 et qui était basé sur un ancien standard ECC de SAP », rappelle le DSI de l'entité, Stefan Henkel. Avec l'entrée en bourse en 2018, il a fallu décider entre une évolution basée sur une copie du paysage SAP issu de la maison mère ou la construction d'un nouveau système sur le standard de l'époque. L'équipe entourant le DSI a opté pour cette dernière solution, en collaboration avec les responsables métiers.

Simple Finance comme fondation

Le coup d'envoi du projet a été donné en 2019. Le nouveau système s'est basé sur le modèle Simple Finance de SAP de l'époque, car selon Stefan Henkel, S/4 n'était pas encore assez mûr à ce moment-là. « Néanmoins, nous avons ainsi posé les bases d'une future migration, car Simple Finance contient déjà la plupart des modifications des fonctions financières et de contrôle de gestion qui se retrouvent également dans le standard S/4 », raconte celui qui est devenu DSI de l'entreprise en 2018, après toute une carrière dans le groupe Siemens.

Ainsi, le nouveau modèle a pu intégrer non seulement des directives comme la norme IFRS 15, mais aussi de nouveaux modèles exploités par la direction financière. « Il ne s'agissait donc pas d'une transformation informatique purement technique, mais d'une transformation métier - un projet de changement conduit par l'entreprise », indique le DSI.

Pour cette première étape, Siemens Healthineers s'appuie sur un nouveau concept architectural, appelé "Lean Core", au sein duquel les processus sont automatisés de bout en bout et restent au plus proche du standard SAP. Les adaptations nécessaires étant, elle, externalisées au sein de la plateforme Business Transformation de SAP, prévue à cet effet.

Déploiement par vagues

Une fois ce modèle conçu, l'équipe projet interfonctionnelle métiers et IT déploie trois sites pilotes pour mener un PoC : Allemagne, Suisse et Pays-Bas. Ce qui permet d'identifier certains aspects du Core Model qui doivent encore être adaptés pour que les fonctions automatisées de l'ancienne plateforme soient également mises en oeuvre dans la nouvelle.

Passé ce pilote, la première vague de déploiement est lancée en octobre 2021 avec quatre autres pays, suivie de deux autres vagues en Europe, qui ont été préparées de manière synchrone pour une mise en service en 2022. Sept pays par vague sont amenés sur la nouvelle plateforme SAP, sous le contrôle de l'équipe projet centrale. « Nous disposions ainsi d'un modèle stable qui, à chaque mise en service, a été enrichi de fonctions supplémentaires pour répondre aux nouveaux besoins des entités ».

Stefan Henkel, DSI de Siemens Healthineers : « Nous étions déjà bien préparés avec Simple Finance, si bien que la migration technique du code vers S/4 s'est faite relativement sans problème ». (Photo : D.R.)

Ces extensions se divisent en exigences locales et globales. Les premières se réfèrent généralement à des réglementations spécifiques à un pays. Les secondes profitent à tous les pays. La règle générale pour l'équipe de projet est la suivante : si une fonction est utile à plus de trois pays, elle est déployée sur tous les sites. « L'objectif est de garder le modèle aussi léger que possible et aussi étendu que nécessaire », explique le CIO.

Enchaîner sur la migration vers S/4 Hana

Avec la préparation de nouvelles vagues en octobre 2022 et le passage à 21 pays au total, Stefan Henkel décide de passer au standard S/4. « Nous étions déjà bien préparés avec Simple Finance, si bien que la migration technique du code vers S/4 s'est faite relativement sans problème », explique le directeur informatique.

Selon ce dernier, la mise à niveau ouvre de nouvelles opportunités pour l'entreprise. L'IT profite des innovations que SAP met à disposition dans le standard S/4. Parallèlement à la migration technique vers S/4, Siemens Healthineers a formé son personnel à la plateforme, en collaboration avec la société de conseil Deloitte et des experts de SAP.

« Ainsi, nous n'avons pas dû interrompre le déploiement global », rapporte Stefan Henkel. En règle générale, SAP et les consultants conseillaient à l'entreprise de faire une pause pour le passage à S/4, afin de déployer et de tester le modèle. « Cela nous aurait fait reculer notre calendrier d'un an, nous ne voulions pas prendre un tel retard ». En décembre 2023, 30 pays au total ont migré vers S/4.

Outre les vagues de déploiement, qui englobent chacune plusieurs pays, l'équipe de Henkel a également lancé sept projets plus ciblés. Ceux-ci concernent de grands pays qui sont particulièrement complexes en raison de réglementations particulières ou de volumes de transactions élevés, de sorte que le modèle doit être adapté de manière plus spécifique. C'est le cas de l'Inde, où le déploiement de S/4 est attendu pour en avril 2024. La Chine, le Brésil et les États-Unis devraient suivre. Dans ces pays, ServiceNow est également utilisé pour représenter les processus à petite échelle.

Chaque année, l'équipe IT entend ainsi s'attaquer à une vague de déploiement et à un ou deux projets plus ciblés. En 2025, toutes les unités Sales & Service dans le monde entier devraient fonctionner sur le nouveau modèle.

Mieux gérer les contrats de services managés

Sur le standard S/4, il y a maintenant dans l'entreprise environ 50 applications Fiori qui, selon le DSI, sont disponibles pour tous les pays. Le contrôle du coût des contrats est ainsi uniformisé, hautement automatisé et transparent dans le monde entier. « C'est important, car nous avons de nombreux modèles de contrats complexes et de longue durée, associés à de gros volumes de commandes », commente le dirigeant. Une référence au modèle commercial Managed Equipment Services de Siemens Healthineers, des contrats de service permettant par exemple à un hôpital de déléguer la gestion de ses équipements. Et qui couvrent parfois plus de 1000 positions. Ces contrats s'étendent sur cinq à dix ans et les prestations sont fournies et facturées mensuellement. « Nous avons un grand volume de transactions que nous pouvons mettre en oeuvre beaucoup plus facilement avec la nouvelle technologie, ce qui était impossible avec les systèmes Legacy ».

Du point de vue IT, le développement nécessaire au pilotage de cette activité reste proche du standard SAP. Selon le DSI, les extensions requises peuvent être facilement intégrées dans le modèle. Le système serait également devenu plus rapide lorsqu'il traite d'importants volumes de transactions. Selon Stefan Henkel, le progiciel se charge presque automatiquement du traitement des commandes sous le contrôle du gestionnaire de contrat. Les interventions manuelles seraient minimisées, réduisant les sources d'erreurs.

« Cette transformation nous permet également de hisser notre système au niveau du contrat RISE with SAP », observe Stefan Henkel, faisant référence aux dernières évolutions de l'offre du premier éditeur européen, évolutions qui poussent résolument la base ibstallée vers le cloud. Par ailleurs, l'atteinte de ce palier ouvre la voie à de nouvelles automatisation des processus métiers, avec les nouvelles technologies comme l'IA.

Un tandem entre spécialistes centraux et locaux

« D'un point de vue technique, le plus grand défi de la transformation des processus métiers a été de considérer non seulement les systèmes SAP, mais aussi les systèmes satellites », analyse Stefan Henkel. Cela concernait près de 75 systèmes en amont et en aval, avec près de 300 interfaces et plus de 750 processus de niveau 3. L'équipe IT les a représentés avec des outils d'architecture d'entreprise.

Lors du déploiement, l'équipe projet centrale a toujours travaillé avec une équipe de déploiement locale sur les sites. Les métiers ayant des interlocuteurs au sein de l'équipe centrale pour toutes les fonctions SAP. « Pour le service, les ventes, le order-to-cash et d'autres unités, il y a toujours un tandem de spécialistes locaux et centraux. Nous développons continuellement l'équipe centrale au fur et à mesure de la croissance des sites et des utilisateurs fonctionnant sur la nouvelle plateforme », explique le DSI.

Aujourd'hui, une grande partie des déploiements par vagues peut être gérée à distance. Selon le DSI, les sept projets ciblés distincts nécessitent toutefois un engagement plus important : « Nous voulons mettre en place un échange plus étroit avec les experts en processus sur place ».

La DSI doit provoquer le changement

Côté métiers, la gestion du changement sur place a été décisive. « Les collaborateurs de toute l'organisation devaient comprendre pourquoi le changement était important », explique Stefan Henkel. C'est pourquoi l'informatique est toujours un "people business". Il faut des personnes qui portent les thèmes dans les départements et qui expliquent la valeur ajoutée. « C'est notre tâche, en tant qu'IT et Business, de provoquer ce changement », résume le manager.

Par ailleurs, il faut veiller à la motivation des utilisateurs sur les sites, indispensable pour qu'ils acceptent de se former. Selon Stefan Henkel, l'IA générative peut aider à cela à l'avenir : « Nous prévoyons de déplacer toute notre documentation utilisateur et les documents de formation dans notre propre OpenAI d'entreprise. Si les utilisateurs posent une question spécifique sur une application, ils recevront exactement les documents de formation appropriés ».