Si l'eau est dangereuse pour l'électronique, elle semble avoir plus d’affinité avec les datacenters. De nombreux datacenters Hyperscale sont construits à proximité de rivières dont l’eau peut servir aussi bien de source d'énergie hydroélectrique, que de source de refroidissement, une option de plus en plus populaire pour la construction de ces infrastructures. Il y a même l’exemple extrême de ce mini datacenter immergé par Microsoft au large des côtes du nord de l'Angleterre. Et l’histoire ne s’arrête pas là : voilà désormais le datacenter flottant, mobile et facilement accessible. C’est ce que projette de faire la start-up Nautilus Data Technologies qui a obtenu un financement de 100 millions de dollars pour construire une installation de colocation flottante de six mégawatts. Selon la jeune pousse, ce datacenter coûtera moins cher et sera plus efficace que des installations traditionnelles.

Basée à Pleasanton, Californie, la startup Nautilus a inventé ce qu'elle appelle le système de refroidissement TRUE (Total Resource Usage Effectiveness), qui intègre des technologies de refroidissement maritime et industriel à l'infrastructure des datacenters afin d'accroître l'efficacité énergétique de ses opérations, de réduire le coût global de l’IT et de réduire les gaz à effet de serre et la pollution de l'air. Même si le principe du refroidissement à l’eau n’est pas nouveau, la stratégie de Nautilus est assez déconcertante, d'autant que son premier datacenter sera basé à Stockton en Californie, ville aux taux de criminalité (en particulier les crimes violents) très élevés avec une rivière baptisée Calaveras particulièrement sale.

Appliquer une solution éprouvée

Mais il y a une logique à cette folie. James Connaughton, président et CEO de Nautilus, est un ancien de l'industrie du refroidissement industriel et il a décidé de transposer ces méthodes au refroidissement des datacenters. A côté des usines, des installations pétrochimiques et des centrales nucléaires qu’il était habitué à refroidir, les serveurs sont un jeu d'enfant. « Si l’on peut refroidir une centrale nucléaire produisant un gigawatt de chaleur, alors refroidir un datacenter produisant 20 mégawatts de chaleur, ce n'est rien », a-t-il déclaré. Nautilus reprend la solution bien connue du refroidissement à passage unique en vigueur dans tous les autres secteurs où il y a une production de chaleur, à l'exception des datacenters. L’eau est aspirée, filtrée pour en extraire les éléments solides, avant de passer dans un échangeur de chaleur qui renvoie cette eau à la rivière ou à la mer un peu plus chaude qu'elle n'est entrée, mais sans altération.

À l'intérieur du datacenter flottant, Nautilus a installé une circulation d’eau pure en boucle fermée d'eau pure qui évacue la chaleur au niveau la porte arrière et assure un refroidissement directement au niveau de la puce. La particularité de la solution de Nautilus, c’est que le transfert de froid se fait entre la source d'eau extérieure et le circuit fermé interne. L'eau extérieure refroidit la boucle interne, absorbe la chaleur et est rejetée dans la rivière. C’est très différent des anciennes méthodes qui nécessitent un refroidissement par évaporation, et donc l’usage de réfrigérants et la production de déchets. « Nous ne nuisons pas à l'environnement du côté de l'eau extérieure, et du côté du circuit fermé, nous pouvons lui appliquer des normes de contrôle élevées », a expliqué M. Connaughton.

Rendement énergétique constant

Comme tout repose sur le rejet de chaleur, l'eau doit être fraîche et non froide, car tout dépend de la température du serveur. L’essentiel, c'est que l'eau de la rivière soit plus froide que l'eau du circuit fermé. C’est pour cela que la start-up pourra installer son datacenter à Stockton, où l’eau de la rivière est assez chaude en été, quelle que soit la température saisonnière. James Connaughton a dit qu'il pourrait même installer une barge avec son datacenter flottant dans le lac Mead, juste à la sortie de Las Vegas. « Nous pourrions avoir un rendement énergétique constant, quel que soit le temps », a-t-il encore déclaré.

La taille de la barge de Stockton sera modeste par rapport à la plupart des datacenters, mais le CEO de Nautilus affirme qu'il n'y a pas de limite de taille pour ces installations. La barge de Stockton va servir de modèle et l’on pourra augmenter sa taille à la demande. « Avec ce premier projet, nous voulions prouver trois choses : que l’on pouvait effectuer un refroidissement efficace en une passe, que l’on pouvait se passer de produits chimiques, et que le datacenter sur barge, entièrement préfabriqué, offrait une option viable », a-t-il expliqué. Le centre de données de Stockton sera mis en service au cours du quatrième trimestre de cette année.