Il est rare que la Cour de Cassation intervienne sur un référé. Le référé est en effet une procédure d'urgence visant à régler rapidement (et souvent provisoirement) un litige dont les tenants et aboutissants sont manifestes ou, du moins, à protéger les intérêts des parties avant un « jugement au fond ». Il faut donc être prudent dans les commentaires sur cette récente jurisprudence qui porte bien sur un référé. Mais l'argumentation déployée rappelle qu'il n'y a aucune évidence à ce qu'une plateforme de mise en relation par voie électronique de travailleurs indépendants puisse être qualifiée d'agence d'intérim, et les « indépendants » de « salariés ».

Comme les DSI recourant à de telles plates-formes pour trouver des développeurs au lieu de passer par des SSII ou des agences d'intérim, le secteur de l'hôtellerie-restauration use et abuse des employés temporaires, traditionnellement plutôt intérimaires et désormais de plus en plus souvent « indépendants ». La qualité d'indépendants pour ces travailleurs fait l'objet de vastes débats récurrents. Et une agence d'intérim spécialisée dans le secteur, Staffmatch France, a donc attaqué la plateforme de mise en relation par voie électronique de travailleurs indépendants de l'hôtellerie-restauration Brigad en référé au titre de la concurrence déloyale, Brigad, société ayant comme activité déclarée la programmation informatique, ne subissant pas toutes les contraintes des agences d'intérim.

Las ! Attaquer en référé au nom d'un trouble imminent n'a probablement pas été une bonne idée. En effet, la justice, au fil de la procédure, n'a pu que constater que la qualité de « salariés » des « indépendants » n'était pas manifeste. De la même façon, Brigad ne pouvait pas être qualifié de concurrent déloyal manifeste à Staffmatch France. Il en résulte que, à chaque étape, la société d'intérim a été déboutée, y compris en cassation. Un jugement au fond aura sans doute lieu prochainement.